Question de M. SEGOUIN Vincent (Orne - Les Républicains) publiée le 08/04/2021

M. Vincent Segouin interroge Mme la ministre de la transition écologique au sujet de la politique de suppression des moulins menée au nom de la continuité écologique, et notamment sur le cas précis des moulins de l'Orne, dont certains sont aujourd'hui fortement menacés par les arrêtés pris par la préfecture.

Il interrogeait en juillet 2019 la secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique à ce sujet dans l'hémicycle du Sénat, se faisant le relais d'associations de défense des moulins comme l'association « Les amis des moulins 61 » ou le collectif de défense des rivières normandes qui lui font régulièrement part de leurs vives inquiétudes quant aux opérations de destructions de plusieurs moulins.

Comme il le craignait, les administrations déconcentrées n'ont pas suivi la réponse alors formulée par le Gouvernement qui l'assurait de la sauvegarde des moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité. Certains moulins faisant pourtant partie de ces catégories étant en passe d'être détruits, il s'interroge logiquement aujourd'hui sur la constance de l'engagement du ministère à ce sujet ou sur le respect de la parole ministérielle dans les administrations de nos départements.

De nombreuses associations comme celles qu'il a cités plaident pour la sauvegarde de notre patrimoine, de la faune et de la flore dénonçant les atteintes à la biodiversité provoquées par la destruction des moulins. Certaines sécheresses et certaines crues de cours d'eau sont justement provoquées par ces suppressions.

Ces opérations de destruction représentent également un coût important d'argent public, sans effet bénéfique sur l'environnement. Il serait préférable d'investir dans la restauration des moulins, et de mieux contrôler l'entretien des moulins, plutôt que d'essayer à tout prix de les détruire. Il y aurait aussi intérêt à développer la production d'électricité à partir de ces petites installations hydrauliques.

Les moulins demeurant aujourd'hui en péril malgré la réponse formulée par le Gouvernement en 2019, il lui demande ainsi de clarifier la position du ministère au sujet de la politique de continuité écologique et de la sauvegarde de notre patrimoine riparien, et de l'assurer de la stabilité de cette position dans le temps.

- page 2298


Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 04/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2021

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, auteur de la question n° 1624, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Vincent Segouin. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la politique de suppression des moulins menée au nom de la continuité écologique, notamment sur le cas précis des moulins de l'Orne, dont certains sont aujourd'hui fortement menacés par les arrêtés pris par la préfecture.

Déjà, au mois de juillet 2019, dans cet hémicycle, j'ai interpellé à ce sujet Mme Brune Poirson, alors secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, me faisant le relais d'associations de défense des moulins, comme l'association Les amis des moulins 61 ou le collectif de défense des rivières normandes, qui me font régulièrement part de leurs vives inquiétudes quant aux opérations de destruction concernant plusieurs moulins.

Comme je le craignais, les administrations déconcentrées n'ont pas suivi la réponse alors formulée par Mme la secrétaire d'État, qui m'assurait vouloir sauvegarder des moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité. Certains moulins appartenant à ces catégories étant pourtant en passe d'être détruits, je m'interroge logiquement aujourd'hui sur la constance de l'engagement du ministère à ce sujet ou sur le respect de la parole ministérielle dans les administrations de nos départements.

Je le répète, de nombreuses associations de mon département plaident pour la sauvegarde de notre patrimoine, de la faune et de la flore, dénonçant les atteintes à la biodiversité liées aux sécheresses et crues de cours d'eau provoquées par la destruction des moulins.

Ces opérations représentent également un coût important d'argent public, sans effet bénéfique sur l'environnement. Il serait préférable d'investir dans la restauration des moulins et de mieux contrôler leur entretien, plutôt que d'essayer de les détruire à n'importe quel prix. Nous aurions aussi intérêt à développer la production d'électricité à partir de ces petites installations hydrauliques.

Les moulins demeurant en péril, malgré la réponse que m'a donnée Mme Brune Poirson en 2019, je vous demande, madame la ministre, de clarifier la position du ministère au sujet de la politique de continuité écologique, ainsi que de la sauvegarde de notre patrimoine riparien, et de nous assurer de la stabilité de cette position dans le temps.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Segouin, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m'a chargée de vous répondre.

Permettez-moi de rappeler d'abord que la continuité des cours d'eau pour baisser la fragmentation des rivières et préserver la biodiversité d'eau douce est indispensable. Cette dernière est particulièrement menacée en France : on estime qu'environ 28 % des crustacés et 39 % des poissons d'eau douce sont menacés, 19 % des poissons présentant un risque de disparition.

Cette politique de continuité des cours d'eau est ciblée : elle concerne 11 % des cours d'eau français et vise, jusqu'à 2027, environ 5 000 ouvrages sur tous les obstacles recensés en France. Depuis 2018, le gouvernement a souhaité renforcer la logique de conciliation avec les usages des ouvrages existants : barrages, piscicultures, installations pour pratiquer du canoë-kayak, autres éléments du patrimoine à valoriser…

J'en viens aux moulins. La restauration de la continuité écologique est compatible avec la sauvegarde de notre patrimoine lié à l'eau. Différentes possibilités de restauration existent et, pour identifier la meilleure solution, le Gouvernement, avec le corps préfectoral et les services déconcentrés, a choisi de favoriser la concertation locale. Ainsi, c'est au cas par cas, en prenant en compte les contraintes et les opportunités locales, qu'il s'agisse de la valeur historique, touristique ou économique ou des usages de loisir, que la situation de l'ouvrage considéré est analysée.

Tous les moulins sont différents. Certains peuvent être remis en état de fonctionner sans exiger d'investissements trop importants, d'autres non ; certains font l'objet d'un projet territorial, d'un potentiel hydroélectrique rentable, d'autres non. Dans tous les cas, le propriétaire de l'ouvrage doit rester au centre de la décision.

Les débats parlementaires récents ont montré que le sujet nécessitait un climat de confiance et que la concertation était plus efficace dans certains territoires que dans d'autres. S'agissant plus particulièrement de la petite hydroélectricité, la programmation pluriannuelle de l'énergie affiche une priorité à l'équipement de seuils existants, dans le respect de la restauration des milieux aquatiques. De nombreux projets avancent, tandis que d'autres peinent à trouver leur équilibre financier ; des outils, tels que la désignation de référents au sein des services, devraient permettre de mieux les accompagner.

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.

M. Vincent Segouin. Madame la ministre, pour moi, votre réponse portant sur la continuité écologique, la biodiversité, l'eau douce, les politiques ciblées au cas par cas, c'est une réponse de Normand : peut-être bien que oui, peut-être bien que non… Bref, rien n'est clair !

Il me semble que les services ne connaissent pas la formule « au cas par cas ». En effet, les concertations avec les propriétaires, comme avec les associations de défense des moulins, sont parfois inexistantes : on leur demande des études dont le coût est nettement supérieur à leurs capacités financières. C'est un véritable drame pour le patrimoine historique et pour la production d'hydroélectricité.

Nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience. Il faut que les choses soient plus claires pour les administrations, qui doivent mener une concertation dans le respect de toutes les parties.

- page 4547

Page mise à jour le