Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains-A) publiée le 04/02/2021

Mme Agnès Canayer attire l'attention de Mme la ministre de la mer sur la nécessité d'un plan d'ensemble sur le devenir et le développement des grands ports maritimes (GPM), notamment en ce qui concerne la structure HAROPA (Le Havre-Rouen-Paris) et sa porte d'entrée le port du Havre.

En effet, la crise sanitaire et la succession des manifestations sociales de ses dernières années ont provoqué une marginalisation des ports français, au profit d'autres ports européens. En ce sens, le Gouvernement a évoqué, lors du comité interministériel de la mer au Havre le 21 janvier 2021, un investissement de près de 1,5 milliard d'euros.

Cependant plusieurs questions demeurent notamment sur les ambitions pour l'axe Seine. Multimodalité, fiscalité, investissement et amélioration du relai des ports avec l'hinterland, il faut des leviers à la sauvegarde et à la promotion de nos ports.

Pour exemple, les aides à l'exploitation des services de transport combiné de marchandises (« aides à la pince ») visent à réduire le différentiel de coûts entre les modes massifiés (rail, voie d'eau, maritime courte distance) et la route, induit par la rupture de charge inhérente à ce mode de transport. Elles représentent d'ores et déjà une mesure importante de l'État en faveur de l'acheminement massifié, qui y consacre près de 30M€ par an, et ont été validées dans leur principe par la Commission européenne. Mais il faut faire plus.

Les acteurs portuaires, les sous-traitants, les partenaires économiques et les élus locaux attendent une augmentation de cette aide. Il faut ainsi revoir toute la politique ferroviaire pour le fret, sans oublier la politique fluviale qui permettra la valorisation de l'alliance HAROPA.

Dans le cadre de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, l'État s'était engagé à poursuivre l'aide en faveur du transport combiné, qui représentait initialement un dispositif temporaire, pour une période de cinq ans. Une proposition volontariste consisterait à concentrer « l'aide à la pince » sur la Seine, voire de conditionner cette aide à la réalisation d'objectifs de développement durable (utilisation d'une flotte de bateaux respectant des normes environnementales, émissions globales de CO2…). Cette mesure conforterait le rôle moteur de l'axe et de l'ambition gouvernementale.

« Réarmer » nos ports dans la compétition internationale, en augmentant cette aide, est attendu par tous et est une nécessité de survie.

Le Havre et l'ensemble des ports français sont touchés par la concurrence européenne et la crise. Aussi, elle souhaite savoir précisément si le Gouvernement entend tripler cette aide et investir massivement dans le déploiement du fret et du transport fluviale.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 10/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1495, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

Mme Agnès Canayer. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! », écrivait Charles Baudelaire. Aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, la poésie rime avec les enjeux de notre société, dans une période où la mer revêt une importance stratégique à l'heure de la résilience et de la relance.

Pilier de notre autonomie et de notre liberté, le secteur maritime est capital dans le développement de notre économie, si tant est que notre activité portuaire soit structurée, performante et innovante. Or, ces dernières années, la situation de nos grands ports maritimes n'a cessé de se dégrader, du fait des conséquences de la crise sanitaire et des manifestations sociales. Malheureusement, aujourd'hui, le trafic de nos ports baisse de plus en plus au profit d'autres grands ports européens. Face à ce constat, il nous faut des plans d'action !

Il est vrai que, en 2019, l'État s'était engagé à développer l'aide en faveur du transport combiné et que, le 22 janvier dernier, lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) au Havre, le Premier ministre a annoncé un plan d'investissement de près de 1,45 milliard d'euros pour Haropa, regroupement prévu des ports du Havre, de Rouen et de Paris. Ces mesures vont dans le bon sens, mais il est indispensable de déterminer un plan d'action ambitieux pour promouvoir nos ports, véritables portes d'entrée pour l'Europe.

La massification des transports combinés constitue un autre enjeu de taille pour répondre à ceux de la compétitivité et de la transition écologique. Les aides « à la pince » et le développement de la logistique fluviale et ferroviaire sont des leviers prioritaires d'une croissance rapide du secteur maritime.

Dans le rapport « Réarmer » nos ports dans la compétition internationale, nos collègues Michel Vaspart et Martine Filleul préconisaient le triplement des aides aux transports combinés. Or, malgré une augmentation de 20 millions d'euros prévue par le plan de relance pour les « aides à la pince », nous sommes bien loin du compte pour que les ports français puissent faire face à la concurrence des ports européens.

Comment le Gouvernement envisage-t-il inciter le recours aux transports massifiés de marchandises transitant par Haropa, et donner aux ports français les mêmes armes que celles dont disposent nos voisins européens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Canayer, le Président de la République et le Gouvernement l'ont affirmé à plusieurs reprises : la France porte une ambition forte en matière de politique portuaire, maritime et fluviale !

Les actes sont là, en particulier pour l'Axe Seine. Lors du CIMer de novembre 2018, le Gouvernement avait décidé de procéder à l'intégration des ports du Havre, de Rouen et de Paris dans un établissement unique. Depuis, plusieurs jalons ont été posés et cet établissement sera créé au mois de juin prochain. Il constituera un outil au service de la compétitivité du commerce extérieur français et permettra de conforter le positionnement stratégique de l'Axe Seine dans les grands flux du transport international.

Ce nouvel établissement devra se doter d'un projet stratégique pour la période 2021-2025 – il est en cours d'élaboration –, et un programme d'investissement ambitieux de 1,45 milliard d'euros sur la période 2020-2027 doit être mis en œuvre. Ce projet consacrera une part importante au développement des transports massifiés, prévoyant de faire passer leur part de 26 % à 30 % d'ici à 2025.

Dans le secteur fluvial, Haropa, en partenariat avec Voies navigables de France (VNF), a engagé un plan de compétitivité du transport fluvial de conteneurs. Les principales actions visent à investir dans les infrastructures – modernisation des écluses, création d'un accès à Port 2000 avec le projet de la chatière, etc. –, à favoriser le développement de nouvelles liaisons et à soutenir la transition écologique de la flotte.

Concernant la multimodalité, vous soulignez l'utilité très largement reconnue du dispositif d'aide à l'exploitation des services de transport combiné, qui a été reconduit en 2018 pour une période de cinq ans et constitue, avec un budget annuel d'environ 27 millions d'euros, un engagement significatif. Cette aide a vocation à encourager un large report modal pour les flux issus des ports et les flux terrestres continentaux. Fort de ce constat et au vu des enjeux, le ministre des transports a décidé d'augmenter le niveau de cette aide dès cette année, avec un dimensionnement de la mesure et des arbitrages qui seront rendus très prochainement.

Cette mesure, comme plus globalement la politique que nous défendons, permettra de renforcer l'attractivité de nos ports français et du secteur maritime. Près de 400 millions d'euros sont d'ailleurs affectés dans le plan de relance. Enfin, la stratégie nationale portuaire présentée lors du CIMer de janvier 2021 fixe des objectifs très ambitieux, notamment pour faire des ports maritimes et des canaux de l'hinterland des atouts pour nos territoires. Nous y sommes déterminés !

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. On sent aujourd'hui un élan en faveur des ports français, et une prise de conscience des enjeux pour notre pays.

Même si des investissements majeurs sont prévus, le coût des transports, notamment fluviaux, reste pour nous plus élevé que dans les autres pays européens. Tant que nous ne bénéficierons pas d'aides à la hauteur des 150 millions d'euros qui sont alloués au port d'Anvers, nous aurons beau développer tous les investissements que nous voulons, nous ne serons jamais au même niveau que les autres plateformes européennes, qui continueront à capter le trafic des conteneurs.

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