Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 14/01/2021

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des mineurs non accompagnés (MNA) lorsqu'ils arrivent à l'âge de la majorité à la suite de l'affaire du « boulanger de Besançon », en grève de la faim pour soutenir son jeune apprenti menacé d'expulsion.

En France, de nombreux jeunes arrivés mineurs sur notre territoire, souvent après des parcours difficiles et douloureux, manifestent un courage exemplaire pour surmonter leurs malheurs, se former, travailler…

À leur arrivée en France, leur minorité est scrutée à la loupe par les conseils départementaux et près d'une demande de prise en charge sur deux est rejetée. Ainsi, la Cour des comptes a récemment dressé un panorama « critique » de leur prise en charge qu'elle décrit comme éloignée des objectifs attachés à la protection des enfants. Selon elle, les conditions d'évaluation de la minorité et d'isolement s'avèrent très hétérogènes selon les territoires et soulève la question de l'égalité d'accès au droit.

Quand ils atteignent leur majorité, une deuxième épreuve les attend. Car, même si leur identité a été reconnue au départ par un juge des enfants, leurs documents d'état civil sont régulièrement contestés, malgré leur validation par les autorités de leur pays d'origine. C'est ainsi que des jeunes formés, qualifiés et insérés sont expulsés ou se retrouvent réduits à la clandestinité.

En écho à la Cour des comptes, les associations de défense de droits de l'homme demandent donc une amélioration de la prise en charge des mineurs isolés arrivant en France, dans le respect des droits de l'enfant et telle qu'énoncée par la convention internationale pour les droits de l'enfant. Elles souhaitent également que les mineurs engagés dans un parcours de formation initiale ou d'apprentissage, qu'ils aient été ou non pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, bénéficient d'un titre de séjour au moment de leur majorité.

Par conséquent, il lui demande de quelle manière il entend répondre aux associations et aux recommandations formulées par la Cour des comptes en octobre 2020 pour améliorer la prise en charge, dans le temps, de ce public fragile.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 15/04/2021

Au sein de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse du Ministère de la justice, la Mission mineurs non accompagnés (MMNA) a activement participé à l'élaboration d'un guide à destination des professionnels, publié le 23 décembre 2019, relatif aux bonnes pratiques en matière d'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Ce référentiel a pour objectif principal d'améliorer et d'harmoniser les pratiques des services d'évaluation des conseils départementaux afin de garantir une meilleure prise en compte de la situation de ces mineurs. Ainsi, la MMNA accompagne ce guide dans toutes les instances auxquelles elle participe. Dans ce même objectif, le centre national de formation de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'école nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) organisent conjointement et alternativement des sessions de formation à destination des professionnels, en charge de l'évaluation au sein de conseils départementaux ou des associations. De plus, la MMNA travaille en étroite articulation avec la Direction Générale de la Cohésion Sociale. Le cas échéant, elle l'informe des alertes portées à sa connaissance et qui relèvent de la méconnaissance ou de l'insuffisance de référence au guide. Concernant les autorisations provisoires de travail, elles sont octroyées de droit pour tout mineur souhaitant entrer en apprentissage, puisqu'autorisé à séjourner sur le territoire du fait de sa minorité, jurisprudence bien établie du Conseil d'Etat du 15 février 2017 n° 407355, sans aucune autre condition que la présentation d'un contrat d'apprentissage et des documents établis par l'employeur. La circulaire d'instruction du Ministère de l'Intérieur en date du 21 septembre 2020, relative à l'examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE), vise à éviter des ruptures de droits au passage à la majorité des jeunes alors qu'ils sont engagés dans un parcours professionnalisant. Certaines préfectures ont mis en place des partenariats avec les services de l'aide sociale à l'enfance en vue d'anticiper l'examen du droit au séjour des mineurs plusieurs mois avant leur majorité. Cette circulaire a pour objet de systématiser cette pratique. Une appréciation globale de la situation du jeune (y compris de l'insertion) sera effectuée par la préfecture en tenant compte de l'avis de l'aide sociale à l'enfance. À l'issue de cet examen, le conseil départemental sera informé par écrit des conclusions sur le droit au séjour du mineur étranger. Le Ministère de la Justice informe systématiquement le Ministère de l'intérieur des situations portées à sa connaissance, relevant de sa compétence et pour lesquelles son intervention auprès des préfectures serait pertinente dans l'intérêt supérieur du mineur. A ce titre, une sollicitation du Ministère de l'intérieur et notamment de la direction générale des étrangers en France permettrait de compléter utilement la réponse du Ministère de la Justice. En conclusion, le Ministère de la Justice garantit sa détermination à œuvrer pour ce public et à favoriser l'intégration de ces jeunes dans notre société.

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