Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 25/03/2021

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'article 22 bis de la loi n° 2020-1674 de programmation de la recherche du 24 décembre 2020 prévoyant l'ouverture d'établissements d'enseignement supérieur privés préparant au diplôme d'État de docteur vétérinaire.Cet article a été adopté suite à l'introduction d'un amendement voté au Sénat.
Depuis, les professionnel·les et les étudiant·es se mobilisent contre ce projet craignant, tout d'abord, que l'ouverture d'écoles privées crée une rupture d'égalité dans la valeur du diplôme avec des étudiant·es sélectionné·es par un concours de haut niveau et d'autres qui entreront en école en payant des frais de scolarité particulièrement élevés, entrainant donc une discrimination par l'argent.
De plus, ce projet d'école privée, dont l'ouverture est prévue pour 2022 à Rouen, souffre d'un conflit d'intérêt manifeste, puisque soutenu par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) dont le président n'est autre que le président du conseil d'administration d'UniLaSalle, le pôle d'enseignement supérieur privé qui accueillerait cette école.
L'argument de vouloir répondre à la désertification vétérinaire est fallacieux d'autant que les étudiant·es déplorent que les décisions se basent sur des projections à l'horizon 2030 sans attendre les effets des dispositifs mis en place dans les dernières années et les années à venir (augmentation des promotions à 160, création de la première année commune aux écoles vétérinaires (PACEV).
Quatre écoles publiques existent pour l'heure sur le territoire, dont une à Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne. Elles sont toutes reconnues pour l'excellence de leur formation. La crise sanitaire actuelle et le développement de zoonoses dans les années à venir, confirment l'importance de cette profession et la nécessité de renforcer son attractivité.
L'ouverture à des acteurs et investisseurs privés et leur mainmise sur ce secteur constitue un risque pour la maitrise du contenu des formations et de la recherche, pour l'avenir de cette profession.
Au regard de ces éléments, elle lui demande si le gouvernement entend d'une part ne pas publier le décret d'application afin que ce projet ne voie pas le jour, et d'autre part renforcer ce service public aux mains de l'État.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/05/2021

Le diagnostic de la démographie des vétérinaires réalisé par l'observatoire national démographique du conseil national de l'ordre des vétérinaires a mis en évidence que si le nombre de vétérinaires inscrits en France métropolitaine a augmenté de 4,4 % en 5 ans, la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Certains départements, notamment ruraux, subissent une baisse significative du nombre de vétérinaires inscrits sur cette même période quand ce dernier progresse dans d'autres, en zones urbaines notamment. Par ailleurs, il est à noter un recul de l'activité de soins aux animaux d'élevage, alors que le marché de l'activité de soins aux animaux de compagnie est en forte croissance. Pour pallier l'insuffisance de vétérinaires notamment en zone rurale, le ministère chargé de l'agriculture a engagé plusieurs réformes : - augmentation du nombre d'étudiants dans les écoles nationales vétérinaires (ENV) de + 35 % en huit ans, augmentation de la proportion de places ouvertes aux diplômés de brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) ; - programme de stages tuteurés en milieu rural avec un accompagnement professionnel, pédagogique et financier des étudiants ayant un projet d'installation en milieu rural ; - création à compter de la rentrée 2021 d'un accès post-bac aux ENV pour élargir la base sociale et géographique de recrutement de ces quatre écoles publiques (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse), réduisant ainsi la durée des études conduisant au diplôme d'État de docteur vétérinaire à six ans, contre plus de sept ans dans le cadre du cursus actuel, rapprochant ainsi la durée des études vétérinaires en France de celle rencontrée dans les autres pays de l'Union européenne (UE). Par ailleurs, la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) en matière économique et financière autorise les collectivités territoriales ou leurs groupements à soutenir l'installation et le maintien des vétérinaires exerçant en productions animales dans les zones à faible densité d'élevages, ainsi que les projets professionnels des étudiants vétérinaires souhaitant exercer dans ces zones. Les décrets et autres textes d'application sont en cours de préparation par les services du ministère chargé de l'agriculture et ceux du ministère chargé des collectivités territoriales pour une entrée en vigueur courant 2021. Parmi les primo-inscrits à l'ordre national des vétérinaires, 50 % des vétérinaires ont été formés à l'étranger, dans des facultés vétérinaires de pays de l'UE. Cette délocalisation de la formation est favorisée par une offre importante de l'enseignement supérieur vétérinaire de pays voisins tels que l'Espagne, l'Italie, la Roumanie, la Hongrie, l'Estonie ou le Portugal. Ces écoles ou facultés peuvent être publiques ou privées et offrir des cursus de formation en langue locale, en français ou en anglais. Ce flux d'élèves vétérinaires français se formant dans des pays de l'UE équivaut à une perte d'activités et d'emplois sur le territoire national. La formation vétérinaire est une formation exigeante en termes d'encadrement et d'équipements scientifiques, techniques et hospitaliers. Elle est soumise à accréditation par l'association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (AEEEV). Aussi, compte tenu de ces contraintes techniques et financières, les capacités d'accueil des ENV sont limitées par les moyens d'enseignement et d'investissement que ces établissements peuvent mobiliser. L'amendement sénatorial à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR) encadrant la possibilité de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général par les établissements d'enseignement supérieur privés agricole sous contrat avec le ministère chargé de l'agriculture pourrait contribuer à augmenter le nombre de vétérinaires français formés sur le territoire national. Le législateur, en imposant la condition préalable d'être un établissement d'enseignement supérieur d'intérêt général (EESPIG), a limité cette possibilité aux établissements créés par des associations, des fondations reconnues d'utilité publique, ou des syndicats professionnels (au sens de l'article L. 2131-1 du code du travail) justifiant d'une gestion désintéressée et non lucrative. Par ailleurs, le législateur en imposant l'exigence d'un contrat spécifiant la formation vétérinaire avec le ministère chargé de l'agriculture, donne à l'État les moyens juridiques nécessaires pour réguler les possibilités de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général, alors que le droit commun en matière d'ouverture des établissements d'enseignement supérieur privés est un régime de liberté (article L. 731-1 du code de l'éducation hérité de la loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l'enseignement supérieur, dite « Loi Laboulaye »). Une concertation large, associant notamment les organisations professionnelles vétérinaires, est en cours pour définir les conditions de mise en œuvre de cette disposition d'origine parlementaire. Cet encadrement reposera sur un agrément préalable par le ministère, garantissant un niveau d'indépendance suffisant des établissements concernés par rapport aux intérêts économiques sectoriels, une accréditation de la formation par l'AEEEV, avec notamment une formation clinique comprenant une participation des étudiants à l'activité du centre hospitalier de l'école vétérinaire, ainsi qu'un adossement de la formation à une recherche en santé et productions animales de qualité. De plus, le projet de dispositif d'encadrement des écoles vétérinaires privées prévoit aussi une admission des étudiants par concours. À l'issue de la cinquième année, les étudiants obtiendraient un certificat d'études fondamentales vétérinaires (CEFV), diplôme d'établissement visé par l'État, préalable indispensable à la soutenance, à l'issue de la sixième année d'études vétérinaires, d'une thèse d'exercice pour l'obtention du diplôme d'État de docteur vétérinaire délivré par une faculté de médecine d'une université. Le jury du concours et le jury du CEFV seraient nommés chaque année par le ministre chargé de l'agriculture. Enfin, un établissement privé d'enseignement supérieur agricole sous contrat est de plein droit habilité à recevoir des boursiers nationaux. Les conditions posées par le législateur et le projet d'encadrement réglementaire, en cours de définition, garantissent une formation scientifique et hospitalière de haut-niveau, adossée à la recherche, conduite et évaluée dans des conditions équivalentes aux service public de l'enseignement vétérinaire, sans affaiblir l'excellence reconnue des ENV, ainsi que les moyens qui leur sont accordés. Par ailleurs, dans un contexte de contraintes budgétaires, le Gouvernement explore aussi les possibilités d'accroître les moyens et les effectifs d'étudiants des écoles nationales vétérinaires.

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