Question de M. FOURNIER Bernard (Loire - Les Républicains) publiée le 11/02/2021

M. Bernard Fournier attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences importantes pour le service public d'assainissement des eaux usées de l'agglomération de Roanne que risquent d'entraîner les nouvelles réglementations relatives aux conditions de retour au sol des boues d'épuration urbaines en application de l'article 95 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, puis l'article 86 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) et de l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets. En effet, les 10 000 tonnes de boues d'épuration produites chaque année par les 35 stations d'épuration de ce territoire font l'objet d'une valorisation agricole dans le cadre de plans d'épandage pour 50 % et sous la forme de compost pour 50 %. Or, le projet de décret « relatif aux critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture » prévoit l'interdiction à compter du 1er juillet 2021 de tout épandage des boues urbaines non hygiénisées selon les critères de l'arrêté du 8 janvier 1998 ou ayant une siccité inférieure à 20 %. Par ailleurs, ce même projet de décret et celui relatif au « compostage des boues d'épuration et digestats de boues d'épuration avec des structurants » vont également imposer de très fortes contraintes sur la fabrication et la distribution des composts. Toutes ces dispositions vont entraîner d'importants surcoûts pour leur service d'assainissement. Ces surcoûts qui ont été chiffrés à 157 % du budget « boues » seront soit répercutés sur les redevances d'assainissement payées par les usagers soit amortis par une baisse drastique des programmes d'investissement. Mais au-delà de cette question financière cruciale, l'agglomération de Roanne et leur prestataire de compostage ne pourront pas répondre à ces nouvelles exigences dans les délais prévus. Ils ne possèdent ni les équipements, ni les infrastructures indispensables. Enfin, l'entrée en vigueur des nouveaux seuils envisagés notamment pour le cuivre, le cadmium ou le nickel dès le 1er juillet 2021 vont leur imposer de revoir dans les mêmes délais les conditions de déversement des eaux de plusieurs industriels, voire de les interdire. Les agriculteurs utilisent aussi des boues et composts de boues infiniment plus faibles que les engrais chimiques ou minéraux. En conséquence, il lui demande de bien vouloir prendre en compte toutes les difficultés que posent ces nouvelles réglementations sur les boues d'épuration urbaines et de lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 1512, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention et celle du Gouvernement sur les conséquences importantes, pour le service public d'assainissement des eaux usées de l'agglomération de Roanne, que risquent d'entraîner les nouvelles réglementations relatives aux conditions de retour au sol des boues d'épuration urbaines.

En effet, les 10 000 tonnes produites chaque année par les 35 stations d'épuration de ce territoire font l'objet d'une valorisation agricole dans le cadre de plans d'épandage, pour 50 %, et sous la forme de compost, pour 50 %. Or le projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture prévoit l'interdiction, à compter du 1er juillet 2021, de tout épandage de boues urbaines non hygiénisées.

Par ailleurs, ce même projet de décret, ainsi que celui qui est relatif au compostage des boues d'épuration et digestats de boues d'épuration avec des structurants vont également imposer de très fortes contraintes sur la fabrication et la distribution des composts.

Toutes ces dispositions vont entraîner d'importants surcoûts pour leurs services d'assainissement. Soit ces surcoûts seront répercutés sur les redevances d'assainissement payées par les usagers, soit ils seront amortis par une baisse drastique des programmes d'investissement.

Au-delà de cette question financière cruciale, l'agglomération de Roanne et son prestataire de compostage ne pourront pas répondre à ces nouvelles exigences dans les délais prévus, car ils ne possèdent ni les équipements ni les infrastructures nécessaires pour ce faire.

En outre, l'entrée en vigueur des nouveaux seuils envisagés notamment pour le cuivre ou le nickel, dès le 1er juillet 2021, va imposer à l'agglomération et à ses prestataires de réexaminer dans les mêmes délais les conditions de déversement des eaux de plusieurs industriels, voire d'interdire ces déversements.

En conséquence, madame la secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir prendre en compte toutes les difficultés que posent ces nouvelles réglementations, de les limiter aux exigences strictement nécessaires et de prévoir des délais compatibles avec la mise en œuvre de solutions permettant de les respecter.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fournier, l'instauration de nouvelles normes applicables aux épandages de boues ou de composts élaborés à base de boues a pour objectif d'assurer un niveau de protection homogène des sols agricoles à l'égard des contaminations, et ce quel que soit le type de fertilisation.

Ces normes trouvent leur fondement dans l'article 86 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui est de fait assez exigeante quant au niveau d'innocuité à atteindre pour permettre le retour au sol de ces boues.

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, responsable de l'élaboration des normes de qualité des matières destinées à l'épandage et des procédures d'épandage, a soumis à la consultation un premier projet de décret à la fin de 2020.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu son avis sur le sujet le 28 janvier dernier ; il est assorti de certaines recommandations dont la faisabilité devra être évaluée par le ministère chargé de l'agriculture, qui sera sans doute amené à proposer un projet amendé de décret.

Par ailleurs, aux termes de l'article 86 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, un décret doit préciser les conditions dans lesquelles les boues d'épuration peuvent être traitées par compostage, seules ou conjointement avec d'autres matières.

Un premier projet de décret a reçu un avis défavorable du Conseil national d'évaluation des normes le 4 février dernier, compte tenu des difficultés que les collectivités locales et les exploitants de station d'épuration éprouvent à atteindre un taux de siccité des boues suffisamment élevé pour permettre les rapports proposés entre boues et déchets verts, difficultés que vous avez évoquées dans votre question.

Un nouveau projet de décret précise que les déchets verts pourront être ajoutés, à parts égales avec les boues, à partir du 1er janvier 2022 ; à compter du 1er janvier 2024, ce rapport sera abaissé à 40 % de déchets verts. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) examinera en 2026 la nécessité de réviser ces proportions en fonction des besoins de la filière de compostage des biodéchets, besoins qui auront pu alors être évalués.

Le Conseil national d'évaluation des normes a émis un avis favorable le 4 mars sur ce projet, qui a été transmis pour avis au Conseil d'État.

Je tiens enfin à vous signaler que des moyens ont été mis en place dans le cadre de France Relance : une enveloppe de 30 millions d'euros d'aide d'urgence vient aider les collectivités à prendre en charge les surcoûts liés à l'hygiénisation des boues avant épandage, nécessité rendue évidente par la crise sanitaire que nous connaissons. Cette aide doit notamment couvrir l'achat d'équipements, mais aussi de réactifs tels que la chaux. De manière plus pérenne, après la crise, les agences de l'eau pourront accompagner les collectivités dans leurs investissements.

M. le président. Je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole.

La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.

M. Bernard Fournier. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour les précisions que vous avez bien voulu nous apporter. Nous serons très vigilants dans les mois à venir.

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