Question de M. JANSSENS Jean-Marie (Loir-et-Cher - UC) publiée le 28/01/2021

M. Jean-Marie Janssens attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le « plan pollinisateurs » et ses conséquences pour les agriculteurs français et sur les productions végétales en France. Suite à une recommandation de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) du 23 novembre 2018 sur « l'évolution des dispositions réglementaires visant à protéger les abeilles domestiques et les insectes pollinisateurs sauvages », le Gouvernement a annoncé son souhait de réviser l'arrêté du 28 novembre 2003, dit l'arrêté « abeilles ». Cet arrêté prévoit que les traitements insecticides ou acaricides sont interdits pendant les périodes de floraison et de production d'exsudats (miellat). Or, le plan « pollinisateurs » proposé par le Gouvernement prévoit d'étendre progressivement cette mention « abeilles » à tous les fongicides et herbicides, pour limiter l'impact des traitements sur les insectes pollinisateurs. Cette révision de l'arrêté pourrait considérablement réduire les possibilités de traitement en période de pollinisation. Ces nouvelles mesures pourraient conduire à une interdiction de traiter en journée en période de floraison. Le plan pollinisateurs prévoit également de durcir les processus d'obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM). Interdire tous les traitements phytosanitaires (insecticides, fongicides, éclaircissants, herbicides) pendant la période de floraison, que ce soit en agriculture conventionnelle ou en agriculture biologique, aurait de graves conséquences sur les productions végétales en France et sur l'avenir de milliers d'exploitations. En effet, afin de garantir les récoltes, des traitements doivent être effectués au moment de la floraison comme par exemple, la tavelure, les monilioses ou même l'éclaircissage en arboriculture. Des traitements doivent également être effectués lorsque la floraison est étalée comme dans les cultures maraîchères et légumières. Si aucun traitement n'est effectué, aucune récolte ne peut être garantie. Enfin, certaines cultures comme la vigne ne sont pas mellifères, les abeilles ne sont donc pas présentes au moment de la floraison. Empêcher les viticulteurs de travailler au moment de la floraison apparaît donc inutile. Le plan « pollinisateurs » présentent en outre des dérogations dont on peut questionner les fondements scientifiques et la soutenabilité pour les exploitants. Réduire les délais de traitement nécessite une montée en capacité matérielle et humaine que la plupart des exploitants ne peuvent assumer financièrement. Aux impasses techniques, s'ajoute la menace bien réelle d'une distorsion de concurrence vis-à-vis des autres pays de l'Union européenne non soumis à ces normes. La protection des abeilles est une priorité, mais il apparaît clairement que les produits phytosanitaires correctement appliqués ne sont pas responsables de la mortalité des abeilles. La mise en place d'un tel plan de sauvegarde des abeilles ne doit pas se faire au détriment de nos agriculteurs. Au contraire, il convient de chercher activement les moyens réellement efficaces de protéger les abeilles et de cesser de désigner les agriculteurs comme les responsables du problème apicole. Aussi il souhaite savoir quelle place sera laissée aux agriculteurs français dans la concertation pour mettre en place des mesures bénéfiques au plus grand nombre.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 30/09/2021

La préservation des pollinisateurs constitue un enjeu majeur pour garantir la pollinisation nécessaire pour garantir des productions végétales diversifiées et de qualité, pour maintenir l'autonomie alimentaire nationale et pour préserver la diversité des espèces animales et végétales essentielle aux équilibres des écosystèmes. Le 28 juin 2021, une consultation du public sur un plan d'actions en faveur des pollinisateurs domestiques et sauvages a été lancée pour une durée de trois semaines. Ce plan contient un nombre important de mesures concrètes visant à enrayer le déclin des insectes pollinisateurs sauvages et les pertes de colonies d'abeilles mellifères, et ambitionne de restaurer les services agricoles et écologiques rendus par la pollinisation. Le plan d'actions prévoit également la révision de l'arrêté du 18 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. Le projet d'arrêté est soumis à la consultation du public de manière concomitante au projet de plan d'actions. Il est par ailleurs notifié à la Commission européenne au titre de la directive (UE) 2015/1535 relative aux règles techniques. Cette nouvelle réglementation vise à renforcer la protection des pollinisateurs lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques en privilégiant les périodes d'absence des abeilles sans imposer aux agriculteurs de travailler de nuit. Elle s'appuie sur deux avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (voir sur le site de l'ANSES : https://anses.fr/fr/system/files/PHYTO2018SA0147.pdf et https://anses.fr/fr/system/files/PHYTO2019SA0097.pdf) et sur les travaux d'un groupe de travail associant différentes parties prenantes (représentants des filières agricoles et apicoles, instituts techniques et scientifiques, associations de défense de l'environnement et administrations) qui a été réuni à plusieurs reprises en 2019, 2020 et 2021. Le nouvel arrêté prévoit des conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques plus protectrices pour les pollimisateurs, notamment en étendant à toutes les familles chimiques de l'obligation d'évaluer spécifiquement les risques pour les pollinisateurs en cas d'application en période de floraison, aussi bien pour les produits actuellement autorisés que pour les nouvelles autorisations, et en encadrant l'application des produits lorsqu'elle est autorisée en période de floraison. En parallèle, la France suit très attentivement les travaux engagés au niveau européen pour réviser le document guide de 2013 de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour l'évaluation des risques pour les abeilles liés aux produits phytopharmaceutiques (voir sur le site de l'EFSA : https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/3295). Lors de la réunion des ministres européens de l'agriculture du 28 juin 2021, les États membres se sont accordés pour fixer un nouvel objectif de protection des abeilles correspondant à une diminution maximale de 10 % de la taille des colonies suite à un traitement phytopharmaceutique, ce qui correspond à une division par plus de deux du seuil actuel. Sur cette base, l'EFSA va finaliser la révision du document guide, qui sera soumis à la consultation du public à l'automne. Son entrée en application est prévue en 2023, ce qui permettra une évaluation des risques plus complète qu'à l'heure actuelle, non seulement pour les abeilles domestiques mais également pour les bourdons et les abeilles sauvages. 

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