Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 28/01/2021

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le refus d'examen ou d'ajournement des dossiers relatifs à la reconnaissance de pertes de récolte sur les fourrages présentés par le conseil national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) suite à la sécheresse de 2020. Cette fin de non-recevoir suscite de l'incompréhension chez les éleveurs bovins qui font face à une troisième sécheresse consécutive, à une disparition de 2 000 éleveurs chaque année et dont le revenu est en baisse de 25 % pour 2020. De plus, ils constatent que les états généraux de l'alimentation sont un échec dans leur secteur, et qu'il n'a pas été tenu compte des engagements pris pour permettre aux éleveurs de vendre leurs produits au juste prix afin de couvrir leur coût de production. En conséquence, il lui demande quelles sont les réponses qu'il entend apporter à la filière bovine.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/07/2021

Suite à la sécheresse intervenue sur l'année 2020, 27 demandes départementales au titre des pertes de récolte sur fourrages ont été examinées en comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) le 18 février 2021. Parmi celles-ci, 24 ont fait l'objet d'un avis favorable en tout ou partie, pour 74 millions d'euros (M€) d'indemnisation prévisionnelle. La procédure du régime des calamités agricoles relative aux pertes de récolte sur fourrages est toujours subordonnée à l'application de trois critères cumulatifs : une sécheresse exceptionnelle d'au moins trois mois consécutifs, une production moyenne des prairies inférieure d'au moins 30 % à la moyenne olympique des cinq dernières années, et un déficit de fourrage pour nourrir le bétail d'au moins 900 unités fourragères par équivalent vache laitière. Si des différences peuvent être ressenties par les acteurs sur le terrain, ces évolutions relèvent des conséquences du changement climatique sur la moyenne olympique quinquennale après les sécheresses consécutives des trois dernières années. Cette succession d'événements a réduit la référence historique à laquelle doit être comparée la production de l'année 2020. La France ne peut pas déroger à l'application de cette moyenne quinquennale établie par la réglementation européenne. Cette règle, perçue comme contraignante, s'explique par la nécessité de comparer l'impact de l'aléa à un potentiel de production historique réaliste tenant compte de l'effet du changement climatique, et non pas à des rendements espérés qui ne seraient plus accessibles. L'analyse du ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'est nullement motivée par des considérations budgétaires, mais uniquement par la nécessité de respecter strictement les règles européennes, sans quoi la France s'exposerait à une remise en cause du dispositif, ce que personne ne souhaite. Il n'en demeure pas moins que ces règles suscitent de plus en plus d'incompréhensions sur le terrain. La recrudescence d'événements climatiques majeurs pose la question d'une refonte de tels dispositifs d'indemnisation, mais aussi celle de l'adaptation nécessaire des territoires à cette nouvelle réalité due au changement climatique. Une mission a été confiée au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux afin de préparer un retour d'expérience portant sur le traitement des reconnaissances de l'état de calamité agricole pour les sécheresses sur prairies récemment examinées par le CNGRA. Cette mission permettra de nourrir la réflexion sur une refonte rapide des calamités agricoles en complément du renforcement de l'outil assurantiel et de la prévention sur lesquels le ministère travaille, en lien avec les professionnels, dans le cadre du Varenne agricole de l'eau et du changement climatique. Sur ce dernier point, 100 M€ sont mobilisés dans le cadre du plan de relance, pour subventionner l'investissement des agriculteurs dans du matériel de protection face aux aléas climatiques. Cette enveloppe a été doublée par le Premier ministre dans le cadre du « plan gel ». Par ailleurs, les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont une préoccupation constante du Gouvernement. Il en va en effet de la souveraineté alimentaire du pays. Issue des états généraux de l'alimentation (EGA), qui avaient fait l'objet d'un consensus rare, la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, votée en 2018, a constitué une avancée notable pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne alimentaire. Elle a notamment permis d'inscrire, dans les pratiques, de nouveaux modes de négociations en inversant la construction du prix. Ce nouveau paradigme a permis une évolution majeure : changer l'état d'esprit des relations existantes le long de la chaîne alimentaire en impulsant une dynamique collective inédite. Cette loi a donné des premiers résultats encourageants, notamment dans la filière laitière. Ainsi, l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM a contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs. Même si la crise sanitaire a impacté les prix en 2020, en 2019, le prix du lait payé aux producteurs est ainsi resté au-dessus du prix de 2018 tout au long de l'année. En particulier, grâce aux dispositions de la loi EGALIM, la baisse saisonnière des prix du lait observée chaque année au printemps lors de la période du pic de production a été très limitée. De manière générale et malgré des différences entre filières, la déflation des prix d'achat en grandes et moyennes surfaces a été stoppée, en particulier sur les produits à forte composante agricole même si la crise sanitaire et économique qui a marqué l'année 2020 a fragilisé la filière alimentaire, notamment par une réduction très forte de certains débouchés (restauration hors domicile notamment). En outre, les interprofessions ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des plans de filières incluant des indicateurs de référence, même si ceux-ci sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Une première évaluation des dispositions expérimentales concernant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions si elle n'a pas permis d'aboutir à ce stade à des conclusions définitives, montre néanmoins que ces dispositions n'ont pas augmenté les prix aux consommateurs, malgré les craintes initiales des associations de consommateurs. De nouvelles évaluations seront produites en octobre 2021 et octobre 2022. À l'occasion du cycle annuel de négociations commerciales 2021, la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se sont fortement mobilisés et ont appelé à la responsabilité et à l'engagement des distributeurs. Ainsi, les comités de suivi des relations commerciales ont permis de constater que l'action du Gouvernement avait permis des avancées en matière de négociations commerciales, même si les hausses passées, notamment en matière de produits à forte composante agricole, auraient pu au regard de la forte augmentation des coûts de production, être supérieures. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été intensifiés durant cette période de négociations commerciales. Ils ont démontré que certaines dispositions de la loi n'étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. Certaines enquêtes sont d'ailleurs toujours en cours pour vérifier notamment la caractérisation de prix anormalement bas, notamment dans le secteur de la viande de porc. Une adresse de signalement (signalement@agriculture.gouv.fr) des prix paraissant très bas au regard des coûts de production ou présentant un étiquetage sur l'origine défectueux a été mise en place sur ce sujet afin de faciliter l'identification de ces cas. Les pratiques commerciales déloyales sont plus que jamais sanctionnées comme en témoignent l'action judiciaire engagée contre une centrale de référencement internationale (amende demandée de 150 M€) et la sanction administrative de 425 000 euros prononcée contre une grande enseigne pour le non-respect de règles d'encadrement des promotions en valeur. Par ailleurs, le médiateur des relations commerciales agricoles a été largement mobilisé dans le cadre de ces négociations commerciales et son action a permis de débloquer cinq fois plus de dossiers qu'en 2020. Afin de faire vivre l'esprit des EGA et de proposer des recommandations permettant d'améliorer la mise en œuvre de la loi EGALIM, les ministres ont confié une mission à M. Serge Papin, ancien co-président de l'atelier 5 des EGA sur la répartition de la valeur et directeur général du groupement système U. Le rapport de mission a été rendu le 25 mars 2021 et vise en particulier à renforcer la marche en avant de la construction du prix, la transparence dans les relations commerciales et le dispositif de médiation. S'appuyant sur ces recommandations mais aussi sur des travaux parlementaires, notamment dans le cadre de la commission de l'assemblée nationale sur la grande distribution, le député Grégory Besson-Moreau a déposé une proposition de loi le 15 avril 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Cette proposition met en lumière un certain nombre de principes forts : contractualisation obligatoire et pluriannuelle, traçabilité du prix de la matière première agricole d'un bout à l'autre de la chaîne alimentaire ainsi que sa non-négociabilité au sein des contrats suivants, inclusion des clauses d'indexation ou encore renforcement de la médiation par la création d'un comité des différends comme de l'indication de l'origine. Le Gouvernement soutient le contenu de cette proposition de loi.

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