Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 18/03/2021

Question posée en séance publique le 17/03/2021

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, comme l'a très bien indiqué tout à l'heure le président du Sénat, Gérard Larcher, cet anniversaire du premier confinement marque aussi symboliquement le surgissement de la pandémie dans notre vie collective.

Aujourd'hui, je ne veux pas dresser l'inventaire de ce qui n'a pas marché. Je veux vous parler d'une question majeure, parce que cette épidémie, plus qu'aucune autre crise, a été pour notre pays une épreuve de vérité. Elle a révélé nos faiblesses et dévoilé un énorme paradoxe.

Du côté lumineux, tant d'abnégation et tant de dévouement se sont manifestés ! La crise a donné à voir une vraie réserve d'humanité.

Du côté obscur, nous avons commis des manquements graves à nos devoirs d'humanité. Nous avons enfermé dans leur solitude nos aînés.

M. Roger Karoutchi. Eh oui !

M. Bruno Retailleau. Nous avons parfois, dans le huis clos des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, ou des hôpitaux, derrière les portes closes, laissé mourir seuls, loin de leurs proches, des femmes et des hommes.

Coupé de toute affection, ce virus nous a arraché des vies. Il nous a peut-être aussi volé une victoire. Sa victoire, c'est notre défaite – une terrible défaite ! –, contre la civilisation, contre toutes ces Antigone qui réclament que soient appliquées les lois non écrites, pour la dignité humaine.

Monsieur le Premier ministre, je n'accuse personne. Seulement, je veux savoir quelles sont les leçons que vous en tirez pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Premier ministre publiée le 18/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 17/03/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, vous avez fait une description, que je peux partager, des dégâts massifs que cet ennemi invisible a causés non seulement dans nos chairs, mais aussi dans nos valeurs.

Ce virus est arrivé sur notre territoire il y a une année déjà, et, avec des mutations et des évolutions, hélas, il ne l'a pas encore quitté. Depuis le début de l'épidémie, le virus a fait 91 196 morts ; hier encore, 320 personnes ont succombé.

Je pense bien sûr, comme vous, à leurs familles, mais aussi à tous ces malades qui ont développé des formes graves, quand ils ont survécu, et qui continuent à porter des stigmates de longue durée, qui affecteront durablement leur vie.

Les dégâts psychologiques et les conséquences économiques et sociales, comme toujours, ont affecté les plus fragiles et les plus précaires de nos concitoyens.

Vous avez fait allusion aux résidents des Ehpad, qui ont payé un tribut particulièrement lourd durant cette pandémie : alors qu'ils représentent seulement 1 % de la population française, ils comptent pour un tiers des décès constatés.

C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de commencer à les protéger. Déjà 89 % des résidents des Ehpad ont été vaccinés à ce jour, ce qui nous permet de répondre à d'autres difficultés mises en exergue par la crise : le droit de les accompagner, le droit de leur famille à leur rendre visite, le droit de leur donner la vie décente qu'ils méritent dans des circonstances dramatiques.

Le Gouvernement n'a jamais hésité à déployer, pour tous les secteurs en souffrance de notre société et de notre économie, des moyens – c'est le fameux « quoi qu'il en coûte » –, pour atténuer les souffrances matérielles et psychiques de nos concitoyens.

Il me faudrait l'après-midi tout entier pour répondre à votre question, monsieur le président, tant elle est vaste, mais je veux vous dire, pour conclure, que nous continuerons dans cette voie tant que nous n'aurons pas vaincu ce virus.

La vie sera la plus forte : tous ensemble, nous vaincrons ce virus et mettrons un terme à cette tragédie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Il est bien évident, monsieur le Premier ministre, que nous devons mener ce combat pour la vie.

J'ai voulu simplement plaider la cause des résidents des Ehpad et des patients des hôpitaux, qui sont morts seuls ; j'ai plaidé pour leurs familles, qui ont été privées du rite de l'adieu et pour qui le deuil a été très difficile.

On a voulu, sans doute de bonne foi, protéger la vie, mais on a réduit l'existence à sa seule dimension matérielle. En privant ces personnes âgées et ces malades du lien affectif avec leur famille, on les a aussi coupés de leur raison de vivre. En effet, pour eux, l'affection et l'amour sont ce qui leur rappelle qu'ils ne sont pas simplement des corps épuisés par le grand âge.

Une civilisation peut mourir de la guerre ou de la dénatalité, mais aussi, et plus sûrement encore, de l'oubli de ce principe même qui la constitue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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