Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 13/05/2021

M. Sebastien Pla rappelle à l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation car chaque jour, et depuis des décennies, des exploitants agricoles disparaissent, acculés par les dettes, victimes des aléas climatiques de plus en plus nombreux et violents. Les paysans français sont découragés, ils se suicident ; la déprise agricole avance, laissant des territoires en friche soumis à la sécheresse, aux incendies et aux drames humains.
C'est pourquoi il s'associe aux demandes de soutien aux emplois agricoles plutôt qu'aux surfaces que porte la confédération paysanne alors que se dessine, au travers de la future politique agricole commune (PAC) et du plan stratégique national, l'avenir de nos campagnes et de l'alimentation de nos concitoyens.
À l'instar de ce syndicat agricole, il déplore que « les aides PAC deviennent, pour bien des fermes, la majeure partie du revenu, et qu'ainsi la PAC soit décorrélée de la création de valeur ajoutée et ne parvienne pas à relier les enjeux d'agriculture et d'alimentation et la reconnaissance des paysans au regard de leur apport au développement local ».
Il lui fait savoir que, bien que plus de 30 % des fermes françaises peuvent se définir comme petites fermes, soit plus de 10 % des actifs du secteur agricole, celles-ci disparaissent pourtant progressivement, oubliées qu'elles sont des politiques publiques, contrairement à ce qui existe pour les très petites entreprises (TPE) dans d'autres secteurs d'activité.
Dans ce contexte de crise sanitaire, et à l'aune d'un impact important du gel sur les cultures, lequel va se répercuter, en cascade, sur les consommateurs, il précise qu'on ne peut davantage ignorer le message que nos concitoyens nous adressent en faveur d'une agriculture de qualité et de proximité et il l'interroge sur « comment faire, demain, une agriculture nourricière sans paysans ».
Inéquitablement réparties, 70 % des aides PAC bénéficient à seulement 30 % d'exploitants, lesquels perçoivent, pour certains, plus de 100 000 euros d'aides PAC par an, parfois pour un seul emploi sur une surface considérable, tandis que d'autres ne touchent aucune aide ou très peu d'aides, alors que leur contribution à la vitalité socioéconomique des territoires est plus que notable en termes d'emplois et de fournitures d'aliments de qualité. Il souligne que c'est notamment le cas de nombreuses fermes maraîchères et arboricoles, de petites fermes d'élevage ou de polyculture, de producteurs.trices de plantes aromatiques et médicinales, de fermes apicoles…
Il lui demande donc s'il entend, ainsi que le réclame ce syndicat agricole, recentrer, dans le cadre de la stratégie nationale, notre modèle agricole sur des « fermes à visage humain » petites et moyennes totalement oubliées par la PAC, en diminuant l'encouragement à s'agrandir pour capter des primes PAC supplémentaires, au moyen d'« une revalorisation du paiement redistributif sur les 52 premiers hectares maximum (20 % du premier pilier) ».
Il lui demande aussi s'il prévoit également de cibler les premiers animaux et hectares pour le déploiement des aides grâce à des mécanismes de dégressivité et un plafonnement efficace, notamment sur les aides couplées.
Enfin, il souhaite savoir s'il compte, pour stopper l'hémorragie, créer une « aide forfaitaire aux petites fermes à 5 000 € par actif avec transparence groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) » et qu'ainsi la France soit volontariste dans le déploiement de la stratégie nationale en renforçant les règles européennes de plafonnement et de dégressivité et favorisant le paiement redistributif, pour retrouver plus d'équité sociale et des campagnes vivantes et nourricières, à la hauteur des défis du XXIe siècle.

- page 3118


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 31/03/2022

En juin 2018, la Commission européenne a fait une proposition de textes réglementaires pour encadrer la future réforme de la politique agricole commune (PAC), qui entrera en vigueur à partir de 2023. Des négociations ont lieu au niveau du Parlement européen et du Conseil européen, au sein duquel le Gouvernement français fait valoir ses positions. Le Parlement et le Conseil ont chacun adopté un mandat en octobre 2020, à la suite de quoi un « trilogue » a débuté afin de trouver un compromis entre les parties. Il s'est achevé par un accord politique le 25 juin 2021, suivi d'une validation par le conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne (UE). En parallèle, des négociations ont eu lieu concernant le budget pour la période 2021-2027. Grâce à la mobilisation de la France, ces négociations ont abouti en juillet 2020 à un accord politique sur une augmentation du budget pour la PAC au niveau européen, avec un maintien de l'enveloppe allouée à la France. Cet accord politique s'est concrétisé par l'adoption de dispositions réglementaires en décembre 2020. Dans le cadre de la réforme, il est prévu que chaque État membre rédige un plan stratégique national (PSN) définissant sa stratégie. En France, les travaux, visant à établir tout d'abord un diagnostic national et à identifier les besoins auxquels devront répondre les choix nationaux, ont débuté en 2019. Ces travaux ont été réalisés en étroite concertation avec les parties prenantes. De plus, un débat public visant à recueillir l'avis des citoyens a été lancé en février 2020 sous l'égide de la commission nationale du débat public (CNDP). Il s'est achevé en novembre 2020 avec la publication d'un rapport contenant 1 083 recommandations formulées par les citoyens et auxquelles le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a intégralement répondu. À l'issue de ces travaux, le conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire a été consulté le 21 mai, le 13 juillet et le 20 décembre 2021. À cette occasion, le ministre de l'agriculture a présenté les grands arbitrages pour le PSN dont certains bénéficieront plus particulièrement aux petites et moyennes exploitations : - poursuite de la convergence et du plafonnement du montant des droits à paiement de base (DPB) qui auront un impact positif sur les DPB de plus faible valeur ; - maintien du paiement redistributif au niveau actuel, cette aide permettant d'assurer une répartition des aides au revenu en faveur des exploitations les plus mobilisatrices de main d'œuvre ; il convient de souligner que la distribution des aides en France est parmi la plus resserrée de l'UE : en montant global versé en 2018, la France se situe parmi les États membres où la part de l'enveloppe financière des aides directes versée à 20 % des plus grosses fermes est la plus basse à hauteur de 51 % contre 81 % en moyenne dans l'UE. - mise en place d'un soutien couplé au petit maraîchage qui permet de cibler cette population qui était exclue en pratique des soutiens de la PAC ; - plafonnements du nombre de bêtes éligibles pour les aides couplées animales ; - poursuite du soutien indispensable à l'agriculture dans les zones à handicap naturel, celles de montagne et les zones à faible potentiel agronomique, par le maintien au niveau actuel de 1,1 milliard d'euros de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), malgré une modification des règles de financement au niveau européen, grâce à 108 millions d'euros par an de crédits d'État additionnels. L'ICHN bénéficie en particulier aux filières d'élevage. Il convient également de noter que le plafonnement des aides en France ne serait pas efficace car il ne concernerait que peu d'exploitations : 737 exploitants dépassent les 100 000 euros d'aides. Par ailleurs, le plafonnement des aides à l'actif n'est pas autorisé par la réglementation de l'UE. Sur la base de ces orientations, une première version du plan stratégique national français a été finalisée puis envoyée à la Commission européenne à la fin du mois de décembre 2021.

- page 1729

Page mise à jour le