Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 10/06/2021

M. Édouard Courtial appelle l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le droit de préemption des communes dans le cadre de l'installation de gens du voyage sur des espaces humides, boisés et classés, indispensables au ruissellement des eaux des communes.

En effet, certaines pratiques sont dénoncées par les élus. Elles consistent en un phénomène de mitage de la part des gens du voyage qui démarchent des propriétaires fonciers, rachetant des parcelles à des prix plus élevés que leur valeur réelle, mais moins cher qu'une parcelle constructible. Sitôt la parcelle achetée, les nouveaux occupants n'hésitent pas alors à couper les arbres et à imperméabiliser les sols pour s'y installer avec caravanes et abris non déclarés.

Or, à l'heure actuelle, les communes ne peuvent préempter ces espaces naturels, même lorsque ces derniers sont nécessaires pour capter l'eau. Contre ce phénomène qui prend de l'ampleur, les communes sont réduites à faire jouer le droit de préférence pour se porter acquéreuses d'une parcelle qui a été négociée entre le vendeur et l'acheteur au prix convenu entre eux. Ainsi, les communes sont obligées d'acheter à des prix démesurément hauts par rapport à leur valeur pour préserver l'équilibre du ruissellement des eaux sur leur territoire.

Aussi, il lui demande si elle serait favorable à un droit de préemption des zones naturelles au profit des communes, lorsqu'il est motivé par la nécessité de préserver des espaces de captation des ruissellements des eaux pluviales.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 23/09/2021

Il convient de rappeler l'existence de droits de préemption protégeant les espaces naturels ou agricoles, ainsi que les dispositifs préservant la ressource en eau. En effet, le cadre légal actuel prévoit, outre le droit de préemption urbain qui permet à une commune dotée d'un document d'urbanisme de préempter un terrain dans une zone définie dans le but de réaliser un équipement ou une opération d'aménagement d'intérêt général, le droit de préemption commercial qui s'exerce sur les cessions de fonds artisanaux et fonds de commerce et le droit de préemption dans les zones d'aménagement différé (ZAD), qui permet à une collectivité de préempter un terrain dans des zones urbaines ou naturelles afin de constituer des réserves foncières, il prévoit aussi des dispositifs qui ont vocation à instituer des droits de préemption pour des motifs environnementaux. Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (ENS) paraît donc tout à fait indiqué dans le cas d'espèce et les zones de préemption au titre des ENS sont créées par le conseil départemental : - soit avec l'accord de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme (PLU), si la commune est dotée d'un PLU, - soit, si elle n'est pas dotée d'un PLU et à défaut d'accord de la commune ou de l'EPCI, avec l'accord du préfet de département (articles L. 215-1 et R. 215-1 du Code de l'urbanisme). La délibération créant la zone doit être accompagnée d'un plan de situation et d'un plan de délimitation. Le droit actuel relatif à la préemption en espace naturel sensible offre des possibilités d'action aux communes par substitution ou par délégation. Ainsi la commune, ou l'EPCI si la commune lui a délégué ce droit, peut se substituer au département lorsque celui-ci n'exerce pas son droit de préemption. De même, le département peut déléguer son droit de préemption à une collectivité territoriale, commune ou EPCI, à l'occasion de l'aliénation d'un bien soumis à ce droit ou sur un ou plusieurs secteurs de la zone de préemption. Par ailleurs, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) détiennent aussi un droit de préemption qui leur permettent d'acheter en priorité un bien agricole ou rural pour le revendre à un agriculteur. (cf art. L. 143-1 et suiv. et R. 143-1 et suiv. du Code rural et de la pêche maritime). Dans leurs zones d'intervention, (terrains situés dans une zone agricole, à l'intérieur des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains protégée, dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme) cet outil leur permet de contribuer notamment à maintenir de la vocation agricole du bien, mais également à protéger l'environnement et à éviter la surenchère des prix. La protection de la ressource en eau peut être assurée au travers d'un droit de préemption spécifique pour la préservation des ressources en eau destinée à la consommation humaine. À la demande de la commune ou du groupement de communes compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau, l'autorité administrative de l'État peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption a pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement. L'arrêté instaurant le droit de préemption précise la zone sur laquelle il s'applique. La commune peut également instituer un droit de préemption urbain dans les périmètres de protection rapprochée de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines définis en application de l'article L. 1321-2 du Code de la santé publique. Dans ces conditions, il apparaît clairement que les dispositifs en matière de droit de préemption pour des motifs environnementaux ou de préservation des ressources en eau qui sont complémentaires, existent déjà. De plus, la mise en place d'un nouveau dispositif qui verrait entrer en concurrence plusieurs collectivités territoriales titulaires à part entière d'un droit de préemption identique serait difficilement lisible pour les usagers lors des ventes immobilières situées hors zones urbaines. En conséquence le Gouvernement n'envisage pas de faire évoluer la législation qui tendrait à instituer un nouveau droit de préemption environnemental au bénéfice des communes.

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