Question de Mme RAIMOND-PAVERO Isabelle (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 11/03/2021

Question posée en séance publique le 10/03/2021

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le ministre de la justice, on dénombre aujourd'hui plus de 60 000 détenus dans nos prisons, avec une densité carcérale qui frôle les 120 % dans les maisons d'arrêt sur le plan national. Vous vous en êtes vous-même inquiété.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que le nombre de détenus a connu une chute historique, qui n'est malheureusement pas liée à une baisse de la délinquance, mais au double effet du quasi-arrêt des juridictions pendant le confinement et des mesures de libération exceptionnelles prises pour limiter le risque épidémique.

Cette surpopulation carcérale chronique aboutit à ce constat : 700 détenus – c'est vous-même qui le dites – couchent sur des matelas posés à même le sol dans leurs cellules.

M. Jean-Pierre Sueur. Ils sont 840 !

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Dans certaines maisons d'arrêt, le taux de suroccupation est affolant : il atteint 193 % à Nîmes, 170 % à Toulouse-Seysses, 150 % à Villepinte. Comment s'étonner, dès lors, que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France en utilisant les mots « dégradant » et « inhumain » ?

Monsieur le ministre, cette situation n'honore pas notre pays. Nous avons bien compris que votre souhait est d'instaurer un numerus clausus carcéral et que, pour vous, malgré l'augmentation de la délinquance, c'est le quantum des peines qui devra s'adapter au nombre de places de prison.

Le Président de la République avait promis la création de 15 000 places de prison pendant son quinquennat. Si les objectifs annoncés avaient été tenus, on ne parlerait peut-être pas de surpopulation carcérale en France.

Comment expliquez-vous que, durant ce quinquennat, nous serons passés de 15 000 places annoncées à 2 000 ou à 3 000 places nouvelles, dont la création avait d'ailleurs été pour partie décidée par le prédécesseur d'Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 11/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 10/03/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de mon collègue garde des sceaux, qui est actuellement retenu à l'Assemblée nationale, mais qui aurait aimé, j'en suis sûr, pouvoir vous répondre.

Il s'agit en effet d'un sujet qui, comme vous le savez, le mobilise tout particulièrement et sur lequel il est très engagé, tout comme, je le sais, le Sénat, puisqu'un texte sur ce thème a été adopté ici même lundi dernier.

Je constate que cette question revient régulièrement dans le débat lors des séances de questions d'actualité au Gouvernement, et cela sur l'ensemble des travées. C'est une marque de l'engagement particulier du Sénat sur ce sujet.

Vous l'avez dit, il s'agit d'un défi de société. Nous sommes dans une situation de surpopulation carcérale qui crée des situations indignes. Cela fait un certain nombre d'années que cette situation s'aggrave. Aussi, oui, il faut prendre des mesures.

M. François Bonhomme. Allez-y ! C'est vous le ministre !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle le Président de la République s'était effectivement engagé à lancer un programme de 15 000 places supplémentaires.

Près de 7 000 places ont été créées. Il en reste donc 8 000, que le garde des sceaux a promis d'ouvrir d'ici à la fin du quinquennat. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce sera fait, et le ministre de la justice communiquera au printemps sur les sites retenus dans le cadre de son plan.

Toutefois, vous le savez, la question n'est pas seulement celle du nombre de places. L'enjeu est aussi celui des alternatives à l'incarcération. C'est pourquoi nous renforçons les travaux d'intérêt général et l'ensemble des mesures favorisant une alternative à la prison, mesures qui se sont d'ailleurs développées depuis plusieurs années, parce que nous avons fait ce choix.

Oui, la situation est actuellement très difficile. Encore une fois, nous nous y attaquons en créant des places et en favorisant les mesures alternatives à l'incarcération. Nous allons poursuivre dans cette voie, car nous portons une ambition extrêmement forte dans ce domaine.

Je sais que le Sénat sera au rendez-vous de cette mobilisation, car, je le répète, il s'agit d'un défi de société qui doit collectivement nous réunir. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Prenez garde à l'augmentation de la délinquance dans notre pays : s'il n'y a ni moyens suffisants ni volonté de construire de nouvelles places de prison,…

M. François Patriat. Le secrétaire d'État vient de dire le contraire !

Mme Isabelle Raimond-Pavero. … la France continuera d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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