Question de M. PANUNZI Jean-Jacques (Corse-du-Sud - Les Républicains) publiée le 21/02/2019

M. Jean-Jacques Panunzi attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation concernant le projet d'ordonnance sur le statut coopératif agricole prévu par l'article 11 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Le projet d'ordonnance présenté le 18 janvier 2019 constitue un détricotage de ce statut en ne tenant pas compte du fait que les coopératives sont le prolongement des exploitations agricoles et que les agriculteurs sont à la fois les propriétaires et les apporteurs, conformément au principe de double qualité.

Plaquer la notion de « prix abusivement bas » au contrat d'apport coopératif, permettre un contrôle et un droit d'action du ministère de l'économie pour l'imposition d'amendes aux coopératives, ou encore dessaisir le médiateur de la coopération du profit du médiateur des relations commerciales constituent des aberrations qui rompent l'équilibre de la relation entre l'associé coopérateur et sa coopérative.

À travers le contrat coopératif, l'agriculteur a l'assurance de trouver un débouché à sa production, que la coopérative s'engage durablement à prendre en totalité.

Les coopératives agricoles, dont la mission première est d'assurer la juste rémunération des agriculteurs dans la durée et un apport de services aux meilleurs coûts, se trouvent exposées à un risque de « démutualisation », à l'opposé même du principe de solidarité sur lequel elles reposent.

La menace est réelle que la diversité des modes d'entreprendre ne soit plus reconnue et que les plus fragiles des agriculteurs soient laissés de côté. Les structures d'envergure sauront prospérer dans tous les cas. En revanche, l'affaiblissement de la coopération agricole engage l'avenir des petites ou moyennes unités agricoles qui sont pourtant la norme dans bon nombre de territoires ruraux.

Dans le département de la Corse du Sud, on dénombre près d'une dizaine de coopératives agricoles : céréalières, laitières, forestières, charcutières, viticoles, d'approvisionnement, etc. Ce modèle permet à de petits exploitants d'assurer l'écoulement de leur production, et contribue donc à pérenniser l'activité dans le monde rural, et ils le font dans un cadre coopératif tout simplement pour être plus forts et plus structurés.

Le 14 septembre 2018, le ministre de l'agriculture de l'époque s'était engagé devant l'Assemblée nationale à ce que « la rédaction du projet d'ordonnance ait lieu parallèlement à la concertation avec les parlementaires ». Or, le projet a été présenté sans que cette concertation ne soit intervenue, sans compter qu'il outrepasse le cadre de l'habilitation sur lequel s'étaient accordées les deux assemblées.

Il lui demande de suspendre et de modifier ce projet d'ordonnance qui détruit la relation coopérative-adhérent par la négation récurrente des spécificités du modèle coopératif.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 14/03/2019

Les mesures prises dans le cadre de l'ordonnance relative à la coopération agricole visent à renforcer le modèle coopératif auquel le Gouvernement est très attaché, et à lui redonner pleinement son exemplarité. Le projet, qui sera déposé très prochainement au Conseil d'État, est issu de plusieurs mois de concertation avec Coop de France, le haut conseil de la coopération agricole (HCCA) et les organisations professionnelles agricoles. Il prend en compte les échanges du débat parlementaire organisé sur la gouvernance des grands groupes coopératifs le 15 janvier 2019. L'inscription de l'interdiction de cession à un prix abusivement bas prévue à l'article L. 442-9 du code de commerce (sur la base des habilitations données par le II de l'article 17 de la loi), est introduite dans le code rural et de la pêche maritime pour l'adapter au système coopératif. En effet, la relation entre un associé coopérateur et sa coopérative, distincte d'une relation commerciale, ne peut être encadrée par le code de commerce. Toutefois, les associés-coopérateurs ne peuvent être exclus des avancées de la loi. L'interdiction du prix abusivement bas s'applique à toute entreprise et les coopératives ne peuvent être exemptées dans un souci d'utilité et d'efficacité de cette mesure. Les associés coopérateurs doivent bénéficier des mêmes protections si le prix s'écarte trop des indicateurs, notamment ceux publiés par les interprofessions. L'adaptation prévue tient compte des spécificités du secteur coopératif. Elle prévoit ainsi l'avis motivé du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ainsi que du HCCA ou l'intervention du médiateur avant introduction de l'action devant la juridiction civile compétente, et la prise en compte par le juge des spécificités des contrats coopératifs. L'ensemble des mesures liées à la transparence, au renforcement de la capacité d'action du HCCA, et à l'affirmation du rôle du médiateur de la coopération agricole permettra de renforcer la confiance dans le modèle de coopération qui est un modèle porteur d'avenir.

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