Question de Mme DESEYNE Chantal (Eure-et-Loir - Les Républicains) publiée le 18/03/2021

Mme Chantal Deseyne attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la vive inquiétude des acteurs de l'assainissement quant aux critères qui encadreront prochainement la transformation des boues d'épuration et leur usage agricole par le biais de l'épandage. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, a prévu : d'une part, une habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance plusieurs directives européennes relatives aux déchets, afin de lui permettre de fixer les critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture et d'assurer ainsi une mise sur le marché et une utilisation compatible avec les exigences de santé publique et de protection de l'environnement ; et d'autre part, de définir par voie règlementaire les normes applicables aux boues d'épuration en vue de leur retour au sol, dans le cadre de l'article L.541-38 du code de l'environnement résultant de la dite loi du 10 février 2020.
Ces deux dispositions contenues respectivement aux articles 125 et 86 de la loi susvisée, donneront lieu à deux normes de nature règlementaire : un arrêté pris après consultation de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et un décret actuellement soumis à la consultation du public. Or, il s'avère que ces projets soulèvent de la part des acteurs de la filière, opérateurs privés et publics, des questionnements légitimes relatifs au caractère opportun, réaliste et proportionné des nouvelles exigences d'innocuité applicables tant aux boues utilisées localement en épandage agricole qu'aux boues destinées à des opérations de compostage ou de méthanisation et visant tant les matières entrantes que sortantes. En effet, les options de traitement de la boue d'épuration en vue de son hygiénisation dépendent pour les territoires, de considérations géographiques, techniques, historiques, financières diverses qu'une modification brutale et uniforme pourraient gravement fragiliser.
Les mesures prises récemment dans le cadre de la crise sanitaire en attestent : sur la base d'un principe de précaution décidé par le Gouvernement, nombre de collectivités ont engagé des frais considérables, liés par exemple au stockage et au séchage en vue d'une incinération des boues d'épuration, contraire aux volontés affichées de valorisation, des déchets et à l'intérêt même des cultures qui peuvent bénéficier par ce procédé d'un apport bénéfique en matière organique et en calcaire lorsque des procédés d'hygénisation par chaulage sont mis en œuvre.
Seulement, si l'urgence pouvait légitimement commander des décisions temporaires prises dans un contexte d'incertitude, la pérennité et l'équilibre même des filières existantes de valorisation des déchets appellent à la mesure et à la proportionnalité.
Aussi, elle attire son attention sur ce problème qui, sans précaution, pourrait faire d'un problème technique, un problème politique plus vaste, car en définitif, que ce soit en raison de la nécessaire réadaptation des sites (quand les capacités foncières ou d'investissement le permettent) ou, à défaut, en raison des obligations d'incinération résultant de ces nouvelles contraintes, les coûts engendrés seront immanquablement répercutés sur les usagers ou les consommateurs.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 07/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1597, transmise à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, les articles 125 et 86 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ont invité le Gouvernement à agir par voie réglementaire afin d'arrêter les nouveaux référentiels applicables aux boues d'épuration en vue de leur usage au sol, d'une part, et, d'autre part, les conditions dans lesquelles les boues pourront être compostées par ajout d'un coproduit structurant, notamment de type « déchets verts ».

Les options de traitement de la boue d'épuration en vue de son hygiénisation dépendent pour les territoires de considérations géographiques, techniques, historiques et financières diverses qu'une modification brutale et uniforme pourrait gravement fragiliser.

Les inquiétudes relatives à cette nouvelle réglementation sont très diverses. Il ressort notamment que les exigences de siccité sont susceptibles de rendre les boues impropres à l'usage agricole en deçà d'un certain seuil, qu'il sera nécessaire d'adapter la capacité de traitement des stations d'épuration ou encore que les exigences liées au seuil de structurants – les déchets verts – dans le cadre des procédés de compostage seront relevées.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il faire face aux difficultés concrètes qui ne manqueront pas de résulter de la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation et qui, à juste titre, préoccupent de nombreux élus locaux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Madame la sénatrice, l'article 125 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi AGEC, a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives européennes relatives aux déchets.

Ainsi, l'article 14 de l'ordonnance du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets a complété le code rural et de la pêche maritime d'un article qui précise : « Un décret pris après consultation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, fixe les critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture, afin de s'assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne porte pas atteinte à la santé publique, à la santé animale et à l'environnement. » Ce décret dit « socle commun des matières fertilisantes et supports de culture » prendra en compte toutes les matières fertilisantes mises sur le marché ou utilisées en France, dont les boues d'épuration.

L'article 86 de la loi AGEC précise que les référentiels réglementaires sur l'innocuité environnementale et sanitaire applicables aux boues d'épuration en vue de leur retour au sol doivent être révisés au plus tard le 1er juillet 2021. À compter de cette date, l'usage au sol de ces boues, seules ou en mélange, brutes ou transformées, est interdit dès lors qu'elles ne respectent pas les normes ainsi définies.

Une période de transition est prévue entre le 1er juillet 2021 et l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Durant cette période, les dispositions des arrêtés du 8 janvier 1998 et du 2 février 1998 resteront applicables aux boues.

Les mesures exceptionnelles concernant les boues d'épuration adoptées dans le contexte de l'épidémie de covid-19 ne sont pas liées à la future réglementation mentionnée ci-dessus. Il n'est en effet pas prévu que celle-ci rende obligatoire l'hygiénisation des boues d'épuration avant leur épandage.

Le décret « socle commun des matières fertilisantes et supports de culture » devra répondre au double objectif de protéger les terres agricoles et de faire progresser l'économie circulaire. Les nouvelles dispositions relatives à l'innocuité comme à l'efficacité des matières fertilisantes seront mises en place progressivement, en fonction notamment des données scientifiques disponibles, de la nature de ces matières fertilisantes, des risques qu'elles peuvent présenter, des moyens existants pour les maîtriser et des délais d'adaptation pour les acteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.

Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J'ai bien compris que nous étions contraints de transposer une norme européenne. Pour autant, ces nouvelles mises aux normes qui s'imposeront très vite, dès 2021, seront à l'origine, pour les collectivités en charge des stations d'épuration, de coûts élevés qui seront reportés sur les usagers. Si la qualité des boues d'épuration n'est pas satisfaisante, celles-ci finiront dans des centres d'incinération, ce qui n'est ni économique ni écologique.

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