Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 03/06/2021

M. Édouard Courtial appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le déploiement de voitures radars banalisées. Leur nombre a explosé depuis 2020 alors qu'elles ne sont plus seulement confiées aux brigades de police, mais aussi et surtout à des entreprises privées depuis 2018. Une première phase de test avait été réalisée avec 83 voitures privées déployées dans certaines régions. Puis, en l'absence de toute communication sur les résultats obtenus en termes d'amélioration de la sécurité routière, le Gouvernement a décidé leur généralisation à l'ensemble du territoire national. Ainsi, sur près de 450 véhicules radars qui circuleront en France d'ici à la fin de l'année, plus de 223 seront conduits par des conducteurs privés, puis, à terme, l'intégralité du parc. De nombreux Français perçoivent cette mesure comme un dispositif purement répressif, appliqué de manière automatique, sans aucune pédagogie, d'autant qu'il ne s'accompagne absolument pas d'un renforcement de la prévention, et comme un moyen pour l'État, non pas de lutter efficacement contre l'insécurité routière, mais de boucler son budget sur le dos des automobilistes. Si l'on suit les différentes projections faites, on passerait de 1,5 million de PV à 12 millions avec ce dispositif qui pénalisera avant tout ceux qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur voiture quotidiennement, comme les habitants des territoires ruraux. Le caractère banalisé et la variété des voitures concourent à les rendre indétectables et constituent un élément de stress au volant, car les automobilistes sont focalisés uniquement sur la vitesse, et donc de dangerosité sur les routes. Les associations d'usagers font part de témoignages inquiétants d'un certain nombre de dérapages visant à piéger les automobilistes pour les inciter à franchir les limitations de vitesse, car cherchant la rentabilité avant la sécurité. Or il serait grandement préjudiciable que ce tout répressif se fasse au détriment de la formation et de la prévention. Ainsi, la fin du caractère banalisé est une nécessité afin de renforcer la pédagogie, comme c'est le cas pour les véhicules de contrôle du stationnement payant, par exemple. Il lui demande donc s'il entend mettre en place un système d'identification des véhicules radars conduits par les chauffeurs privés, beaucoup plus pertinent pour la sécurité des Français sur les routes.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 14/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/07/2021

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 1708, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Édouard Courtial. Madame la ministre, la sécurité routière, comme toute politique publique, requiert, à mon sens, pour être pleinement efficace, de la transparence et de la pédagogie.

Or, bien que nous puissions pleinement partager l'objectif de limiter les risques pour les usagers de la route, les mesures que vous avez prises concernant la généralisation à l'ensemble du territoire national des voitures radars banalisées par des opérateurs privés ne présentent aucune de ces deux exigences.

J'évoquerai tout d'abord le manque de transparence. Où est la transparence, face à l'absence de toute communication sur les résultats obtenus en termes d'amélioration de la sécurité routière ? Où est la transparence, face à l'absence d'un calendrier clair et d'une méthode explicitée ? Où est la transparence, face à l'absence de garanties sur les contrôles de ces opérateurs ?

Je pense aux témoignages inquiétants d'automobilistes sur des dérives constatées par certaines compagnies visant à les piéger pour les inciter à franchir les limitations de vitesse, privilégiant ainsi la rentabilité à la sécurité…

J'évoquerai ensuite le manque de pédagogie. Où est la pédagogie face à l'absence d'une campagne de prévention de grande ampleur parallèlement au déploiement de ce dispositif ? Où est la pédagogie, puisque vous refusez un système d'identification des véhicules radars privés ? Où est la pédagogie, face à une sanction automatique et aveugle conduisant les automobilistes à être focalisés uniquement sur leur vitesse ?

Sans transparence et sans pédagogie, les Français voient cette nouvelle mesure comme un nouvel impôt déguisé, un moyen pour l'État de remplir les caisses sur leur dos, d'autant que, si l'on en croit différentes projections, on passerait de 1,5 million de PV à 12 millions. Ils y voient le symbole d'une politique de sécurité routière ayant définitivement basculé dans le tout répressif. Ils y voient enfin, et surtout, une nouvelle rupture d'égalité entre les urbains et ceux qui habitent dans les territoires ruraux, ces derniers n'ayant d'autres choix, pour se déplacer, que d'utiliser leur voiture chaque jour.

Abaissement de la vitesse sur les routes secondaires à 80 kilomètres par heure, puis rétropédalage, augmentation des radars tourelles, qui ne sont pas toujours signalés dans mon département, et, enfin, voitures radars banalisées par des opérateurs privés. Cela commence à faire beaucoup, y compris pour les plus conciliants ! Prenez garde, madame la ministre, à ne pas souffler sur les braises.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Courtial, le déploiement des voitures radars banalisées suscite, vous l'avez dit, un certain nombre d'interrogations légitimes. Toutefois, certaines informations sont inexactes, et je souhaiterais dans un premier temps y revenir.

Tout d'abord, le nombre de voitures radars n'a pas explosé depuis 2020. Les premières voitures radars banalisées ont progressivement été déployées à compter de 2013. Avant le lancement, en 2018, de la mesure d'externalisation, on en comptabilisait 383, exclusivement conduites par des policiers ou des gendarmes.

Depuis 2018, le déploiement progressif de voitures radars à conduite externalisée, au nombre de 145 à ce jour, a entraîné la suppression de 116 voitures radars, qui seront, à terme, toutes remplacées. Cette mesure permet aux forces de sécurité intérieure d'accomplir d'autres missions de sécurité routière qui ne peuvent être automatisées.

Ensuite, le contrôle des vitesses par voitures radars est un dispositif non pas répressif, mais dissuasif. La projection ayant permis d'établir le chiffre de 12 millions de PV n'est fondée sur aucun constat. Aujourd'hui, la mesure d'externalisation de la conduite des voitures radars permet d'accroître l'utilisation des voitures, sans pour autant engendrer une multiplication des PV.

S'agissant de la pertinence de mettre en place un système d'identification des voitures radars à conduite externalisée, j'observe que cette demande reprend l'idée de la proposition de loi du député Pierre Cordier visant à modifier l'article L. 413-5 du code de la route. Cette idée, séduisante a priori, car renforçant le caractère dissuasif du dispositif, pose un problème de sécurité pour les conducteurs employés par les entreprises de conduite externalisée : des actes malveillants à leur égard sont régulièrement constatés dans les régions concernées, prenant parfois la forme d'actes dangereux, dont certains ont donné lieu à dépôt de plainte ou de main courante.

M. le ministre de l'intérieur a demandé à ses services d'étudier la pertinence d'une publication par les préfectures, sur leur site internet, de la cartographie des axes contrôlés par ces véhicules, comme l'ont déjà fait les préfectures de Loire-Atlantique et de Maine-et-Loire.

Enfin, monsieur le sénateur, vous affirmez que l'État utilise ces dispositifs pour alimenter son budget, sans gain pour la sécurité routière. C'est une inexactitude démentie par les documents budgétaires transmis chaque année au Parlement : on y découvre, d'une part, que l'argent des radars est utilisé à plus de 85 % en faveur de la sécurité routière dans le cadre d'un compte d'affectation spéciale et, d'autre part, que l'insécurité routière coûte 50,2 milliards d'euros par an, ce qui est très largement supérieur à ce que le « contrôle automatique » rapporte au budget de l'État.

Pour finir, je rappellerai avec gravité que la vitesse est toujours responsable dans notre pays d'un tiers des accidents mortels et que le contrôle automatisé permet, dans certains cas, d'y parer, en la limitant.

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.

M. Édouard Courtial. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.

J'insiste sur la distinction entre les urbains et les ruraux, entre ceux qui peuvent prendre les transports en commun et ceux qui sont obligés de prendre leur voiture. Ces derniers, même s'ils reconnaissent que chacun doit être associé à la politique de sécurité routière, ne veulent pas se faire racketter. Ils veulent plus de pédagogie et de transparence.

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