Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 11/03/2021

M. Édouard Courtial appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les négociations entre les producteurs et les distributeurs dans le cadre de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim.
En effet, les producteurs et distributeurs ont jusqu'au 1er mars pour trouver un accord sur les prix des marchandises et ainsi assurer le meilleur prix pour le consommateur, tout en garantissant une rémunération adéquate aux producteurs. Le secteur agricole est déjà, depuis plusieurs années, en difficulté et continue pourtant de tenir, en dépit des efforts qui lui sont demandés comme l'a rappelé le Président de la République dans son déplacement du 23 février 2021.
Or, pour l'heure, il ressort de ces négociations un profond désaccord entre les parties. Les producteurs ne parviennent pas à se voir garantir des marges reconnaissant leur travail à sa juste valeur. Dans ce climat, ils sont poussés à réaliser des actions coup de poings pour se faire entendre comme à Beauvais ou bien Grandvilliers dans l'Oise. Ces actions sont, d'ailleurs, de plus en plus récurrentes car la loi Egalim a fait naître des espoirs déçus pour les agriculteurs.
En outre, la nécessité pour l'exécutif d'intervenir à chaque fin de période de négociation témoigne d'un disfonctionnement chronique du dispositif de conciliation que la loi vise à amener. Le Président de la République a évoqué le combat pour atteindre « le juste retour de la valeur chez les producteurs ». Il s'agit aujourd'hui, deux ans après sa promulgation, de donner corps à l'esprit de cette loi et d'être en adéquation avec les discours de l'exécutif.
Aussi, afin de rendre effective la loi Egalim, il lui demande de prendre les mesures nécessaires pour garantir des rémunérations justes pour les producteurs, tout en assurant les intérêts du consommateur.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/06/2021

Les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont une préoccupation constante du Gouvernement. Il en va en effet de la souveraineté alimentaire du pays. Issue des états généraux de l'alimentation (EGA), qui avaient fait l'objet d'un consensus rare, la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, votée en 2018, a constitué une avancée notable pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne alimentaire. Elle a notamment permis d'inscrire, dans les pratiques, de nouveaux modes de négociations en inversant la construction du prix. Ce nouveau paradigme a permis une évolution majeure : changer l'état d'esprit des relations existantes le long de la chaîne alimentaire en impulsant une dynamique collective inédite. Cette loi a donné des premiers résultats encourageants, notamment dans la filière laitière. Ainsi, l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM a contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs. Même si la crise sanitaire a impacté les prix en 2020, en 2019, le prix du lait payé aux producteurs est ainsi resté au-dessus du prix de 2018 tout au long de l'année. En particulier, grâce aux dispositions de la loi EGALIM, la baisse saisonnière des prix du lait observée chaque année au printemps lors de la période du pic de production a été très limitée. De manière générale et malgré des différences entre filières, la déflation des prix d'achat en grandes et moyennes surfaces a été stoppée, en particulier sur les produits à forte composante agricole même si la crise sanitaire et économique qui a marqué l'année 2020 a fragilisé la filière alimentaire, notamment par une réduction très forte de certains débouchés (restauration hors domicile notamment). En outre, les interprofessions ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des plans de filières incluant des indicateurs de référence, même si ceux-ci sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Une première évaluation des dispositions expérimentales concernant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions si elle n'a pas permis d'aboutir à ce stade à des conclusions définitives, montre néanmoins que ces dispositions n'ont pas augmenté les prix aux consommateurs, malgré les craintes initiales des associations de consommateurs. De nouvelles évaluations seront produites en octobre 2021 et octobre 2022. À l'occasion du cycle annuel de négociations commerciales 2021, la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se sont fortement mobilisés et ont appelé à la responsabilité et à l'engagement des distributeurs. Ainsi, les comités de suivi des relations commerciales ont permis de constater que l'action du Gouvernement avait permis des avancées en matière de négociations commerciales, même si les hausses passées, notamment en matière de produits à forte composante agricole, auraient pu au regard de la forte augmentation des coûts de production, être supérieures. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été intensifiés durant cette période de négociations commerciales. Ils ont démontré que certaines dispositions de la loi n'étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. Certaines enquêtes sont d'ailleurs toujours en cours pour vérifier notamment la caractérisation de prix anormalement bas, notamment dans le secteur de la viande de porc. Une adresse de signalement (signalement@agriculture.gouv.fr) des prix paraissant très bas au regard des coûts de production ou présentant un étiquetage sur l'origine défectueux a été mise en place sur ce sujet afin de faciliter l'identification de ces cas. Les pratiques commerciales déloyales sont plus que jamais sanctionnées comme en témoignent l'action judiciaire engagée contre une centrale de référencement internationale (amende demandée de 150 millions d'euros) et la sanction administrative de 425 000 euros prononcée contre une grande enseigne pour le non-respect de règles d'encadrement des promotions en valeur. Par ailleurs, le médiateur des relations commerciales agricoles a été largement mobilisé dans le cadre de ces négociations commerciales et son action a permis de débloquer cinq fois plus de dossiers qu'en 2020. Afin de faire vivre l'esprit des EGA et de proposer des recommandations permettant d'améliorer la mise en œuvre de la loi EGALIM, les ministres ont confié une mission à M. Serge Papin, ancien co-président de l'atelier 5 des EGA sur la répartition de la valeur et directeur général du groupement système U. Le rapport de mission a été rendu le 25 mars 2021 et vise en particulier à renforcer la marche en avant de la construction du prix, la transparence dans les relations commerciales et le dispositif de médiation. S'appuyant sur ces recommandations mais aussi sur des travaux parlementaires, notamment dans le cadre de la commission de l'assemblée nationale sur la grande distribution, le député Grégory Besson-Moreau a déposé une proposition de loi le 15 avril 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Cette proposition met en lumière un certain nombre de principes forts : contractualisation obligatoire et pluriannuelle, traçabilité du prix de la matière première agricole d'un bout à l'autre de la chaîne alimentaire ainsi que sa non-négociabilité au sein des contrats suivants, inclusion des clauses d'indexation ou encore renforcement de la médiation par la création d'un comité des différends comme de l'indication de l'origine. Les parlementaires vont désormais se saisir de ce texte. Le Gouvernement soutient le contenu de cette loi, qu'il inscrira dans le calendrier parlementaire réservé au Gouvernement avant l'été 2021. Il organisera une concertation des parties prenantes sur ces dispositions, de façon à pouvoir apporter les ajustements qui seraient nécessaires lors de l'examen par le Parlement.

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