Question de M. KLINGER Christian (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 08/04/2021

M. Christian Klinger attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur le financement du nouveau modèle économique du « zéro artificialisation nette » (ZAN) dans le cadre du projet de loi n° 3875 (Assemblée nationale, XVe législature) portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 1626, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Christian Klinger. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais vous interpeller sur le financement de l'objectif « zéro artificialisation nette », qui est l'une des grandes thématiques du projet de loi Climat et résilience.

L'article 47 de ce projet de loi dispose que le rythme de la consommation foncière doit être divisé par deux d'ici à 2030 ; son article 48 précise que l'action des collectivités doit limiter l'artificialisation des sols.

L'objectif est certes louable et les élus sont conscients de la nécessité de réduire le plus possible les consommations foncières et l'artificialisation ; toutefois, ils s'interrogent sur le modèle de financement et les modalités concrètes d'application de ces dispositions.

L'objectif est national, mais ce sont les élus locaux qui vont être à la manœuvre en matière d'urbanisme ; or les inquiétudes sont nombreuses.

Votre projet de loi invite principalement à modifier les documents d'urbanisme – plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCoT) et schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) –, mais cela n'est pas suffisant. Le projet de loi fixe la ligne directrice, mais il ne donne pas aux collectivités les outils et les moyens pour y parvenir. Sur le principe, la majorité des élus est d'accord, mais concrètement, on ne sait pas comment y arriver !

Par ailleurs, il faut considérer la problématique du foncier de manière globale. Les élus vont se retrouver face à des injonctions contradictoires, entre le « zéro artificialisation nette », d'un côté, et les dispositions de la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) sur la construction des logements sociaux, de l'autre.

Dans mon territoire, couvert par le SCoT Colmar Rhin Vosges, quatre communes sont en déficit de logements sociaux : comment vont faire leurs élus ? Devront-ils construire et, « en même temps », ne pas construire ?

Ma question est donc simple : concrètement, quel est le mode d'emploi de l'objectif « zéro artificialisation nette » ? Comment financer cet objectif ? Quels sont les leviers, notamment fiscaux, prévus pour les collectivités ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Klinger, la France s'engage en faveur de la sobriété foncière, comme vous l'avez rappelé, en visant à atteindre cet objectif de zéro artificialisation nette des sols d'ici à 2050.

Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, si les parlementaires le veulent bien, nous fixerons une trajectoire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, conformément à la recommandation de la Convention citoyenne pour le climat.

Chaque année, entre 20 000 et 30 000 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont artificialisés, avec des conséquences écologiques que personne ne nie, mais aussi des conséquences socioéconomiques, telles que la dévitalisation des petites centralités, l'éloignement de l'emploi et des surcoûts pour la mobilité.

Je partage donc votre analyse : l'un des principaux moteurs de l'artificialisation des sols est bien économique. En effet, il est parfois plus coûteux, plus complexe et plus long de reconstruire la ville sur la ville que de construire sur un terrain agricole en périphérie. C'est l'une des raisons qui conduit malheureusement les aménageurs à construire prioritairement en extension urbaine, ce qui a pour conséquence de favoriser l'étalement urbain.

Le différentiel de coûts est d'autant plus élevé lorsque les opérations se situent sur des friches et dans des secteurs détendus, qui ne permettent pas de générer des recettes pour équilibrer le bilan économique de l'aménagement.

Cependant, si construire en extension urbaine est moins cher pour l'aménageur, cette stratégie de déploiement a un coût pour la collectivité ; elle entraîne aussi des coûts, souvent cachés, pour les ménages.

Aussi, afin d'apporter des réponses en matière de financement du « zéro artificialisation nette », le ministère de la transition écologique envisage trois leviers principaux.

Le premier levier est le développement de l'ingénierie foncière et financière des établissements publics fonciers (EPF), qui acquièrent du foncier, le remettent en état et le gardiennent avant rachat à prix coûtant à la collectivité dans le cadre d'une convention. Leur modèle économique repose sur la recette fiscale de la taxe spéciale d'équipement. Cette taxe est votée dans les conseils d'administration des EPF, qui sont toujours présidés par un élu local : cela a son importance du point de vue de la gouvernance. Les EPF couvrent 80 % du territoire national et leur extension est encouragée.

Le deuxième levier est l'allocation de subventions pour absorber le déficit d'opérations ou encourager les opérations denses qui recyclent du foncier. Des aides sont accordées dans le cadre des contrats de projet partenarial d'aménagement et des programmes de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; je pense notamment aux programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain.

Enfin, le troisième levier passe par une adaptation de la fiscalité visant à encourager le recyclage urbain. Il est d'ores et déjà possible de moduler certaines taxes à cette fin, qu'il s'agisse de la taxation des plus-values immobilières ou de la taxe sur les surfaces commerciales.

M. le président. Veuillez respecter votre temps de parole, madame la secrétaire d'État !

La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.

M. Christian Klinger. Il est vrai qu'il s'agit d'un sujet nouveau et complexe ; il ne peut pas être résumé en deux minutes et demie, j'en suis conscient !

Merci pour votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais vous n'ignorez pas que nous allons rencontrer de vrais problèmes, sur le terrain, pour appliquer l'objectif « zéro artificialisation nette ». Comme trop souvent, le Gouvernement se borne à fixer de grands principes et des objectifs, sans considérer leurs aspects opérationnels. En fonctionnant ainsi, l'État prend uniquement une position de contrôle ; cette défiance est mal perçue sur le terrain.

Je vous invite donc à ne pas vous précipiter et à travailler en concertation avec les collectivités et les élus locaux, afin d'aboutir à un véritable mode d'emploi pour la mise en œuvre de cet objectif.

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