Question de M. ROHFRITSCH Teva (Polynésie française - RDPI) publiée le 18/03/2021

M. Teva Rohfritsch appelle avec gravité l'attention de Mme la ministre des armées sur le niveau de radioactivité effectif auquel la population polynésienne aurait été exposée pendant les essais nucléaires en Polynésie française de 1966 à 1996, en particulier lors des 43 essais aériens.
En effet, d'après la publication en mars 2021 du média d'investigation Disclose relayée par de nombreux médias et l'annonce de la publication d'un livre intitulé « Toxique. Enquête sur les essais nucléaires français en Polynésie : les mensonges de la France dans le Pacifique » dans le journal Le Monde du 5 mars, les données dosimétriques et scientifiques rendues officielles par l'État français auraient été sciemment sous-évaluées, tant par des relevés lacunaires, que des éléments de faits erronés.
Ces « révélations » interviennent alors même que le 24 février 2021, l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié un rapport très attendu sur « les conséquences sanitaires des essais nucléaires » en Polynésie française. Il est exposé que, au terme de cette étude commandée par le ministère des armées, les auteurs concluent que les « liens entre les retombées des essais atmosphériques et la survenue de pathologies radio-induites » seraient difficiles à établir, faute de données fiables. Les auteurs dudit rapport soulignent alors l'absolue nécessité d'« affiner les estimations de doses reçues par la population locale et par les personnels civils et militaires ». Ces conclusions ont été accueillies avec étonnement et déception par tous les observateurs, car sans aucun apport probant sur le sujet posant question.
Dès lors, dans l'intérêt premier des populations de Polynésie française, des personnels civils et militaires, mais également de l'ensemble des citoyens français auprès de qui l'État a une obligation morale de transparence et d'assistance, dans l'intérêt de la France et de sa position sur la scène internationale au regard de ces questions, il lui demande quelles mesures effectives le gouvernement national compte entreprendre pour répondre à la stupeur et à l'indignation des Polynésiens face à de telles « révélations ».
Il appelle le gouvernement national à faire toute la lumière sur la teneur de ces publications et à prendre en conséquence toutes les dispositions nécessaires à l'information juste et objective du Parlement et des citoyens français, en particulier des populations de Polynésie française. Il requiert également que soient engagées des mesures adaptées et efficientes en réponse aux attentes des victimes des essais nucléaires dans ce contexte. Il souhaite connaître la position de la ministre des armées et du gouvernement national sur ce qui constitue aujourd'hui un droit de savoir et en appelle de facto à un droit à réparation et de mémoire qu'aucune justification ou raison d'État ne saurait occulter en 2021.

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Réponse du Ministère des armées publiée le 23/09/2021

La table ronde sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française qui s'est tenue à Paris les 1er et 2 juillet derniers à la demande du Président de la République, a permis d'objectiver les différentes données scientifiques publiées sur le site Disclose ou encore dans le livre Toxique. La séquence conduite par la ministre déléguée auprès de la ministre des armées a d'ailleurs fait l'objet d'échanges ouverts et sans tabous sur ce sujet entre la délégation polynésienne et les scientifiques du Comité à l'énergie atomique et aux énergies alternatives. Cette table ronde s'est inscrite dans la volonté de transparence, voulue par le Président de la République, et qui se concrétisera sous différentes formes. Ainsi, les archives, conformément à l'annonce du Président de la République lors de son déplacement en Polynésie française, seront ouvertes à l'exception de celles pouvant contenir des informations proliférantes. Pour ce faire, un groupe de travail, regroupant l'ensemble des services d'archives du ministère des armées, sera créé dès le mois de septembre. Il aura pour but de repérer les fonds d'archives relatifs au fait nucléaire en Polynésie, en priorisant dans un premier temps deux thématiques proposées aux Polynésiens : les données scientifiques de santé et le centre d'expérimentation du Pacifique. Si ce travail de recensement a déjà débuté, le rôle du groupe de travail sera d'identifier les informations proliférantes qui ne pourraient être communiquées. La Polynésie sera associée à ce groupe de travail et un chargé de mission placé directement auprès du Premier ministre assurera le contact entre l'État et la collectivité polynésienne. En ce qui concerne plus précisément les dossiers médicaux et les relevés dosimétriques, la table ronde organisée en juillet dernier a permis de réexpliquer la procédure de demande d'accès, qui demeure un droit, afin de permettre à toute personne ayant bénéficié d'un suivi médical, ou ses ayants droit si elle est décédée, d'en demander la reproduction. Par ailleurs, la constitution des dossiers d'indemnisation va faire l'objet d'un accompagnement particulier. En effet, les services de l'État se déplaceront auprès des personnes les plus éloignées dans les archipels afin de les aider et de les conseiller. Enfin, les contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) initiés en 2008 seront reconduits afin de permettre aux communes de la collectivité polynésienne de poursuivre leur redynamisation économique. Les crédits initialement alloués mais non engagés seront d'ailleurs redéployés dans des projets liés à cette redynamisation.

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