Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 08/04/2021

M. Rémi Cardon attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le silence assourdissant qui entoure les événements commis par la junte militaire birmane sur sa population.
114 morts dont plusieurs enfants ont été décomptés pour la seule journée du samedi 27 mars 2021. Lors de ce « massacre de masse », comme l'a décrit l'organisation des Nations unies (ONU), la Birmanie célébrait la journée des forces armées et ce, en présence de représentants de huit pays dont 2 membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU.
Dans ce contexte, une action individuelle de notre pays, ou une réaction au moins, semblerait souhaitable, même s'il est douteux qu'elle soit suffisante.
Le représentant spécial des nations unies pour la Birmanie, a publié dernièrement un communiqué incendiaire contre les militaires birmans, dans lequel il recommande une action : priver la junte militaire des ressources financières du pétrole et du gaz. Il est depuis rejoint par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG).
Le français Total a versé quelques 229 millions de dollars en taxes et royalties à la Birmanie en 2019.
Si en février, après le coup d'état militaire, Total s'était dit « préoccupé » par la situation en Birmanie, aujourd'hui Total, et l'État français actionnaire en premier lieu, doit avoir pleinement conscience de sa responsabilité sociétale dans ce drame. Il est indispensable et urgent de faire entendre une voix ferme sur le sujet.
Aussi il lui demande, à l'heure où le bilan humain dépasse les 400 morts au total, s'il peut lui dire quelles initiatives le Gouvernement français va prendre auprès des autorités birmanes pour faire cesser ces agissements.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 14/10/2021

Le coup d'État militaire du 1er février, après près d'une décennie d'un processus de transition démocratique, marque un retour aux heures les plus sombres de l'histoire contemporaine birmane. La France a condamné avec la plus grande fermeté ce coup d'État, ainsi que les violences aveugles et brutales qui font quotidiennement de nouvelles victimes. La France a, à de nombreuses reprises, rappelé ses demandes : la restauration du gouvernement civil, le respect des résultats des élections du 8 novembre 2020 ; la libération immédiate et inconditionnelle des personnes arrêtées arbitrairement depuis le début du coup d'État et la fin de l'état d'urgence. La France, avec ses partenaires européens et internationaux, a agi dès le premier jour et poursuit son action pour aider la Birmanie à retrouver le chemin de la démocratie. Ainsi, le Conseil des droits de l'Homme, à l'occasion d'une session spéciale qui s'est tenue avec notre soutien, a adopté, le 12 février dernier, une résolution dédiée à la situation en Birmanie. Le 24 mars, ce même Conseil adoptait une nouvelle résolution invitant notamment le Rapporteur spécial pour la situation des droits de l'Homme en Birmanie à évaluer la situation des droits de l'Homme à la suite du coup d'État. Le Conseil de sécurité des Nations unies, s'est, pour sa part, exprimé à deux reprises au cours des dernières semaines, notamment à travers une déclaration de la Présidence du Conseil de sécurité du 10 mars sur la Birmanie. La France regrette toutefois qu'à ce jour, les divergences au sein du Conseil de sécurité n'aient pas permis l'adoption de mesures à l'encontre des responsables du coup d'État. La France a encore apporté son soutien à la tenue, le 9 avril, d'une consultation publique sur la situation en Birmanie, à laquelle a participé une représentante de l'opposition institutionnelle birmane au coup d'État, le Comité représentant l'Assemblée de l'Union (CRPH). Elle a soutenu, dès le 18 mai, le projet de résolution discuté à l'Assemblée générale des Nations unies. Au niveau européen, la France, avec ses partenaires, a activement participé aux travaux qui ont permis l'adoption, le 22 mars puis le 19 avril, de sanctions individuelles à l'encontre de 21 responsables du coup d'État, dont le commandant en chef et son adjoint et contre deux conglomérats détenus par l'armée birmane. Ces sanctions traduisent concrètement les axes qui guident la réponse de l'Union européenne : adoption de nouvelles sanctions individuelles, examen de tous les outils européens permettant de sanctionner les responsables du coup d'État, en veillant à limiter les conséquences sur la population civile, engagement en faveur de la résolution de la crise, suspension de toute mesure d'assistance directe aux programmes gouvernementaux. Faute d'avancées concrètes, la France, en lien avec ses partenaires européens, se tient prête à examiner l'adoption de nouvelles mesures contre des individus et des entités économiques liées à la junte militaire. Le gouvernement français s'attache à frapper les intérêts économiques des forces de sécurité birmanes, tout en préservant la population civile. L'État français n'est pas actionnaire de Total, qui est un acteur totalement privé, et lui laisse le soin d'apporter toutes les précisions nécessaires aux différentes questions que sa présence historique en Birmanie peut soulever, comme il l'a déjà fait, notamment le 4 mai dernier. Enfin, la France et l'Union européenne continuent à encourager une sortie de crise à travers un dialogue politique inclusif, incluant notamment le Gouvernement d'unité nationale (NUG) et le CRPH, comme l'a rappelé la déclaration de l'Union européenne du 30 avril. Dans le cadre de ce dialogue, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) a une place centrale, comme en a témoigné le Sommet de Jakarta du 24 avril. Le consensus en cinq points adopté à cette occasion inclut notamment la cessation immédiate des violences et un dialogue constructif entre l'ensemble des parties concernées. Faute de progrès rapides sur la mise en œuvre de ce consensus, la France, en lien avec ses partenaires européens, étudiera le principe d'un troisième volet de sanctions à l'encontre du régime issu du coup d'État du 1er février. Ce message de fermeté et d'encouragement à l'ASEAN vise à trouver une solution pacifique et inclusive à cette crise. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a déjà partagé avec ses homologues indonésienne, malaisien, singapourien et thaïlandais et continuera de le faire lors de ses échanges avec ses interlocuteurs de l'ASEAN.

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