Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 27/05/2021

Question posée en séance publique le 26/05/2021

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Christine Herzog. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

L'émission Cash Investigation du mercredi 19 mai dernier a révélé ce qui pourrait bien être considéré comme un scandale d'État. Le 12 septembre 2018, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, avait autorisé les pharmaciens à collecter les données de santé des Français au profit d'Iqvia, filiale française du plus gros data broker américain.

Contre une imprimante gratuite et 6 euros par mois et par pharmacie, toutes les données médicales de nos concitoyens sont automatiquement transmises : numéro de sécurité sociale, prénom, âge, sexe, affections, traitements, etc. Un « plat de lentilles » à l'échelle des profits suscités par ces données, qui sont ensuite revendues à toutes sortes de sociétés, qui, via les États-Unis, peuvent ainsi faire du ciblage publicitaire de plus en plus précis, en justifiant un pseudo-intérêt d'ordre public qui ne peut être contrôlé.

À ce jour, la moitié des pharmacies pratiqueraient cette collecte, soit 10 000 officines, et 40 millions de Français seraient ainsi concernés. Et cela en toute illégalité, puisque le règlement général sur la protection des données, le RGPD, impose une information préalable et l'expression d'un accord explicite avant toute collecte de données. Or, en pratique, l'information n'est jamais affichée, et le consentement jamais donné.

Plus grave encore, cette pratique serait connue du Président de la République et couverte au plus haut de l'État.

Monsieur le secrétaire d'État, que pouvez-vous nous dire de ces méthodes ? Confirmez-vous qu'elles sont illégales ? Et si oui, qu'allez-vous faire pour mettre fin à la marchandisation de la santé des Français, qui ignorent cette pratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles publiée le 27/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question. L'émission que vous avez évoquée suscite un certain nombre d'interrogations que vous avez relayées et auxquelles il est important d'apporter des réponses précises, tant ces sujets sont importants pour nos concitoyens et pour nos libertés.

Cette question porte sur l'accès aux données de santé de nos concitoyens par les pharmaciens et sur l'usage qui en serait fait, notamment par Iqvia. Cette société récupère auprès des 14 000 officines dont elle est partenaire et héberge sur ses serveurs un certain nombre de données entièrement pseudonymisées.

Cette entreprise n'a jamais accès à l'identité du patient. Ces données permettent de mener des études d'intérêt public, qui visent, par exemple, à l'évaluation de la bonne utilisation du médicament, l'analyse scientifique et statistique des phénomènes liés à la persistance, la conformité, le respect des prescriptions et des contre-indications. Je précise que vous pouvez consulter ces études en ligne de façon transparente.

Autre point important, ces données ne sont pas vendues, car c'est effectivement interdit. C'est bien la prestation d'analyse faite à partir de ces données qui donne lieu à indemnisation du pharmacien. Cette nuance est importante.

Ce processus, notamment s'agissant de son niveau de sécurité, est parfaitement conforme, contrairement à ce que vous laissiez entendre, à la déclaration faite à la CNIL, laquelle prévoit que ces données traitées en interne ne sont pas transmises à des tiers.

La CNIL avait souligné, dans son arrêt de 2018, l'intérêt public majeur que représentaient les études menées sur la base de ces données. À titre d'exemple, certaines de ces dernières – nombre de vaccins, de tests antigéniques, d'autotests vendus chaque jour… – sont en open data et participent de la gestion de la crise.

En retour de l'envoi de ces données, la société Iqvia émet pour chaque officine partenaire un cahier de bord, afin de lui permettre une meilleure gestion de son officine. Les données servent aussi pour les négociations conventionnelles du réseau officinal avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM.

Le dossier pharmaceutique, dont le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est responsable, et le dossier médical partagé sont totalement indépendants, là aussi, de la relation entre le pharmacien et la société. Il n'y a aucun accès possible de cette société à la carte Vitale ou à l'un de ces dossiers.

L'intérêt de ce reportage était de rappeler l'importance de la transparence en ces matières. La société Iqvia a pris un certain nombre de mesures, que je n'ai pas le temps de développer, mais qui vont dans ce sens.

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