Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 28/01/2021

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Sur la réforme de la formation des élus.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique prévoyait de réformer la formation des élus pour améliorer les conditions d'exercice des mandats et renforcer les compétences des élus pour les exercer. Cette réforme, faite par ordonnance, était censée améliorer les conditions d'exercice du mandat local, les élus ayant été identifiés, à juste titre, comme essentiels au fonctionnement de la Nation, à la relance et à la gestion de la crise par le Premier ministre. Telle était la volonté de la représentation nationale.

Toutefois, la réforme semble avoir pris un tournant absolument contraire à l'objectif initialement recherché. Le projet du Gouvernement prévoit non pas de sécuriser ces droits mais de les réduire. En effet, là où les élus ont aujourd'hui des droits calqués sur la formation professionnelle, il est désormais prévu de réduire drastiquement ces droits pour leur attribuer une seule journée de formation par an, là où plusieurs seraient nécessaires pour maîtriser les sujets des finances locales, de la démocratie participative, de l'urbanisme, du fonctionnement des intercommunalités, des règlementations des communes, de la relation avec les citoyens...

Ainsi, le budget lié à la formation passerait de 2000 euros par an reconductible à 700 euros non reconductible. Il est en outre prévu de poursuivre la gestion du sytème par la caisse des dépôts, alors même que celle-ci absorbe 23 % du budget alloué à la formation des élus en frais de gestion. À ce jour, le budget pour la formation de l'ensemble des élus français est équivalent à celui mobilisé pour 80 élèves à l'école nationale d'administration (ENA). Cette baisse du budget est justifiée par le Gouvernement par le fait qu'il est financé par un prélèvement sur les indemnités des élus. Or, nombre d'élus ne disposent pas d'indemnité. Toutefois, baisser le budget n'est pas la solution, et il est en revanche nécessaire de réformer le financement de la formation des élus pour assurer un maintien de celui-ci.

Les élus ne peuvent être relégués au second rang. Ils sont le visage de proximité de la République et doivent être accompagnés dans leurs fonctions. Aussi, il lui demande d'abandonner cette baisse du buget de formation des élus, absolument contraire à l'esprit de la loi engagement et proximité votée par le Parlement et de repenser en profondeur cette réforme. Il le prie de lui indiquer quelles solutions pourraient être envisagées à la place, qui permettraient le maintien d'un budget correct, ainsi que la création d'un système solide et pérenne de financement de la formation professionnelle des élus.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1483, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, ma question, qui concerne la réforme de la formation des élus locaux, avait été déposée fin janvier à la suite de la publication des ordonnances portant sur ce dossier ; depuis, la situation a évolué.

La fin du cumul des droits à la formation sur l'ensemble du mandat, le passage d'un calcul des droits en heures à un calcul en euros, la baisse des droits à la formation de 2 000 euros à 700 euros par an, ou encore le maintien de la gestion du système par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en dépit de ses frais de gestion mirobolants faisaient partie des points de tension ayant entraîné la colère de nombreux élus.

Fort heureusement, la commission des lois du Sénat a depuis retravaillé en profondeur les ordonnances, trouvant une solution plus équilibrée et respectueuse du droit à la formation des élus. Madame la ministre, vous avez été ouverte aux propositions formulées par le Sénat, et je vous en remercie.

Toutefois, la vigilance doit rester de mise sur deux points.

D'une part, vous avez indiqué que le Gouvernement partageait la volonté du Sénat de réduire les frais de gestion de la CDC. La dématérialisation du droit individuel à la formation des élus (DIFE) devrait y contribuer. Mais avez-vous identifié d'autres solutions allant en ce sens ?

D'autre part, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité d'un réel contrôle des agréments et des sous-traitances. Il est bien d'avoir créé une procédure de retrait de l'agrément en cas d'abus et une interdiction des sous-traitances de second rang, mais encore faut-il qu'un réel contrôle du respect des obligations incombant aux organismes soit mis en œuvre. Car, nous le savons, ce sont majoritairement les abus de certains organismes de formation qui nous ont forcés à réformer le DIFE, ce dont les élus pâtissent aujourd'hui.

Madame la ministre, vous engagez-vous à véritablement contrôler les rapports annuels d'activité des organismes de formation ?

Enfin, je souhaite souligner un point qui n'a, me semble-t-il, pas été abordé lors des débats de la semaine passée. Oui, le budget du fonds DIFE était déficitaire et nécessitait d'engager des fonds publics, ce qui justifiait un rééquilibrage. Mais il faut relativiser le coût que la formation des élus représente pour l'État. Car des élus bien formés, ce sont des politiques locales vertueuses sur le long terme, ainsi que des investissements bien choisis et utiles. Et ce sont aussi des recours contre des décisions des collectivités, donc des frais judiciaires, en moins !

Les conséquences budgétaires sur le long terme d'un défaut ou d'une mauvaise formation des élus, s'il était possible de les calculer, seraient – j'en suis certain – bien plus élevées pour l'État que les coûts liés à la gestion du fonds DIFE. Alors oui, il fallait réformer pour stopper les dérives, mais la baisse des droits à la formation de 2 000 euros à 700 euros par an ne me semblait pas nécessaire !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur Cyril Pellevat, la réforme que nous avons engagée était absolument indispensable.

Je rappelle tout d'abord qu'il existe deux modes de financement de la formation des élus locaux. Le premier dépend directement du budget des collectivités territoriales, qui peuvent engager des dépenses comprises entre 2 % minimum et 20 % maximum du montant des indemnités allouées aux élus. Le second, c'est le DIFE.

Le fait que le projet de loi de ratification des ordonnances a été approuvé par 330 voix sur les 330 votes exprimés montre que les besoins étaient très importants.

Nous avons renforcé la formation des élus. Ainsi que vous l'avez souligné, de très utiles améliorations ont été apportées au texte par le Sénat, en plein accord avec le Gouvernement. Loin de fragiliser le droit à la formation des élus, la réforme le conforte dans tous ses aspects, qu'il s'agisse des dispositifs de financement, de l'accès à l'offre de formation ou de la qualité des formations délivrées.

Le financement de la formation par les collectivités territoriales elles-mêmes, qui est le premier pilier du dispositif, permettra à une intercommunalité de contribuer à la formation des conseillers municipaux selon des modalités très souples, sans pour autant prendre la compétence. Cela répondra notamment au besoin de soutien des petites communes, qui peinent à faire face aux demandes des élus.

Nous opérons une véritable opération de sauvetage du droit individuel à la formation des élus, dont – vous l'avez rappel頖 l'esprit a été profondément dévoyé par certains organismes de formation.

Je ne reviendrai pas sur les comparaisons, d'ailleurs hasardeuses, qui ont pu être faites avec le coût des formations dans de grandes écoles.

D'ailleurs, le Sénat ne s'y est pas trompé lors de l'examen du projet de loi de ratification, la semaine dernière. Je remercie les membres de la Haute Assemblée d'avoir saisi l'enjeu et d'avoir mesuré la responsabilité qui est la nôtre. Il faut effectivement changer de système pour éviter les dérives de certains organismes de formation indélicats ayant conduit le DIFE à un déficit de près de 11 millions d'euros en 2019 et de 23 millions en 2020.

La transformation des heures en euros était absolument nécessaire.

Enfin, c'est avec le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) que nous contrôlerons annuellement le bon fonctionnement des organismes de formation, dont l'agrément pourra, si nécessaire, être retiré.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, je vous remercie des éléments que vous venez d'apporter. Il y a évidemment eu un télescopage, puisqu'un texte a été adopté depuis que j'ai déposé ma question, au mois de janvier. Je félicite d'ailleurs mes collègues qui ont travaillé sur ce dossier, permettant de répondre à certaines préoccupations des élus. Et je salue également la souplesse dont vous avez fait preuve.

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