Question de M. BABARY Serge (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 11/02/2021

M. Serge Babary attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la prolifération des ouvertures de commerces vendant du cannabis.

Dans son arrêt rendu le 19 novembre 2020 dans l'affaire C-663/18, dite Kanavape, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré qu'en l'état des connaissances scientifiques et sur la base des conventions internationales en vigueur, l'huile de cannabidiol (CBD) ne constitue pas un produit stupéfiant. Elle en déduit que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises sont applicables à ce produit et qu'une mesure nationale qui interdit la commercialisation du CBD issue de la plante entière constitue une entrave à la libre circulation.

Elle précise cependant qu'une telle mesure peut être justifiée par un objectif de protection de la santé publique sous réserve qu'elle soit nécessaire et proportionnée, avant de rappeler qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier, à la lumière des données scientifiques disponibles, si des effets nocifs pour la santé humaine pourraient être liés à l'utilisation du CBD, justifiant l'application d'un principe de précaution et si les mesures prises sont propres à garantir l'objectif de protection de la santé publique.

Selon la Cour, la réglementation française ne lui paraît pas remplir cette condition dans la mesure où l'interdiction de commercialisation ne frappe pas le CBD de synthèse qui aurait les mêmes propriétés que le CBD naturel.

Depuis cet arrêt, on constate une multiplication d'ouvertures d'échoppes qui commercialisent des produits extraits du chanvre, dont le cannabidiol.

Aussi, il souhaiterait savoir si et à quelles conditions l'ouverture de tels commerces est légale.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 25/11/2021

Le 19 novembre 2020, la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) a rendu son arrêt dans l'affaire C-663/18, dite Kanavape. La Cour était saisie d'une question préjudicielle par la Cour d'Appel d'Aix en Provence portant sur la conformité au droit de l'Union européenne de l'article 1er de l'arrêté du 22 août 1990 qui limite la culture, l'importation et l'utilisation industrielle et commerciale du chanvre aux seules fibres et graines de la plante et interdit de ce fait l'importation et la commercialisation d'e-liquide pour cigarette électronique contenant de l'huile de cannabidiol (CBD) obtenue à partir de plantes entières de chanvre. Il est à noter que le mécanisme de la question préjudicielle permet à une juridiction nationale de demander à la CJUE d'interpréter le droit de l'Union. Il appartient ensuite à la juridiction nationale de résoudre le litige conformément à l'arrêt de la CJUE. Dans cet arrêt, la CJUE considère qu'en l'état des connaissances scientifiques et sur la base des conventions internationales en vigueur, l'huile de CBD ne constitue pas un produit stupéfiant. Elle en déduit que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises sont applicables à ce produit et qu'une mesure nationale qui interdit la commercialisation du CBD issue de la plante entière constitue une entrave à la libre circulation. Elle précise cependant qu'une telle mesure peut être justifiée par un objectif de protection de la santé publique sous réserve qu'elle soit nécessaire et proportionnée. Elle rappelle ensuite qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier, à la lumière des données scientifiques disponibles, si des effets nocifs pour la santé humaine pourraient être liés à l'utilisation du CBD, justifiant l'application d'un principe de précaution et si les mesures prises sont propres à garantir l'objectif de protection de la santé publique. En l'espèce, et afin de guider la juridiction dans son appréciation, la CJUE souligne que la réglementation française ne lui parait pas remplir cette condition dans la mesure où l'interdiction de commercialisation ne frappe pas le CBD de synthèse qui aurait les mêmes propriétés que le CBD naturel. Les autorités françaises prennent acte de cet arrêt. Elles tiennent à souligner que, dans cet arrêt, la CJUE reconnait que l'application du principe de précaution pourrait, sous réserve d'éléments scientifiques probants, justifier une réglementation restreignant la commercialisation des produits à base de CBD. Elles étudient les voies et moyens pour prendre en compte ses conclusions. Les autorités réitèrent d'ores et déjà leurs avertissements concernant les effets potentiellement nocifs de la molécule de CBD, encore peu connue. Elles signalent en outre les risques sanitaires liés au ?-9-tétrahydrocannabinol (THC), molécule classée comme stupéfiant, que sont susceptibles de contenir les produits issus du chanvre. Elles appellent à la plus grande vigilance concernant les modes de consommation de ces produits, notamment la voie fumée, dont la toxicité est avérée. Par ailleurs, il est rappelé que les produits contenant du CBD demeurent soumis au respect des dispositions législatives françaises, et plus particulièrement des suivantes : - Ils ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu'ils n'aient été autorisés comme médicament par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou la Commission européenne sur la base d'un dossier évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité. - Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion entre le cannabis et le CBD et faire ainsi la promotion du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l'infraction pénale de provocation à l'usage de stupéfiant. Enfin, les autorités françaises estiment que l'élaboration d'une approche commune européenne des produits à base de CBD serait souhaitable. Elles poursuivent à cet égard leurs échanges avec les autres Etats membres et la Commission européenne.

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