Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 21/01/2021

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la suppression de 2 300 postes annoncée par Michelin à l'horizon 2024.
En effet, le 6 janvier 2021, la direction de Michelin annonçait un plan de suppressions d'emplois de 2 300 postes, dont 1 200 dans l'industrie. Ce plan fait suite à une succession de licenciements depuis le début des années 1990. L'entreprise, qui comptait plus de 50 000 salariés au début des années 1980, en comptera à l'issue de ce plan moins de 17 000.
Après avoir transféré l'usine de pneus poids lourds du site de Joué-les-Tours à La Roche-sur-Yon, Michelin a à présent décidé de fermer ce site qui compte 690 salariés sans aucune justification économique. La confédération générale du travail a alerté la ministre du travail sur cette question, mais n'a reçu aucune réponse.
En ce qui concerne les pneus d'avions, avec notamment l'usine de Bourges, le secteur de l'aéronautique connaît certes des difficultés, liées à la pandémie de la Covid-19, mais ces difficultés restent conjoncturelles.
Parallèlement, le groupe a mis en place des plateformes à l'étranger, en Roumanie avec l'externalisation du service paye, et en Inde pour l'informatique et une partie de la recherche et développement.
Il semble donc que la stratégie du groupe soit orientée vers la désindustrialisation sur le territoire national, dans l'optique de réalisation de bénéfices à court-terme et non d'une véritable stratégie industrielle.
Or, il convient de rappeler que Michelin a bénéficié de centaines de millions d'euros aux titres du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), du crédit d'impôt recherche (CIR), et de subventions, et a également bénéficié du chômage partiel pour ses salariés pendant la crise, allant par ailleurs jusqu'à verser 350 millions d'euros à ses actionnaires.
Il est donc fort à craindre que ces suppressions de postes jusqu'en 2024 ne soient qu'une étape dans la désorganisation de la filière française. L'entreprise opère déjà à l'heure actuelle en flux tendu, et il est difficile d'imaginer qu'avec moins d'employés, elle sera davantage compétitive.
Michelin n'est malheureusement pas la seule entreprise dans la branche du caoutchouc à procéder de la sorte, et les exemples se multiplient ces derniers mois, telles les 1 000 ruptures conventionnelles chez Hutchinson ou la fermeture de Bridgestone Béthune avec ses 863 salariés.
Il souhaite donc savoir ce qu'il va advenir de cette branche du caoutchouc, et tout particulièrement des salariés dont l'emploi est menacé au sein de l'entreprise Michelin.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 30/09/2021

Les volumes de production de l'industrie du caoutchouc, après avoir enregistré un point haut en 2017, se contractent depuis 2018. En 2019, la décroissance des volumes a concerné 40 % des entreprises. Cette contraction s'est accélérée à partir de la mi-mars 2020 avec les mesures de confinement strictes prises sur notre territoire. Ces mesures ont conduit à une mise à l'arrêt, pour une période de plusieurs semaines, de nombreux sites de production d'automobiles ou d'avions, ainsi que des pneumatiques, de pièces techniques ou d'articles grand public en caoutchouc. Ainsi en avril 2020, la production de pneumatiques et d'autres articles en caoutchouc enregistrait en France une contraction de plus de 80 % par rapport à la même période de 2019. En cumul sur 2020 le recul est de près de 40 %. De manière plus structurelle, le marché du pneumatique poids lourds est soumis à la fois à une forte concurrence, notamment chinoise qui représente aujourd'hui 30 % de parts de marché en Europe, et à une évolution de la demande qui se déplace de produits premium vers des produits d'entrée de gamme. Entre 2010 et 2018 la part de marché des pneumatiques premiums poids lourds en Europe est passée de 59 % à 49 %. Concernant les pneus tourisme et camionnette, en 2019, un pneu sur deux vendu en France était importé, contre un sur quatre en 2010. De plus, l'année 2020 aura été marquée par une baisse du marché européen des pneus de 15 % (vs 2019) pour les véhicules légers. Or, en termes de structure, la valeur des importations et exportations de pneumatiques est logiquement dominée par les enveloppes pour véhicules légers : 63 % des importations et 58 % des exportations en 2019. La crise de la COVID-19 a renforcé ces tendances. Sur la base des projections actuelles, il ressort que l'année 2020 aura été marquée par une baisse du marché européen des pneus de 15 % par rapport à 2019) pour les véhicules légers et de 17% pour les pneus poids-lourd. Dans ce contexte, Michelin a annoncé le 26 janvier dernier une restructuration concernant 2 300 emplois tout en affirmant sa volonté de co-construire ce projet avec les partenaires sociaux et en souhaitant que cette restructuration se fasse dans le cadre d'un dialogue social avec les institutions représentatives du personnel (« IRP ») et les salariés notamment en France. Michelin a conduit un diagnostic dès 2019 pour trouver des leviers d'amélioration de productivité et de compétitivité, dont les résultats ont été présentés aux IRP. Un travail de rationalisation et de la responsabilisation des sites, a été effectué par le biais d'accords de compétitivité sur chacun des sites. Le groupe annonce un projet de suppressions de postes uniquement basé sur le volontariat et sans départ contraint. Il est envisagé 60 % de départs anticipés à la retraite et 40% de départs volontaires de l'entreprise. Les négociations ont débuté en janvier 2021 avec un accord-cadre de gestion des emplois et des parcours professionnels (« GEPP ») et une rupture conventionnelle collective (« RCC ») afin de gérer ces départs sur 3 ans. De plus, la RCC sera négociée annuellement pour s'assurer de la robustesse des leviers choisis. Pour les départs à la retraite, la RCC 2021 a été ouverte à compter de juillet et prévoit le rachat de trimestres et une dispense d'activité jusqu'au départ. Le 7 juin, les organisations syndicales régionales (CFDT, CFE-CGC et SUD) ont signé l'accord majoritaire unanime valant RCC 2021 (expirant au 31 décembre 2021) et qui prévoit un nombre maximal de départs envisagés égal à 684 (538 en pré-retraites volontaires et 146 en mobilités externes volontaires). Le 14 juin, la DREETS a validé l'accord majoritaire valant RCC de Michelin. L'Etat est particulièrement attentif à la manière dont le groupe aborde sa restructuration, à la qualité de la concertation avec les organisations représentatives du personnel. L'État s'assurera aussi que Michelin respecte ses obligations en matière de revitalisation du territoire et d'avenir des sites concernés. Les services de l'Etat, au niveau central, et localement sous l'autorité des préfets concernés, suivent la situation au plus près et des points d'avancement sont effectués régulièrement avec la direction de Michelin. Simultanément, Michelin met en œuvre une politique volontariste de développement d'activités nouvelles à forte valeur ajoutée en France, liées à la transition énergétique. Il maintient aussi une politique active en matière de formation pour préparer aux métiers de demain. Dans ce cadre, la France reste le socle principal de la recherche du groupe et la base de lancement pour les activités de diversification de Michelin. Ainsi, en janvier 2021, Michelin, à travers Symbio, sa joint-venture avec Faurecia, a posé la première pierre de la future usine de production de piles à hydrogène à Saint-Fons. A terme, ce projet pourrait générer plusieurs centaines d'emplois et contribuer à faire de Michelin et de la France un leader mondial dans le secteur de l'hydrogène. De plus, Michelin souhaite s'engager en France dans l'industrialisation de la technologie de rupture de recyclage des matières plastiques conçue par la société canadienne Pyrowave avec laquelle le Groupe a signé dernièrement un partenariat stratégique. Enfin, Michelin prévoit la création d'ici 2024 d'un pôle d'excellence industrielle à Cataroux (Clermont-Ferrand), fédérant une communauté d'acteurs publics et privés pour bâtir un lieu unique et attractif autour de thématiques porteuses pour le tissu économique, éducatif et culturel du territoire. Michelin annonce une cible de croissance de 5 % par an à partir de 2023, grâce notamment à ces diversifications d'activités hors de son métier historique des pneumatiques. Cela représente une ambition d'environ 34 Mds€ de chiffre d'affaires (CA) à la fin de la décennie, contre environ 24,5 Mds€ estimés en 2023. Les services locaux de l'Etat entretiennent un contact régulier avec les différents sites afin de suivre leur dynamique et les projets, en lien avec la pérennité de l'activité du groupe Michelin.    

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