Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SER) publiée le 18/02/2021

M. Gilbert-Luc Devinaz attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation d'un maître de conférences en mathématiques à l'université Claude Bernard de Lyon–Villeurbanne. Depuis bientôt deux ans, ce professeur reste bloqué en Turquie, son pays natal, où il était parti en vacances au printemps 2019. Citoyen turc, disposant d'un titre de séjour en France, il œuvre depuis son arrivée en France, en 1996, à d'importants travaux internationaux en algèbre et au développement de la coopération scientifique entre la France et la Turquie. Il est particulièrement investi dans le réseau des universitaires pour la paix, un collectif qui promeut une résolution pacifique du conflit entre l'État turc et les kurdes dans le sud-est de la Turquie. C'est bien cet engagement pacifiste qui lui vaut au printemps 2019 d'être privé de son passeport à son arrivée en Turquie. Les vacances qu'il s'apprêtait à passer dans son pays natal se sont alors transformées en un véritable cauchemar. Il fut emprisonné pendant 81 jours, accusé d'appartenir à une organisation terroriste. Libéré à l'issue de la première audience de son procès en juillet 2019, son acquittement est depuis septembre 2020 définitif. Pour autant, les autorités administratives du pays refusent obstinément de lui rendre son passeport. L'État turc semble déterminé à user de tous les leviers pour empêcher une véritable libération.

Il lui demande comment aujourd'hui la diplomatie française œuvre afin que cet universitaire retrouve sa liberté, rejoigne le sol français, ses proches, ses amis, ses collègues et étudiants.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 1534, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne la situation de M. Tuna Altinel, maître de conférences en mathématiques à l'université Claude-Bernard, située sur le campus de Villeurbanne.

Depuis très exactement deux ans, ce professeur reste bloqué en Turquie, son pays natal, où il est parti en vacances au printemps 2019.

Disposant d'un titre de séjour en France, Tuna Altinel œuvre, depuis son arrivée dans notre pays en 1996, à d'importants travaux internationaux en algèbre et au développement de la coopération scientifique entre la France et la Turquie.

Il est particulièrement investi dans le réseau Universitaires pour la Paix, collectif qui promeut une résolution pacifique du conflit entre l'État turc et les Kurdes. C'est bien cet engagement pacifiste qui lui a valu d'être privé de son passeport à son arrivée en Turquie au printemps 2019. Ses vacances se sont alors transformées en un véritable cauchemar.

Accusé d'appartenir à une organisation terroriste, il fut emprisonné pendant quatre-vingt-un jours. Libéré à l'issue de la première audience, il a été définitivement acquitté au mois de septembre 2020.

Pour autant, les autorités administratives du pays ont obstinément refusé de lui rendre son passeport. J'utilise le passé, car, depuis dix jours, une nouvelle étape vient d'être franchie. Le 2 avril dernier, en effet, Tuna Altinel a été informé d'une décision du tribunal administratif en sa faveur. Une décision pourtant prise dès le 25 janvier dernier !

Aussi, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, il est difficile de se réjouir et de considérer que la fin du cauchemar est proche tant l'État turc s'emploie depuis deux ans à empêcher la libération de ce militant pacifiste.

Ma question est donc simple : au vu des derniers éléments, comment la diplomatie française peut-elle favoriser le retour de M. Tuna Altinel ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Devinaz, vous appelez mon attention sur la situation de Tuna Altinel. Je tiens à vous assurer de la mobilisation continue, hier, aujourd'hui et demain – pour un temps que je souhaite le plus court possible –, et du soutien des autorités françaises sur cette affaire dont nous espérons une issue rapide.

Son arrestation a suscité une forte mobilisation de la part de la communauté universitaire. M. Altinel vivait et enseignait en France depuis une vingtaine d'années et, lors d'un séjour en Turquie au mois d'avril 2019, son passeport turc a été confisqué par la police : il est passé par ces moments très difficiles de détention préventive, par quatre-vingt-un jours de prison et un acquittement au mois de janvier 2020 confirmé au mois de septembre de la même année.

Au cours de cette période, nous sommes demeurés mobilisés à ses côtés, nos services s'entretenant à plusieurs reprises avec lui, restant en contact étroit avec son avocate et assistant aux audiences de son procès, ce qui est un geste fort.

C'est avec un grand soulagement que nous avons appris la nouvelle de son acquittement, le 24 janvier 2020, et les derniers développements que vous avez mentionnés.

Nous ne cesserons de suivre l'évolution de cette situation avec la plus grande attention et maintenons le dialogue avec nos homologues turcs. Les décisions de justice doivent en effet sans délai être traduites dans les faits. À cet égard, le maintien de restrictions à sa liberté de circulation n'est pas acceptable. C'est tout simplement incompatible avec l'acquittement dont a bénéficié M. Tuna Altinel. D'ailleurs, la dernière décision rendue voilà une dizaine de jours le confirme.

La conviction de la France est très claire : la liberté d'expression ainsi que la liberté académique et universitaire constituent la pierre angulaire de l'État de droit. La France a rappelé son attachement à la libération de l'ensemble des Universitaires pour la Paix, car ils sont plusieurs à être visés par des poursuites judiciaires en Turquie. La France continue d'appeler la Turquie à respecter ses engagements internationaux en faveur des libertés fondamentales et du droit de chacun à la libre expression. Elle le fera jusqu'à ce que son passeport soit restitué à M. Altinel, afin qu'il puisse retourner en France, y reprendre sa vie et ses activités académiques.

C'est donc un dialogue exigeant que nous maintiendrons avec les autorités turques.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse.

Le 22 février dernier, la ville de Villeurbanne, qui accueille le campus scientifique de La Doua où exerce M. Tuna Altinel, a accordé à ce dernier la citoyenneté d'honneur. Cette même ville vient d'être désignée par votre collègue ministre de la culture première capitale française de la culture.

Aussi le retour de Tuna Altinel serait-il un symbole fort de cette vision émancipatrice des arts, des sciences et de la culture que notre pays cultive et défend.

Monsieur le secrétaire d'État, nous comptons sur le Gouvernement !

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