Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 17/06/2021

M. Laurent Lafon interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application des dispositions de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Le décret d'application n° 2020-1444 du 24 novembre 2020 a désigné le tribunal judiciaire de Paris comme tribunal exerçant une compétence nationale pour tous les délits relevant de la haine en ligne, qu'il s'agisse du harcèlement moral, de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence, de l'injure publique, de la diffamation publique à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée etc. Un parquet spécialisé a également été crée à l'initiative du garde des sceaux, le pôle national de lutte contre la haine en ligne qui est rattaché à la section « Presse et protection des libertés publiques » de la cinquième division du parquet de Paris. Pour autant, l'article 10 de la loi disposait que cette compétence nationale du tribunal judiciaire de Paris ne pouvait pas s'exercer tant que l'infraction ne faisait pas l'objet d'une plainte adressée par voie électronique. Or, il n'existe aujourd'hui toujours pas de plateforme permettant à nos concitoyens de saisir la justice en ligne pour ce type de faits. En effet, la garde des sceaux reconnaissait dans la « circulaire relative à la lutte contre la haine en ligne » du 24 novembre 2020 que « la plainte en ligne n'est pas encore opérationnelle pour ce type de faits ». Dès lors, si un tribunal judiciaire a bien été désigné pour exercer une compétence nationale sur la haine en ligne, il n'est pas en mesure d'agir. Aussi, il l'interroge sur ses intentions quant aux modalités et au calendrier de mise en ligne d'une plateforme indispensable à l'effectivité de la compétence nationale du tribunal judiciaire de Paris en matière de haine sur internet, telle que l'a prévue le législateur.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/08/2021

La lutte contre la haine en ligne figure parmi les priorités de la politique pénale du ministère de la justice. A cet égard, la circulaire du 4 avril 2019 de lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux appelait l'attention des parquets sur les propos haineux diffusés par internet et invitait les procureurs à se montrer particulièrement vigilants concernant ces faits. Pour accompagner au mieux les parquets face aux difficultés techniques et juridiques inhérentes aux faits commis sur internet, la circulaire du 24 novembre 2020 relative à la lutte contre la haine en ligne a ensuite instauré le pôle national de lutte contre la haine en ligne au parquet de Paris pour traiter des affaires significatives de cyber-harcèlement et de haine en ligne. Au surplus, le décret du 24 novembre 2020 pris pour l'application de l'article 15-3-3 du CPP issu de la loi dite AVIA du 24 juin 2020 a désigné le tribunal judiciaire de Paris, comme juridiction compétente disposant d'une compétence nationale concurrente pour les délits de harcèlement sexuel ou moral à caractère discriminatoire commis en ligne. Le parquet de Paris est devenu ainsi, en la matière, l'interlocuteur privilégié de la plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS). Après quelques mois de fonctionnement, le pôle national de lutte contre la haine en ligne a pris toute sa place dans l'architecture judiciaire. En effet, depuis son installation en janvier 2021, le pôle national de lutte de la haine en ligne s'est saisi de plus de 200 dossiers, dont des affaires de harcèlement en ligne présentant une dimension d'atteinte aux valeurs républicaines. L'institution de ce pôle à compétence nationale sans toutefois être exclusive, à même d'améliorer la centralisation de l'action publique jusqu'aux poursuites, permet dorénavant d'apporter une réponse mieux harmonisée et plus efficace là où ce type de phénomène amenait souvent chaque parquet territorial à répondre aux seuls faits commis par les auteurs identifiés sur son ressort. Par ailleurs, afin de faciliter le recueil de plainte et la prise en charge des victimes, notamment de haine en ligne, un portail numérique d'accompagnement leur permettant d'échanger en temps réel, 24 heures sur 24, avec des policiers ou des gendarmes grâce à un outil de conversation instantanée type « chat » et de bénéficier d'un accompagnement adapté devrait voir le jour à l'automne. Ainsi, telle que prévue par la loi du 23 mars 2019, le dépôt de plainte dématérialisée est en cours de déploiement sur le territoire national. Cette évolution est en effet soumise à des développements techniques importants. En revanche, l'absence temporaire d'un tel outil ne constitue toutefois pas un obstacle à l'effectivité du pôle national de lutte contre la haine en ligne, destinataire de signalements en provenance de Pharos ou des parquets qui souhaitent se dessaisir à son profit.

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