Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 25/02/2021

Mme Céline Brulin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'évaluation du référentiel national de défense extérieure contre l'incendie (DECI). L'arrêté du 15 décembre 2015 a fixé le référentiel national de défense extérieure contre l'incendie, approuvé ensuite à l'échelon départemental par les préfectures. Les distances retenues ainsi que le caractère particulièrement strict de leur application rendent la situation intenable dans de nombreux territoires, comme en Seine-Maritime par exemple. Pourtant, la réforme de la DECI de 2015 se voulait synonyme d'une prise en compte des réalités du terrain. Force est de constater que cela n'est pas le cas, et que les règlements adoptés en 2017 dans les départements sont très loin, pour certains, d'atteindre ce louable objectif. À ce jour, aucune évaluation de la mise en œuvre du nouveau référentiel national n'est entreprise. Or, son application est très compliquée sur le terrain. C'est pourquoi, en lui rappelant la responsabilité de l'État, elle lui demande si cette réglementation, nécessaire mais contraignante dans certaines communes, notamment rurales, pourrait évoluer.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 10/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/03/2021

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1555, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, ma question concerne la défense extérieure contre l'incendie, souci majeur pour de nombreuses communes de mon département.

Le secrétaire d'État Laurent Nunez, que j'avais interrogé en janvier 2020, avait répondu : « J'ai parfaitement conscience que cette réglementation […] peut parfois être contraignante […]. [Elle peut parfois] évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures applicables ». Pourtant, depuis, rien.

Un poteau incendie représente 5 000 euros, une bâche, 20 000 euros, une citerne enterrée, 50 000 euros. Pour de petites communes comme Ancretteville-sur-Mer, cela engendre des coûts énormes : cette même commune devra dépenser 190 000 euros pour sept points d'eau en 2021. Je pourrais multiplier les exemples de très petites communes confrontées à ce problème.

Sans compter, d'ailleurs, que le débit d'eau n'est pas forcément compatible avec les exigences du schéma. La compétence « eau » revient aux intercommunalités alors que le schéma relève, lui, des communes.

Comment faire si le réseau n'est pas modernisé ? Comment implanter les équipements nécessaires sans réserve foncière ? Comment multiplier les sources d'eau dans les communes composées de hameaux isolés ? Tout cela a un coût. Malgré les aides possibles, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou des subventions départementales, le reste à charge est très lourd pour les communes.

Dans d'autres départements, des solutions de remplacement respectant les règles du schéma national sont trouvées. Pourquoi pas en Seine-Maritime ? Le ministre de l'intérieur va-t-il rouvrir les échanges évoqués par votre prédécesseur ? Envisage-t-il une évaluation de la mise en œuvre du référent national dans les différents départements ? Cela me semble indispensable pour prendre en compte les difficultés rencontrées et traiter chaque département à la même enseigne.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Céline Brulin, la réforme de la défense extérieure contre l'incendie (DECI), conduite en 2015, a instauré une approche novatrice. Je sais que ce sujet vous tient à cœur. La DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet, en concertation avec la collectivité. Nous estimons ainsi qu'elle est proportionnée aux risques d'incendie des territoires du département et, surtout, aux capacités d'intervention des sapeurs-pompiers.

Ce nouveau cadre a introduit de la souplesse. En effet, si les règles fixées par ce règlement départemental sont difficilement applicables sur le terrain, elles peuvent être modifiées, en concertation étroite avec les collectivités territoriales.

S'agissant du bilan de mise en place de cette réforme, je peux, d'ores et déjà, vous fournir quelques éléments.

Tout d'abord, les premiers règlements départementaux de DECI ont été publiés à partir de 2017. Il convient de laisser le temps nécessaire pour que ce nouveau dispositif puisse produire des effets tangibles.

Par ailleurs, les difficultés que vous évoquez ne sont pas communes à tous les départements. Plusieurs services d'incendie et de secours relèvent, en effet, les premières améliorations de la DECI. Nous avons néanmoins parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes rurales.

Comme vous le savez, une mission d'information relative à la défense extérieure contre l'incendie en zone rurale a été créée au sein de la Haute Assemblée. Elle est conduite par les sénateurs Hervé Maurey et Franck Montaugé. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, chargée de la DECI au niveau national, contribue à ces travaux et réalisera un bilan global de mise en œuvre de la réforme dans tous ses aspects. Ce bilan et ses axes de progrès seront partagés avec les parlementaires, les préfets, les élus et les services territoriaux concernés.

En conclusion, je veux, madame la sénatrice, attirer votre attention sur un point essentiel : avant d'envisager de nouvelles règles, il convient également d'intégrer dans nos réflexions la question des effets du changement climatique.

En effet, les périodes de sécheresse et les très fortes chaleurs frappent de plus en plus les zones rurales, comme vous le savez mieux que personne. Elles concernent notamment des secteurs septentrionaux du pays peu habitués à ces situations. Durant ces périodes, les services ont observé une augmentation des feux d'espaces naturels ou agricoles. Or ces incendies sont désormais susceptibles de menacer des zones habitées.

Il importe donc que nous restions vigilants et raisonnables dans la conception et le déploiement de notre défense extérieure contre l'incendie.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, vous évoquez de nouveau des modifications possibles. C'est précisément ce que nous demandons.

Je vous remercie de saluer la mission que vient d'engager le Sénat. C'est effectivement un sujet qui nous tient beaucoup à cœur. J'entends que le Gouvernement entend s'appuyer sur ses conclusions, mais nous attendons aussi que vous apportiez vous-même des modifications, non pas en ajoutant de la réglementation à de la réglementation, mais en examinant ce qui se fait sur le terrain.

Dans certains départements – mais pas dans tous –, on constate une prise en compte fine des réalités. Nous voulons que ces expériences permettent à tous de réaliser quelque chose, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

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