Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 18/03/2021

M. Arnaud Bazin attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur le nombre d'animaux élevés à des fins scientifiques non utilisés dans des procédures. Plusieurs eurodéputés se sont inquiétés de lire dans le rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre de la directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques publié le 5 février 2020 (https://d144bb38-73b9-4d2e-bc69-5ed140189b94.filesusr.com/ugd/7f38fb_b0689e0cf80f4cfd8494491f5eb13cc9.pdf) que 12 597 816 animaux avaient été mis à mort en 2017 (année de référence dudit rapport) sans être utilisés dans des procédures. Comme expliqué dans le rapport de la Commission (cf. page 8), il s'agit tout à la fois d'animaux tués pour leurs tissus ou leurs organes, d'animaux reproducteurs trop âgés, d'animaux surnuméraires ou qui « ne conviennent pas » scientifiquement. Les eurodéputés ont donc interrogé la Commission le 5 mai 2020 pour savoir comment celle-ci envisageait de réduire le nombre de ces animaux (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2020-002719_FR.html). Dans la réponse faite au nom de la Commission le 9 juillet 2020, il est indiqué que celle-ci « discute régulièrement de cette question avec les États membres », « qu'un contrôle approprié des programmes d'élevage et l'application systématique du principe des « 3R » sont essentiels pour limiter le nombre d'animaux excédentaires », et « qu'un réexamen des programmes d'élevage devrait faire partie intégrante du système national d'inspection » (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2020-002719-ASW_FR.html). En France, en 2017, le nombre d'animaux mis à mort sans entrer dans une procédure s'élevait à 2 126 302. Ainsi, il souhaiterait savoir quels sont les dispositifs mis en œuvre en France pour limiter le nombre d'animaux excédentaires et le nombre de ceux qui sont mis à mort car impropres à l'usage scientifique envisagé. Il aimerait également savoir de quelle façon la question des programmes d'élevage est intégrée au système d'inspection par les vétérinaires désignés ou les inspecteurs. Par ailleurs, le développement exponentiel des méthodes ex-vivo (sur cultures cellulaires animales) entraîne un accroissement du nombre d'animaux tués pour le prélèvement de leurs organes et tissus. Afin d'inverser cette tendance, il conviendrait de soutenir des programmes de recherche sur l'allongement de la durée de vie des lignées cellulaires ainsi que des programmes de partage des tissus et organes des animaux mis à mort (comme en dispose la directive européenne dans son article 18). Il aimerait donc savoir ce qui est d'ores et déjà mis en œuvre et ce qui est prévu afin de réduire le nombre d'animaux mis à mort pour cet usage.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 22/07/2021

Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) favorise et soutient pleinement toutes les actions en faveur de la réduction du nombre d'animaux utilisés à des fins scientifiques, qu'ils soient intégrés dans une procédure expérimentale ou non. Ce sera l'une des missions majeures du centre national dédié aux « trois R », en cours de création suite à la loi n° 2020-1074 du 24 décembre 2020 de programmation pour la recherche. Outre une aide à l'ingénierie de projets expérimentaux, ce centre aura aussi vocation à soutenir, à travers des appels à projets dédiés le développement et la validation de méthodes alternatives à l'utilisation d'animaux. Sur ce dernier point, la France soutient le lancement d'appels à projets au niveau européen. S'agissant des animaux non utilisés dans des procédures expérimentales déclarés par la France, sur l'ensemble de ces animaux, pour l'année 2017, 32 %, presque exclusivement des souris, sont liés à la création ou à l'entretien de lignées génétiquement altérés. Afin de diminuer ce nombre, diverses actions ont été engagées au sein des établissements concernés, à commencer par le raffinement des techniques d'élevage et la planification des besoins expérimentaux. Le personnel en charge de la production des cohortes a été formé sur les techniques de croisement, permettant d'obtenir plus rapidement des animaux ayant les génotypes d'intérêt. Il a aussi été sensibilisé sur la mise en veille des lignées de moindre intérêt scientifique. Le développement et la vulgarisation des techniques de cryoconservation permettent désormais de maintenir sous forme non respirante les lignées même complexes jusqu'alors impossibles à congeler. Différents centres nationaux (CNRS, GIS…) et programmes fédératifs européens (Emma, puis Phénomin) favorisent activement ces actions de cryoconservation. En parallèle, des logiciels de gestion d'élevages ont été mis en place au sein des animaleries en soutien au personnel et permettent de raffiner les pratiques : rationalisation du nombre d'accouplements, facilitation des croisements à étages, choix des reproducteurs en fonction de leur génotype… Ce suivi facilité permet également de contrôler les productions au plus près. Le renforcement des exigences de formation continue des techniciens d'animalerie et des concepteurs de procédures expérimentales, sous l'impulsion de la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, contribue également à la promotion des meilleures pratiques d'élevage et à la réduction du nombre d'animaux excédentaires. Ces actions permettent de réduire le nombre d'animaux non utilisés dans des procédures, même s'il ne faut pas perdre de vue que les questionnements scientifiques toujours plus pointus nécessitent aussi la création de nouvelles lignées, notamment grâce aux nouvelles techniques d'édition génomique. A titre d'illustration, le laboratoire « Transgenèse et Archivage d'Animaux Modèles » d'Orléans fait état en avril 2021 de 456 lignées génétiquement modifiées conservées sous forme « respirante », contre 3 347 lignées cryoconservées. On constate donc une forte rationalisation du nombre d'animaux requis pour conserver ces lignées. Les 68 % restants sont des animaux euthanasiés pour prélèvements d'organes ou de tissus à des fins de recherche in vitro, des animaux d'élevage trop âgés, des animaux euthanasiés au cours de leur élevage ou de leur hébergement afin d'éviter des situations de souffrance ou des risques de contagion et des animaux victimes de mortalité au cours de leur élevage ou de leur hébergement. A partir de ce constat, et toujours dans l'esprit des 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner), de nombreuses actions ont été initiées, notamment la réutilisation et la mutualisation des animaux pour les prélèvements d'organes et de tissus. Cette action est fortement promue au travers des comités d'éthique et des structures de bien-être animal. Comme vous l'indiquez, des méthodes in vitro de plus en plus performantes, par exemple l'utilisation d'organoïdes, permettent de réduire considérablement le nombre d'animaux utilisés. Les inspecteurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, qui assurent l'inspection des établissements éleveurs et utilisateurs d'animaux à des fins scientifiques, veillent à l'application des principes des « trois R » conformément au dispositif réglementaire. A ce titre, dans le cadre de leurs inspections, ils interrogent les responsables sur la mise en application des meilleures pratiques d'élevage en vue notamment de limiter au maximum les animaux excédentaires.

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