Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 06/05/2021

Mme Céline Brulin attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la réforme des études de santé et la formation des médecins. Alors que l'épidémie met en exergue la pénurie de médecins et renforce les difficultés d'accès aux soins de nos concitoyens, la réforme des études de santé a acté l'arrêt du numérus-clausus pour former plus de médecins. Or, la réalité est tout autre. Depuis 2019, à l'université de Rouen, seulement 18 nouvelles places ont été proposées, en deuxième année, dans le cadre du numérus-apertus. C'est beaucoup moins que dans les universités ayant participé à l'expérimentation bien que la normandie soit une des régions les plus déficitaires en médecin. C'est donc loin des objectifs du plan quinquennal de formation des professionnels de santé mis en place par la loi « Ma santé 2022 » qui prévoyait en 2018, une augmentation de 18 % des effectifs sur 5 ans. Alors que nos concitoyens sont confrontés au quotidien au manque de médecins mais aussi des autres praticiens de santé comme les dentistes, les kinésithérapeutes, les ophtalmologues, les gynécologues, ce manque d'ambition et de moyens donnés à la formation des médecins de demain, est inadmissible. C'est pourquoi elle lui demande de lui préciser ses intentions en la matière, en s'appuyant notamment sur l'observatoire de la démographie médicale, dont les rapports relèvent, très justement, la pénurie de professionnels de santé.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 14/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/07/2021

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1660, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, la fin du numerus clausus devait permettre de former plus de médecins.

Mais la mise en œuvre chaotique de la réforme des études de santé, l'insuffisance de places pour accueillir à la fois les redoublants de l'ancien système et les nouveaux entrants conduisent à une tout autre réalité.

C'est en premier lieu insupportable pour les jeunes qui s'engagent dans des études de santé et voient leur parcours semé de tant d'embûches. Ils ont passé leurs examens dans le flou et l'incertitude, sans connaître le nombre de places ouvertes en deuxième année, sans savoir s'ils pourront continuer leur parcours ni où et comment.

C'est en second lieu quand tant de nos territoires manquent de médecins et de professionnels de santé.

L'université de Rouen voit ainsi le nombre de places en deuxième année de médecine augmenter de 6 % seulement – 9 % si l'on prend l'ensemble des filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie. On est loin des 14 % d'augmentation annoncés par le Gouvernement et encore plus de certaines universités parisiennes, alors que la Normandie est l'une des régions les plus déficitaires en médecins.

Le Conseil d'État vient d'enjoindre à quinze universités, dont celles de Rouen et de Caen, d'augmenter de 20 % leurs capacités d'accueil. Pour ce faire, il leur faut impérativement des postes de chefs de clinique, par exemple, mais aussi de quoi réaliser des investissements.

La faculté de médecine de Rouen a augmenté ses capacités d'accueil de plus de 220 % depuis le début des années 2000, à moyens constants. Pour accueillir davantage d'étudiants, il lui faut plus de moyens.

Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement, sachant que le projet de loi de finances rectificative que nous venons d'examiner ne comprenait aucun crédit supplémentaire en faveur des études de santé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Madame la sénatrice Céline Brulin, vous l'avez rappelé vous-même, le Gouvernement a agi sans tarder en supprimant le numerus clausus, qui grevait le nombre de professionnels de santé formés année après année. La question du nombre et de la répartition des professionnels de santé sur le territoire est donc une préoccupation majeure du Gouvernement.

Pour l'année 2021, 16 750 places sont offertes pour accéder à la deuxième année des études médicales, soit une augmentation sans précédent, au niveau national, de 12 % par rapport à l'année dernière. Cette augmentation s'inscrit dans la trajectoire prospective proposée par la conférence nationale du 26 mars 2021 en remplacement du numerus clausus, au travers des objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former.

Cette conférence, qui réunit l'ensemble des acteurs de la santé et les représentants d'élus locaux, a proposé de former 81 055 professionnels de santé, toutes filières médicales confondues, pour la période 2021–2025, soit une augmentation de plus de 14 % des effectifs sur cinq ans qui sera arrêtée par le Gouvernement. Pour la région Normandie, ce seront plus de 4 140 professionnels de santé qui seront ainsi formés.

C'est un véritable changement de paradigme dans la régulation de la démographie médicale, désormais définie au plus près des territoires. Le choix s'opère sur la base d'un large éventail d'indicateurs. Leur planification pluriannuelle visera à mieux répondre aux besoins de santé identifiés à l'échelon de chaque région, tout en tenant compte des capacités de formation des universités et des centres hospitaliers universitaires.

Cette augmentation ne se décrète pas simplement : nous devons accompagner la transformation des capacités d'accueil et de formation hospitalière pour donner corps à notre ambition. Cela ne peut se faire, vous en conviendrez, qu'en maintenant la qualité de ces formations, qui nécessitent un haut niveau d'exigence.

Par ailleurs, en plus du pilotage territorial, nous maintiendrons des objectifs nationaux pour disposer d'une capacité de suivi quantitatif.

Notre action en matière de régulation s'apprécie également à travers l'ouverture des postes d'internat. Depuis 2017, nous opérons un rééquilibrage territorial en augmentant chaque année le nombre de postes offerts dans les régions les moins bien dotées en médecins, tout en stabilisant les effectifs dans les régions les mieux dotées.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, nous connaissons tous ces chiffres, que l'on nous répète à l'envi.

Votre région étant particulièrement concernée, vous savez, comme moi, que certains services d'urgences, par exemple, vont devoir fermer cet été ou ne pas respecter leur amplitude habituelle. De même, des praticiens, des médecins de ville ne vont pas pouvoir être remplacés durant leurs congés… Il y a donc une urgence absolue à former davantage de médecins.

Certes, les capacités d'accueil ne se décrètent pas, mais le Gouvernement n'y consacre pas suffisamment de moyens. Je rappelle que le Conseil d'État a demandé à une quinzaine d'universités d'accroître ces capacités de 20 % dès la prochaine rentrée. Il faut donc débloquer des moyens en urgence.

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