Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 18/02/2021

M. Christian Redon-Sarrazy interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les difficultés que crée pour les éleveurs bovins, notamment limousins, la mise en application de la loi de santé animale européenne à partir du mois d'avril 2021.
L'évolution du protocole vaccinal impose désormais un délai de 60 jours au lieu de 10 jusqu'alors entre la date de la dernière injection de vaccin et la date de vente pour l'exportation. Ce délai impose donc, pour des animaux dont la vente était programmée en avril 2021, d'avoir réalisé tout le protocole vaccinal au 30 janvier 2021, une date impossible à tenir pour les éleveurs.
Or, ce sont près de 6 200 broutards qui doivent être exportés en avril et mai pour la seule Haute-Vienne. En l'absence d'un protocole vaccinal réalisé dans les temps, ces ventes ne pourront être réalisées et on mesure aisément la perte pour des éleveurs déjà en grande difficulté.
La situation est d'autant plus préjudiciable pour la filière bovine limousine que celle-ci fait déjà face à une baisse des cours pour les jeunes bovins en raison de fortes perturbations sur les marchés européens liées au contexte sanitaire.
Il semblerait que la situation n'ait pas pu être anticipée et les éleveurs demandent donc un temps d'adaptation pour la mise en œuvre de ce nouveau règlement européen.
Il lui demande donc si le Gouvernement entend répondre favorablement à cette demande.

- page 1051


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1517, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, la loi Santé animale européenne impose désormais une évolution du protocole vaccinal aux éleveurs. Pour les broutards, ils disposent d'un délai de soixante jours, contre dix jours jusqu'à présent, entre la date de la dernière injection de vaccin et la date de la vente pour l'exportation.

Pour les animaux dont la vente est programmée en avril 2021, il fallait donc avoir réalisé tout le protocole vaccinal au plus tard le 30 janvier 2021, une date évidemment impossible à tenir. Or près de 6 200 broutards devraient être exportés en avril et en mai pour le seul département de la Haute-Vienne. En l'absence d'une telle opération réalisée dans les temps, ces ventes ne pourront donc pas être conclues, et on mesure aisément la perte pour des producteurs déjà en grande difficulté. Il semblerait que la situation n'ait pu être anticipée, et la légitime demande des éleveurs pour l'obtention d'un temps d'adaptation à ce nouveau règlement européen n'a pas été entendue. Monsieur le ministre, quelle mesure de compensation avez-vous donc prévue pour les dédommager ?

Cette situation est d'autant plus préjudiciable que la filière bovine limousine fait déjà face à une baisse des cours, en raison de fortes perturbations sur les marchés européens liées au contexte sanitaire. Si les exportations de broutards et de jeunes bovins vers l'Italie restent stables, le prix payé au producteur est en baisse : –3 % sur toute la voie mâle, et un écart d'environ 1 euro au kilogramme entre le prix payé au producteur et l'indicateur interprofessionnel de coûts de production. Cette baisse de prix annule tout le gain de revenu potentiel qu'aurait pu procurer la hausse de 40 centimes du kilogramme obtenue sur la voie femelle, entraînant de fait un revenu historiquement bas pour les producteurs en 2020.

La situation des éleveurs haut-viennois est critique, monsieur le ministre, et de très vives inquiétudes sont en train de s'installer. Quelle réponse entendez-vous leur apporter ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, vous avez abordé le problème du prix. Le prix, c'est un combat ! Nous aurons d'ailleurs tout à l'heure un débat sur l'application de la loi Égalim (loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous). Cette dernière concerne les jeunes bovins, mais pas, par définition, les broutards achetés par l'Italie. C'est en tout cas un élément structurant pour toute la filière bovine. Force est de constater que nous cherchons à faire bouger les lignes sur ce sujet.

S'agissant des cours, y compris du jeune bovin et du broutard, il ne vous aura pas échappé que, depuis maintenant plusieurs semaines, ils commencent à raugmenter de manière continue, même si c'est trop lentement à mes yeux. Je le dis clairement, c'est très largement insuffisant, mais c'est un fait. Il faut dire que nous mettons beaucoup de pression « dans le tube », si vous me passez l'expression. Il faut aller encore plus loin, vraiment, parce que nous restons à des niveaux trop bas pour rémunérer nos éleveurs.

Par ailleurs, vous m'interrogez sur la mise en place de cette loi Santé animale. Vous estimez que les inquiétudes n'auraient pas été entendues et que rien n'aurait été fait. Ce n'est absolument pas le cas. Vous pouvez d'ailleurs interroger les représentants de la filière à cet égard.

Le fait est que la France s'est battue au niveau européen pour que cette réglementation n'entre pas en vigueur au 21 avril, mais soit décalée. J'en ai parlé à de nombreuses reprises ; j'ai fait une coalition avec différents États membres ; je m'en suis entretenu avec la commissaire européenne à la santé. Dans un premier temps, l'Europe a décidé de ne pas décaler, mais nous avons fini par obtenir des mesures dérogatoires en ce qui concerne la mise en œuvre. Nous avons réussi à obtenir des protocoles, notamment avec l'Espagne, l'Italie, pour aborder la date du 21 avril de manière sereine, puisqu'il y aura une autre échéance au mois de septembre, avec des protocoles d'accord sur les vaccinations pour les exportations, en particulier vers ces deux pays.

Je peux vous dire que nous nous sommes pleinement engagés sur ce dossier, parce que, dès lors que ce texte fonctionnerait mal dans un pays européen – je n'ai pas d'inquiétude pour la France –, c'est toute la chaîne des transports qui serait bloquée. Mon combat, au niveau européen, c'était de donner de la visibilité à ce sujet pour qu'il n'y ait de problèmes de flux dans aucun État membre, avec une attention particulière portée à l'Italie et à l'Espagne. Bref, au 21 avril, nous sommes sereins, la question étant renvoyée au mois de septembre, mais nous sommes en train de nous y préparer avec la filière.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, j'entends bien e que vous dites, mais la conséquence sur la trésorerie des agriculteurs est inévitable, d'autant que, depuis 2018, le revenu des éleveurs bovins « viande » a baissé de 30 %. Les ventes de viande bovine, elles, ont progressé en 2020, mais le problème est bien que la loi Égalim n'est pas appliquée et n'a pas produit les effets positifs attendus.

Les plans d'aide d'urgence successifs, tels que celui qui a été annoncé début mars, ne suffisent plus à répondre à cette situation. Il faut garantir aux éleveurs un prix qui couvre véritablement leurs coûts de production. La nouvelle PAC ne doit pas sacrifier l'élevage allaitant, sous peine de porter gravement atteinte aux équilibres territoriaux et à notre autonomie alimentaire.

- page 3082

Page mise à jour le