Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 04/02/2021

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'action de groupe menée par six organisations non gouvernementales, procédure prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
En effet, ce collectif d'associations vient de mettre l'État en demeure contre des pratiques de contrôles d'identité abusifs dits contrôles au faciès.
À partir de nombreux témoignages et de nombreuses preuves issues d'enquêtes, les associations démontrent une fois de plus que les personnes perçues comme noires et arabes ont beaucoup plus de risques d'être contrôlées par les forces de police. À ces contrôles itératifs et souvent injustifiés, s'ajoutent des violences, des humiliations.
De nombreux rapports, dont celui du Défenseur des droits, ont établi l'existence de ces contrôles au faciès, discriminatoires. Le Président de la République a lui-même affirmé en décembre 2020 : « aujourd'hui quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé (...). On est identifié comme un facteur de problème et c'est insoutenable ».
Pour rappel, en 2016, la Cour de cassation a condamné l'État pour faute grave en la matière.
Alors que l'État dispose à présent de quatre mois pour répondre à cette mise en demeure, elle lui demande s'il entend prendre en compte les évolutions souhaitées par les organisations non gouvernementales (ONG) pour faire cesser ces contrôles au faciès : une modification du code de procédure pénale pour « interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité », la « création d'un mécanisme de plainte efficace et indépendant », la « mise à disposition de toute personne contrôlée d'une preuve de contrôle », sur le modèle du récépissé, la modification des objectifs de la police, des instructions et de la formation de la police, notamment en ce qui concerne les interactions avec le public

Ces mesures sont indispensables pour faire évoluer les pratiques policières et améliorer les rapports entre la police et la population, dans un objectif d'efficacité, de tranquillité publique et de respect.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 01/04/2021

Les contrôles d'identité sont essentiels à l'activité des forces de l'ordre et déterminants dans la lutte contre la délinquance, qui constitue une très forte attente de nos concitoyens. Ils sont effectués dans le strict respect des libertés publiques, relevant d'un cadre légal précis fixé notamment par le code de procédure pénale et précisé au cours des dernières années par la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. Les contrôles d'identité ne peuvent intervenir à l'initiative des policiers mais sur réquisition du procureur de la République et dans des cas limitativement définis. Ce cadre juridique exclut tout contrôle discriminatoire, qui serait illégal, censuré par le juge, dépourvu d'intérêt opérationnel et contraire au principe d'égalité devant la loi. À ce cadre légal s'ajoutent les règles déontologiques auxquelles sont tenus les policiers et les gendarmes et qui imposent un respect absolu des personnes. Quiconque peut, s'il s'estime victime d'un contrôle d'identité illégal, saisir l'autorité judiciaire ou l'une des nombreuses institutions chargées de contrôler l'action des services de police. Il va de soi que les fonctionnaires qui commettent des actes contraires à la déontologie ou illégaux encourent des sanctions administratives et, comme quiconque, des sanctions pénales. Des erreurs peuvent être commises : elles sont marginales au regard du nombre d'interventions quotidiennes de la police nationale, quelles que soient les allégations de certaines associations ou courants idéologiques (en novembre 2016, la Cour de cassation a sanctionné l'État pour deux contrôles d'identité jugés discriminatoires). Si des fautes sont commises, des sanctions sont prononcées car les forces de l'ordre se doivent d'être exemplaires dans leur défense et leur respect des valeurs et des lois républicaines. Le ministre de l'intérieur réaffirme à cet égard l'extrême importance qu'il attache à l'exigence déontologique. Ce respect, il convient de le rappeler, doit être mutuel. Le respect dû aux policiers et aux gendarmes est d'autant plus essentiel qu'ils sont des représentants de l'autorité publique et agissent, comme force publique, au nom de la collectivité nationale. Les contrôles d'identité ne sauraient être ni abusivement répétés à l'égard des mêmes personnes, ni multipliés sans discernement dans tel ou tel quartier, ni conduits de manière discriminatoire. Pour autant, la sécurité des personnes et des biens fait l'objet d'une attention plus particulière dans les quartiers dits sensibles, où la population, déjà fréquemment fragilisée sur le plan social et économique, est plus fortement exposée et plus souvent qu'ailleurs victime des incivilités et de la délinquance : violences physiques, violences urbaines, dégradations, vols, trafics, etc. Il est donc normal que les contrôles d'identité puissent s'y dérouler, en tant que de besoin, avec une certaine fréquence, sans que de telles pratiques puissent être pour autant considérées comme discriminatoires. Il convient également de rappeler que, loin des contre-vérités, des caricatures et des amalgames, les forces de sécurité sont des acteurs de premier plan de la lutte contre les discriminations et en faveur de la diversité. Au-delà de son action quotidienne pour réprimer les infractions que constituent les faits de discrimination ou de racisme, la police nationale développe par exemple des actions concrètes et spécifiques en faveur des jeunes, notamment ceux issus des quartiers populaires. La police contribue en particulier à leur intégration en promouvant la diversité du recrutement et l'insertion dans les métiers de la sécurité. Pour autant, se sont développées depuis quelques années dans le débat public des interrogations sur les contrôles d'identité « au faciès », parfois sincères, parfois mues par des idéologies contestables ou des postures radicales et démagogiques. En tout état de cause, plusieurs mesures ont été prises pour éviter tout risque de contrôle d'identité à caractère discriminatoire et plus largement pour améliorer les modalités de leur exercice et leur acceptabilité. Un nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales, de valeur réglementaire, entré en vigueur en 2014, encadre désormais juridiquement le déroulement concret des contrôles d'identité, notamment s'agissant des palpations de sécurité. La formation théorique et pratique aux contrôles d'identité et aux palpations de sécurité a également été renforcée durant la formation initiale. Les policiers et les gendarmes sont également dorénavant tenus de porter un numéro d'identification individuel. Par ailleurs, afin de donner à nos concitoyens l'assurance que les manquements aux règles commis par les membres des forces de l'ordre sont traités avec la rigueur qui s'impose, des plates-formes internet de signalement ont été mises en place au sein de l'inspection générale de la police nationale et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale, permettant à quiconque de signaler tout manquement à la déontologie dont il penserait être la victime ou le témoin. Ces garanties peuvent encore être enrichies. A la demande du Président de la République, qui a annoncé le 14 juillet sa volonté de doter l'ensemble des policiers et gendarmes de caméras individuelles, des travaux sont en cours afin d'augmenter considérablement le volume et la qualité des caméras mobiles équipant les forces de l'ordre. Dès juillet 2021, toutes les patrouilles de police et de gendarmerie en seront équipées. Elles permettront tant de pacifier certains contrôles que d'établir ou de rétablir la réalité des faits lorsqu'une intervention de police est mise en cause, alors que la diffusion d'images tronquées et trompeuses sur les réseaux sociaux ou dans certains médias est devenue courante. Le ministre de l'intérieur attache la plus haute importance à ces questions. Au-delà des enjeux d'éthique et de déontologie, il est en effet essentiel d'améliorer les relations entre la police et la gendarmerie et la population, notamment à l'occasion des patrouilles ou des interventions sur la voie publique, pour renforcer et parfois rétablir le lien de confiance et lutter contre la défiance envers l'État qui existe dans certaines catégories de la population. La force publique étant au service de nos concitoyens, la légitimité de son action est en effet un élément central de la cohésion sociale. Ces enjeux revêtent une importance particulière dans les quartiers sensibles où la population est fortement demandeuse de présence policière. Le ministre de l'intérieur est tout autant déterminé à combattre les contre-vérités, les caricatures et les amalgames qu'à défendre le travail et l'honneur des policiers et des gendarmes contre les mises en cause et les attaques - extrêmement minoritaires dont ils sont trop souvent les victimes.

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