Question de M. GUERRIAU Joël (Loire-Atlantique - INDEP) publiée le 22/04/2021

M. Joël Guerriau attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la nécessité d'un audit de comptabilité judiciaire au Liban.
À la fin de la guerre libanaise en 1990, plusieurs États ont accordé des aides financières pour la reconstruction et le redressement du pays des cèdres. La France, naturellement, était aux premiers rangs en débloquant les aides Paris 1, Paris 2 et Paris 3. En parallèle, la banque centrale libanaise, a entamé de son côté une politique budgétaire encourageant les investissements à des taux suspicieusement bas. Or, ces aides étrangères et ces politiques budgétaires ont reconstruit partiellement le Liban et des fonds considérables ont été gaspillés ou détournés. La chute institutionnelle et financière du Liban était devenue inévitable.
Aujourd'hui, suite à l'explosion du port de Beyrouth et l'accumulation des crises politiques, économiques et sociétales, le Liban est au bord d'un effondrement total. La livre libanaise a perdu près de 90 % de sa valeur, l'inflation a atteint 146 % fin 2020. Le chômage et la pauvreté explosent. Pour redresser le pays et débloquer les aides internationales, de façon sécurisée, un audit de comptabilité judiciaire des finances de l'État est indispensable. Le président, a clairement soutenu ce principe lors d'une allocution solennelle début d'avril 2021. La France doit être aux coté du Liban dans son combat face à des élites corrompues qui ruinent leur pays depuis 1992 avec l'appui d'un système bancaire, financier, et judiciaire défaillant et complice.
Ainsi, il l'interroge sur les mesures qu'il compte entreprendre afin d'aider le Liban à mettre en œuvre cet audit qui constitue la pierre angulaire de l'initiative lancée par le Président de la République en septembre 2020.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 05/08/2021

Depuis le mois d'octobre 2019, de nombreux Libanais demandent des changements d'ampleur sur le plan économique et social, comme sur le plan politique. Leurs aspirations sont profondes, légitimes et partagées par la communauté internationale. Elles doivent être entendues, car la situation du pays l'exige face à la crise financière, économique, politique et sanitaire qui frappe le Liban. À la suite de la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, la France a très rapidement réagi et mis en place un pont aérien et maritime afin de fournir une aide massive au peuple libanais, en envoyant notamment sur place plus de 1 000 tonnes d'aide en nature, ainsi que des équipes médicales et de sauvetage pour assister les secours libanais dans la recherche des victimes. Plus de 700 militaires français ont été mobilisés afin de porter assistance à la population et de désencombrer le port de Beyrouth. Une conférence internationale d'appui et de soutien à Beyrouth et au peuple libanais a également été organisée dès le 9 août, à l'initiative du Président de la République et conjointement avec les Nations unies, pour mobiliser l'aide de la communauté internationale dans les plus brefs délais. Plus de 280 millions d'euros ont été mobilisés dans ce cadre. Une deuxième conférence a été organisée le 2 décembre par le Président de la République et le Secrétaire général des Nations unies. Celle-ci a permis de soutenir la phase de relèvement précoce qui doit suivre cette première réponse d'urgence, en particulier dans les secteurs de l'éducation, de la santé et du logement. La France a, pour sa part, engagé 85 millions d'euros en faveur de la population libanaise depuis l'explosion. A l'initiative du Président de la République, la France organisera une nouvelle conférence d'appui le 4 août prochain. Celle-ci marquera la constance de l'engagement de la communauté internationale comme de ses attentes vis-à-vis des autorités libanaises, un an après l'explosion tragique du port de Beyrouth. Elle visera à faire le bilan des engagements pris et à répondre de manière complémentaire et coordonnée aux besoins des Libanais tels qu'identifiés par les Nations Unies. Au-delà de l'explosion du 4 août, la priorité demeure d'apporter une réponse à la crise économique qui continue de s'aggraver et menace le pays d'effondrement. C'est pourquoi, lors de sa visite au Liban le 1er septembre 2020, le Président de la République s'est engagé pour que l'ensemble des forces politiques libanaises s'accordent sur l'adoption d'un agenda de réforme et sur la formation rapide d'un gouvernement de mission pour le mettre en œuvre. Face à l'ampleur de la crise qui frappe le Liban, il revient aux forces politiques libanaises de prendre leurs responsabilités et de mettre en œuvre sans attendre cette feuille de route. Les priorités sont nombreuses, à commencer par la reconstruction de Beyrouth, la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19, ainsi que la mise en œuvre des réformes dans les secteurs prioritaires de l'électricité, de la justice, de la gouvernance financière et de la lutte anti-corruption. Il revient par ailleurs aux autorités libanaises d'entrer sans attendre dans des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). La réalisation effective d'un audit complet et transparent de la Banque du Liban (BDL) est, à ce titre, indispensable. Les dirigeants libanais continuent néanmoins de faire le choix du blocage, en dépit des conséquences au quotidien pour la population du pays d'une crise qui ne cesse de s'aggraver. La récusation du Premier ministre désigné Saad Hariri, annoncée le 15 juillet dernier, démontre une nouvelle fois l'incapacité des dirigeants libanais à s'entendre au service de l'intérêt général du Liban. Face au blocage politique, la France a pris des mesures de restriction d'accès au territoire national ciblées contre les responsables de l'obstruction et de la corruption. Ces mesures ont été renforcées. Nous travaillons également à la mise en place d'un régime de sanctions européen, qui a fait l'objet d'un accord à l'unanimité des ministres européens lors du Conseil affaires étrangères du 12 juillet dernier. Il revient à présent aux responsables libanais de s'engager de manière effective au service de l'intérêt général de tous les Libanais. La France, pour sa part, se tient prête à accompagner le Liban dans la mise en œuvre des réformes nécessaires et continuera d'aider le peuple libanais, comme elle l'a toujours fait.

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