Question de Mme DEROCHE Catherine (Maine-et-Loire - Les Républicains) publiée le 17/01/2019

Mme Catherine Deroche attire l'attention de Mme la ministre du travail sur les conséquences découlant de l'absence de décret d'application relatif aux modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés évoqués à l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles. L'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles – applicable aux personnels permanents et à leurs assistants permanents responsables de la prise en charge des personnes accueillies sur le site des lieux de vie définis par le décret n° 2004-1444 du 23 décembre 2004 relatif aux conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des lieux de vie et d'accueil mentionnés au III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles – organise en effet un dispositif dérogatoire à la durée de travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et II du livre 1er de la troisième partie du code du travail, aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre. Cet article prévoit ainsi une durée de travail dérogatoire de deux cent cinquante-huit jours par an pour ces personnels. Or, plus de 10 ans après l'inscription de cet article dans la loi, la Cour de cassation a récemment jugé, le 10 octobre 2018, que l'absence de décret d'application faisait barrage à l'opposabilité de cette dérogation. Par conséquent, en cette absence, le droit commun s'applique à ces personnels, réduisant notamment le temps de travail qu'ils peuvent effectuer à dépense égale pour leur structure salariée. Revenant sur la jurisprudence en vigueur, cette situation juridique nouvelle a pour effet de déstabiliser l'équilibre économique de certaines structures associatives d'aide sociale installées et appliquant de bonne foi le dispositif dérogatoire. Au regard de l'intérêt social que revêtent ces structures, elle lui demande quel dispositif juridique elle envisage de mettre rapidement en place pour que le dispositif dérogatoire susvisé soit juridiquement fondé et pérenne.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Ville et logement publiée le 13/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2019

Mme Catherine Deroche. Ma question s'adressait à ministre du travail et porte sur les dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, qui instaure un système dérogatoire de forfait en jours destiné aux éducateurs et assistants familiaux permanents exerçant au sein des lieux de vie et d'accueil. Relevant du code de l'action sociale et des familles, les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ne leur sont donc pas applicables. Il en résulte que ceux-ci demeurent soumis à un forfait annuel de 258 jours, en application de l'article L. 433-1, modifié en 2016.

Or, plus de dix ans après l'inscription de cet article dans la loi, la Cour de cassation a récemment jugé, le 10 octobre 2018, que l'absence de décret d'application faisait barrage à l'opposabilité d'une telle dérogation.

Par conséquent, en cette absence, le droit commun s'applique à ces personnels, réduisant ainsi le temps de travail qu'ils peuvent effectuer à dépense égale pour leur structure salariée.

Revenant sur la jurisprudence en vigueur, cette situation juridique nouvelle a pour effet de déstabiliser l'équilibre économique de certaines structures associatives d'aide sociale installées et appliquant de bonne foi le dispositif dérogatoire. J'ai reçu ainsi dans mon département l'association Anjou Insertion Jeunes, qui déploie un dispositif d'accueil destiné aux enfants placés, et ce depuis vingt-huit ans.

Au regard de l'intérêt social que revêtent ces structures, je souhaite savoir quel dispositif juridique le Gouvernement envisage de mettre en place pour que le dispositif dérogatoire susvisé soit juridiquement fondé et pérenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Je me permets de répondre en lieu et place de Mme Pénicaud, ministre du travail.

Madame la sénatrice, il y a effectivement une sorte de vide juridique sur le sujet que vous évoquez ; à tout le moins, une précision juridique doit être apportée.

La situation des lieux de vie, de leurs salariés et assistants permanents pose problème depuis un arrêt récent de la Cour de cassation. Selon la Cour, l'absence de décret d'application de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles fait obstacle à l'application du régime prévu par ce texte pour ces salariés, un régime d'ailleurs dérogatoire à certains égards par rapport au code du travail s'agissant, par exemple, de la durée du travail. La Cour juge que, faute de mise en place de modalités et de suivi de l'organisation du travail des salariés par un décret, comme la loi le prévoit, l'exigence constitutionnelle de droit à la santé et au repos des salariés n'est pas assurée.

C'est la situation dans laquelle nous sommes. Il est d'autant plus nécessaire de la régler que la présence de permanents auprès des publics fragiles est une nécessité qui justifie des dérogations initialement prévues par la loi.

Vous avez donc raison de souhaiter une fondation juridique solide à ce régime dérogatoire, et singulièrement depuis l'arrêt de la Cour de cassation.

Il convient de le rappeler, la directive européenne concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, qui organise la protection des salariés en matière de durée du travail, permet des dérogations dans le droit national, notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes. D'après une analyse juridique, les activités visées par l'article L. 433-1 semblent pouvoir entrer pleinement dans ce cadre. Mais il n'en reste pas moins qu'il faut pouvoir rassurer et permettre un cadre juridique plein et entier pour que ces dispositions prévues par la loi puissent s'appliquer.

Je peux vous le certifier, les services de Mme la ministre du travail étudient sans délai les possibilités de sécuriser ce dispositif sur lequel vous alertez à juste titre le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour répondre à M. le ministre.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Il y a effectivement urgence pour nos associations – celle que j'ai évoquée emploie plus de 100 salariés dans l'ensemble du département et accueille 120 enfants –, car ce vide juridique leur crée de réels problèmes.

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