Question de Mme JASMIN Victoire (Guadeloupe - SER) publiée le 08/04/2021

Mme Victoire Jasmin attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'impérieuse nécessité de prendre des mesures pour lutter contre la vie chère dans les territoires d'outre-mer.

Plus de dix ans après les mobilisations sociales contre « la vie chère », les territoires ultramarins souffrent encore des mêmes maux et une grande partie de la population revendique toujours en faveur de l'augmentation des salaires et de la baisse des prix des produits de première nécessité.

La demande sociale pour le contrôle et l'encadrement des prix et plus particulièrement pour ceux des produits de grande consommation est très forte.

En Guadeloupe, les produits alimentaires sont entre 30 et 50 % plus chers que dans l'Hexagone. Cependant, les revenus moyens sont inférieurs de 38 % à ceux des ménages de métropole. Les produits alimentaires sont les premiers postes de dépenses de consommation des ménages. La consommation des produits locaux doit être privilégiée en intensifiant le développement des filières agricoles dans les lycées technologiques afin de former nos jeunes à l'agriculture, l'agro-transformation et à la diversification agricole.

En Guadeloupe, 49 % de la population vit avec moins de 850 euros par mois, contre 16 % en Hexagone.

Il apparaît urgent, compte tenu de la situation des territoires ultramarins et des impacts de la crise de la Covid-19, de réguler les prix en outre-mer en appliquant la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, et l'article 410-2 du code de commerce, qui encadre la hausse des prix en cas de « crise ».

En effet, au sein de nos territoires, le jeu concurrentiel est très faible et les circuits d'approvisionnement privilégiés par les opérateurs s'avèrent relativement coûteux.
En Hexagone, la chaîne de distribution d'un produit compte 3 opérateurs alors que dans les territoires d'outre-mer pas moins de 14 opérateurs interviennent ce qui fait considérablement augmenter le prix pour le consommateur final.

Elle lui demande quelles sont les mesures qu'il compte prendre afin d'améliorer la chaîne de formation des prix et ainsi contribuer à rendre plus accessibles les produits de consommation courante à tous les ultramarins.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 07/10/2021

Les consommateurs ultramarins subissent un effet-ciseaux caractérisé, d'une part, par des revenus plus faibles que dans l'Hexagone et, d'autre part, par des prix à la consommation en moyenne plus élevés, qui s'expliquent principalement par des causes structurelles. Pour améliorer le fonctionnement du marché, les actions menées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence (AdlC) sont déterminantes. L'ensemble des actions visant à lutter contre la vie chère ont ainsi été renforcées conformément aux propositions formulées dans l'avis de l'AdlC du 4 juillet 2019, concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer. S'agissant de la concurrence et de la concentration dans la grande distribution, le renforcement des pouvoirs de l'AdlC doit permettre de fluidifier les circuits d'approvisionnement (récemment les conditions de mise en œuvre des pouvoirs d'injonction structurelle ont été assouplies par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 dite DDADUE). De même, des réflexions sont menées en vue d'expertiser la possibilité de déroger à certaines normes européennes pour faciliter les importations, notamment de matériaux de construction coûteux à acheminer. Ces travaux sont néanmoins complexes et doivent garantir au consommateur ultra marin un niveau de sécurité préservé. Une interdiction du géoblocage injustifié, entravant l'accès des consommateurs ultramarins aux sites internet de métropole a été récemment intégrée à la loi DDADUE du 3 décembre 2020. Les enquêtes de la DGCCRF garantissent le respect de la concurrence, notamment par la lutte contre les ententes, les exclusivités d'importation, et la surveillance étroite du caractère loyal des transactions. Le Bouclier-Qualité-Prix (BQP), qui fait l'objet d'un suivi et de contrôles réguliers, a permis des réductions significatives du prix du panier, un resserrement et une meilleure spécialisation des listes de produits, des actions en vue d'améliorer sa transparence et sa diffusion. Plus largement, c'est dans l'ensemble des filières alimentaires que sont encouragées les évolutions vers une concurrence accrue et l'intégration de produits locaux : incitation à la constitution de coopératives de distributeurs, intégration croissante des productions locales dans les BQP de chaque territoire. En revanche, une intervention réglementaire sur les prix n'apparaît pas souhaitable. En effet, pour mettre en œuvre une régulation des prix, plusieurs conditions doivent être réunies, ce qui ne semble pas être le cas pour la filière d'approvisionnement en produits de grande consommation outre-mer. En effet, le code de commerce (art. L. 410-2) consacre un principe de liberté tarifaire et encadre strictement la possibilité d'y déroger en réglementant les prix, via deux mécanismes différents : - celui prévu à l'alinéa 2 suppose un déficit de concurrence lié à un monopole (cas du secteur des carburants outre-mer), à des difficultés durables d'approvisionnement ou à des dispositions législatives ou réglementaires. Le secteur de la grande distribution ne se trouve pas dans les situations ainsi listées. - Le mécanisme prévu à l'alinéa 3 permet l'adoption de mesures temporaires de réglementation des prix en cas de crise, de circonstances exceptionnelles, de calamité publique ou de situation manifestement anormale du marché. Toutefois, aucun élément porté à la connaissance des services de la DGCCRF ne permet d'étayer l'existence récente de hausses excessives des prix outre-mer à la suite de la crise sanitaire. Dès lors, une réglementation des prix des produits de grande consommation outre-mer n'est pas une réponse adaptée à la situation des marchés ultramarins. La DGCCRF et l'AdlC restent mobilisées pour améliorer le fonctionnement des marchés et adapter le BQP aux attentes des consommateurs des Outre-mer.

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