Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 17/01/2019

Mme Françoise Laborde attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur le projet de décret du Gouvernement relatif aux jeunes étrangers sollicitant une protection au titre de leur minorité.
De nombreuses associations et organisations ont lancé l'alerte sur les conséquences dangereuses de ce texte pour les conditions d'accueil des personnes concernées et la protection dont elles sont censées bénéficier. Il est vrai que l'explosion de leur nombre (25 000 en 2018) appelle à un meilleur accompagnement de la part des conseils départementaux, ainsi qu'à une révision du dispositif afin d'éviter, notamment, les présentations successives d'une même personne dans plusieurs départements.
Toutefois, faciliter une intervention préfectorale élargie et démesurée conduirait invariablement, comme le redoutent de nombreuses associations, à faire prévaloir les objectifs de lutte contre l'immigration irrégulière sur ceux de la protection de l'enfance (procédures expéditives et insuffisantes, décisions hâtives, restriction de l'accès au juge).
Or, la convention internationale des droits de l'enfant, dont la France est signataire, appelle à considérer ces jeunes d'abord comme des enfants plutôt que de les considérer d'abord comme des étrangers.
En conséquence, elle demande au Gouvernement de clarifier et de préciser les garanties apportées à la protection de l'enfance dans ce dispositif.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/07/2019

Le flux de personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) a fortement augmenté ces trois dernières années. Le nombre de personnes reconnues MNA a ainsi augmenté en proportion, passant de 5 590 en 2015 à 14 908 en 2017 pour atteindre 17 022 en 2018. La quasi-totalité des départements font part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge, qui emporte des conséquences tant sur la qualité du service rendu que sur les équipes des services de la protection de l'enfance et les finances des départements. Alerté sur les difficultés engendrées par l'augmentation du flux de MNA, le Premier ministre a confirmé le 20 octobre 2017 que l'État renforcerait son accompagnement des départements pendant la phase d'évaluation de la minorité. Une mission bipartite composée de représentants des corps d'inspection de l'État et de conseils départementaux a rendu le 15 février 2018 un rapport étayé. Sur cette base, un accord est intervenu le 17 mai 2018 entre l'État et l'Association des départements de France. Aux termes de cet accord, qui ne remet pas en cause la compétence des départements en matière de protection de l'enfance, l'État s'est engagé à renforcer son appui opérationnel et financier aux départements. Outre des efforts de régulation des flux (démantèlement des filières, fichier national, etc.), l'État a proposé une aide concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer, plus 90 euros par jour pour l'hébergement pendant quatorze jours, puis 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour. L'État apporte son plein appui aux collectivités départementales pour l'évaluation de minorité. Le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 issu de l'article 51 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a créé un traitement de données pour mieux garantir la protection de l'enfance. Il permettra d'accélérer et de fiabiliser le processus d'évaluation de la minorité et d'éviter le détournement de la protection de l'enfance par des majeurs et ainsi de mieux accueillir les mineurs en situation d'isolement. En réduisant les risques d'erreur dans l'évaluation de la minorité, ce traitement contribuera à limiter le recours systématique aux tests osseux. L'enrôlement des données biométriques des personnes se déclarant mineures dans un fichier national constituera un outil opérationnel pour identifier une personne déjà évaluée majeure et ainsi limiter les présentations successives dans plusieurs départements. Ce décret, pris en Conseil d'État, a été soumis au préalable à l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, qui a rendu un avis favorable, émettant quelques réserves qui ont pu être prises en compte. Il apporte toutes les garanties en matière de protection des données et des droits individuels. Le traitement de données permettra d'accroître la robustesse de la procédure d'évaluation et de garantir que les personnes admises au bénéfice de l'aide sociale à l'enfance sont bien mineures. Le décret instituant ce traitement prévoit d'ailleurs que les données des personnes évaluées majeures seront reversées dans l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, ce qui permettra aux préfectures d'examiner leur droit au séjour. S'agissant des personnes qui se révèlent être majeures après leur prise en charge, il est rappelé que l'établissement de la fraude fait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, les services de l'État sont mobilisés pour combattre les filières dans la mesure où elles constituent des rouages déterminants dans l'exploitation de cette catégorie d'êtres humains particulièrement vulnérables.

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