Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 06/12/2018

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur le dispositif mis en place par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
Les limites de ce dispositif ont été mises en évidence ces dernières années par différentes publications, et notamment celle intitulée « les certificats d'économies d'énergie : efficacité énergétique et analyse économique » (2014), le rapport annuel 2016 de la Cour des comptes, le rapport sur les tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en 2016 de TRACFIN, ou encore l'étude « Certificats d'économies d'énergie : une efficacité loin d'être certifiée » (février 2018) par l'UFC Que-Choisir.
Ce dispositif fait l'objet, selon le rapport de TRACFIN, d'une fraude de la part d'acteurs peu scrupuleux, notamment des réseaux criminels transnationaux, du fait d'une structure de marché opaque et complexe.
Les différentes publications susmentionnées, en particulier le rapport de 2014, questionnent le rapport coût-efficacité du dispositif. D'un point de vue environnemental, la survalorisation des estimations d'économies d'énergie par opération conduirait à ce que le dispositif ne produise pas les effets attendus en matière de consommation d'énergie.
Son efficacité doit être également évaluée au regard de l'effet d'aubaine qu'il crée. Le caractère faiblement incitatif des primes prévues pour certaines opérations au regard du coût global des travaux ou encore la méconnaissance de ce dispositif par le public laissent présager que celles-ci auraient été réalisées en l'absence du dispositif.
Le coût de ce dispositif, faible pour le budget de l'État, est à la charge des énergéticiens mais en fait répercuté sur le consommateur dans les prix de l'énergie.
Le Gouvernement estime le coût annuel du dispositif à deux milliards d'euros sur la période 2018-2020. Si l'on s'attache au prix du marché du certificat d'économies d'énergie - CEE - (cours EMMY), ce montant pourrait être plus proche des trois milliards d'euros par an et même supérieur, au regard de sa tendance à la hausse.
L'impact des certificats d'économie d'énergie sur le prix des énergies n'a jamais fait l'objet d'une évaluation. Les professionnels des industries pétrolières estiment toutefois cet impact, auparavant marginal, entre 3 et 6 centimes par litre à partir de 2018.
Une part non négligeable des dépenses du dispositif - estimée à 40 % par certains acteurs - serait absorbée par les marges des intermédiaires, les coûts administratifs liés à la gestion des dossiers ou encore les dépenses de démarchage de potentiels bénéficiaires.
Par ailleurs, la possibilité d'annuler des CEE jusqu'à six ans après leur délivrance crée une incertitude financière importante pour les obligés - plusieurs annulations intervenues en juillet 2018 portent sur des centaines de GWh Cumac - ces derniers risquant une pénalité à hauteur de 15 euros par kWh Cumac manquant, en cas de non atteinte de l'objectif triennal.
Face à cette situation, différentes évolutions du dispositif sont proposées sans remettre en question le principe d'une contribution des énergéticiens à la transition écologique : la mise en place d'une instance de régulation assurant l'efficience économique et environnementale de ce dispositif, l'instauration d'un système reposant sur le prélèvement et le reversement directe des primes aux bénéficiaires, par l'intermédiaire d'un organisme ou encore le versement direct par les obligés d'une redevance à un fond pour la transition environnementale ou aux agences de l'État actives dans ce domaine.
Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte mettre en œuvre afin de faire évoluer ce dispositif vers plus d'efficacité et de transparence, et ainsi apporter une réponse aux différentes limites, voire dérives, mises en évidences ces dernières années.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 11/04/2019

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d'énergie. Un objectif triennal est défini, puis réparti entre les opérateurs en fonction de leurs volumes de ventes. Il est assorti d'une pénalité financière pour les vendeurs d'énergie ne remplissant pas leurs obligations dans le délai imparti. Pour se voir attribuer des certificats, les acteurs éligibles doivent pouvoir prouver la réalité des actions mises en œuvre et le fait qu'ils ont contribué à leur réalisation (rôle actif et incitatif dans le déclenchement de l'opération), par exemple par l'attribution d'une prime. Ils sont néanmoins libres de déterminer la nature et les modalités de cette incitation, dans le respect du cadre réglementaire. Il leur incombe également d'informer les bénéficiaires des conditions et modalités d'obtention de l'incitation. Le dispositif des CEE fait régulièrement l'objet d'études et d'évaluations (par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Ademe, le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies, la Cour des comptes), de travaux académiques (par le Centre international de recherche sur l'environnement et le développement en 2010, EDF Recherche & Développement en 2015), mais également d'analyses dans le cadre de projets européens (notamment ENSPOL en 2015-2017). Les résultats de ces enquêtes sont positifs, et mettent en avant l'efficience du dispositif. Dans son rapport annuel de 2016, la Cour des comptes rappelle d'ailleurs qu'une évaluation quantitative de l'ADEME auprès de 4 000 particuliers et portant sur la période 2011-2014 valide l'effet qualitatif et quantitatif des CEE et notamment : le caractère réellement incitatif de la « prime » CEE dans la décision des ménages de faire réaliser des travaux ; la valeur ajoutée des CEE par rapport aux autres aides publiques ; la réalité des économies d'énergie réalisées. À ce jour, le dispositif CEE mobilise environ cent entreprises obligées, épaulées par vingt-cinq entreprises délégataires d'obligations, les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les porteurs de programmes CEE, etc. Cette mobilisation collective est précieuse, et permet de mobiliser les économies d'énergie dans tous les secteurs (résidentiel, tertiaire, industrie, agriculture, réseaux, transport) sans multiplier les dispositifs d'État. Sur la quatrième période (2018 – 2020), les actions déclenchées par les CEE mobiliseront de 8 à 10 milliards d'euros en trois ans. Elles permettront d'économiser 92 TWh chaque année pendant quinze ans, ce qui correspond à plus de 150 milliards d'euros économisés par les consommateurs (10 milliards d'euros chaque année). Par exemple, un ménage qui change une vieille chaudière fioul pour une pompe à chaleur économise en moyenne 1000 € de facture énergétique par an. En outre, cet investissement réduit la facture énergétique du pays, soutient l'investissement privé, et développe l'emploi national : l'effet macroéconomique est donc fortement positif. Il est important de souligner que les coûts de gestion du dispositif des CEE étant très faibles, la quasi-totalité des coûts supportés par les vendeurs d'énergie soumis à l'obligation sont versés sous la forme d'incitations financières aux ménages et aux entreprises qui réalisent des travaux d'économies d'énergie. Plusieurs évolutions applicables depuis le 1er janvier 2018 sont venues renforcer la lisibilité des incitations proposées aux ménages souhaitant réaliser des travaux. En particulier, un document de forme standardisée précisant la nature de l'incitation et son équivalent en euros doit être remis aux ménages en amont des travaux. Ce document fait référence au dispositif des CEE et précise les conditions d'attribution de l'incitation. Il permet au bénéficiaire de comprendre et comparer plus facilement différentes offres, qui sont présentées sous un format commun. Les primes sont souvent déduites sur la facture, ce qui en rend l'attribution immédiate, avec des primes souvent très importantes, notamment pour les ménages les plus modestes avec de plus en plus de cas de travaux à un euro. Les services du ministère de la transition écologique et solidaire, sont mobilisés pour faire évoluer le dispositif au regard des retours d'expérience, et pour accompagner les ménages rencontrant des problèmes relatifs à l'obtention de primes dans le cadre du dispositif, en les orientant vers les services adéquats de la répression des fraudes, ou en appuyant leurs demandes directement auprès des demandeurs de CEE. Dans le cadre du plan de rénovation des bâtiments, la signature commune de la rénovation « FAIRE », en cours de déploiement grâce à l'impulsion de l'Ademe et du Plan bâtiment durable, est par ailleurs l'occasion de mieux faire connaître le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), en particulier à travers les offres « coup de pouce chauffage » et « coup de pouce isolation » qui sont toutes référencées sur le site internet du ministère. Le réseau « FAIRE » pourra aussi davantage accompagner les ménages dans la voie des travaux de rénovation énergétique. La grande majorité des opérateurs du dispositif des CEE sont des entreprises sérieuses. Un certain nombre de recommandations simples permet d'éviter la plupart des offres suspectes. Avant d'accepter une offre, il est en particulier conseillé aux ménages de vérifier : que la société avec laquelle le contrat est passé est clairement identifiée ; la qualité des sites internet ou de la documentation fournie. Les sites internet doivent faire apparaître clairement la société éditrice du site, les mentions légales, ainsi que des conditions générales d'utilisation intelligibles ; la clarté des explications : les offres qui ne font pas apparaître clairement qui fournit l'incitation et dans quel cadre sont à éviter ; si l'incitation n'est pas déduite directement de la facture il faut un écrit qui explique clairement dans quelles conditions elle sera versée, par qui, dans quel délai. Si un tiers intervient dans le processus il est conseillé de vérifier avec lui que les conditions décrites sont correctes ; le sérieux et la crédibilité de l'entreprise qui propose l'incitation : l'ancienneté, la notoriété, la surface financière ou les avis des consommateurs sont des éléments utiles pour apprécier le sérieux d'une entreprise ; qu'ils ont reçu par écrit les éléments importants. Sur le plan des contrôles, les règles de délivrance des CEE ont été modifiées en 2015 pour gagner en efficacité en instituant notamment la standardisation des documents et un processus simplifié de demande, couplé à un contrôle a posteriori, et un système de sanctions. Un renforcement des effectifs chargés des contrôles a été opéré avec un triple objectif : améliorer la fluidité de l'instruction des demandes de CEE et l'information des acteurs ; accroître et moderniser le contrôle, avec un budget dédié pour des contrôles par tiers ; renforcer la recherche des fraudes, ces cas exceptionnels étant suivis et traités en lien avec les autres services de l'administration spécialisés et la justice. Depuis fin 2015, une cinquantaine de sanctions ont été prononcées, tous secteurs et motifs confondus. La valeur financière des sanctions va de quelques centaines à plusieurs millions d'euros. L'effet d'un contrôle est en outre plus large que la sanction prononcée, puisqu'en cas de manquement détecté, il est systématiquement demandé aux demandeurs de CEE de vérifier et retirer de leurs demandes de CEE passées et en cours d'instruction les opérations concernées par les mêmes manquements, ce qui les conduit à perdre le bénéfice des CEE associés à ces opérations retirées. Enfin ces contrôles peuvent être initiés jusqu'à trois ans après la délivrance des CEE. Au-delà des contrôles menés par l'administration, un contrôle systématique par un organisme de contrôle préalable à la délivrance des CEE est imposé pour certaines opérations comme l'isolation de réseaux d'eau chaude ou l'isolations de points singuliers en industrie. Une expérimentation est également mise en œuvre depuis avril 2018 sur les opérations d'isolation des combles, et depuis janvier 2019 sur les opérations d'isolation des planchers : dans le cadre d'une charte « coup de pouce isolation », les signataires s'engagent à faire contrôler de façon aléatoire 5 à 10 % des chantiers réalisés au bénéfice des ménages en situation de grande précarité énergétique par un organisme de contrôle (et 2,5 à 5 % pour les autres ménages). Les signataires de la charte « coup de pouce isolation » sont tous référencés sur le site internet du ministère e la transition écologique et solidaire. Par ailleurs, les exigences relatives aux entreprises qui se voient déléguer par un obligé la réalisation d'actions d'économies d'énergies ont été renforcées en 2018, avec l'obligation de justifier de capacités techniques et financières suffisantes pour assumer les obligations. Outre la protection des délégants, ces dispositions permettent également de prévenir les tentatives de personnes qui souhaiteraient investir le dispositif des CEE à des fins frauduleuses en tant que délégataire d'obligation d'économie d'énergie. Même si le dernier rapport de Tracfin mentionne des stratégies d'adaptation des fraudes en réponse aux évolutions du dispositif, il note par ailleurs des améliorations, ce qui prouve l'efficacité des mesures mises en place. La lutte contre la fraude continuera évidemment à s'adapter aussi pour faire échec aux nouvelles stratégies de fraude mises en œuvre. Enfin, plusieurs décisions récentes pour accroître la dynamique de réalisation d'économies d'énergie sont d'ores et déjà engagées ou en en cours de mise en œuvre : de nombreux programmes CEE ont été lancés : cela représente 130 TWhc de programmes actifs sur la 4ème période (2018-2020), soit 570 M€ ; une bonification des actions pour le remplacement des anciennes chaudières par des chaudières performantes à énergies renouvelables ou à gaz, ainsi que pour l'isolation des combles et des planchers, a été mise en place en janvier 2019 ; la validation de nouvelles opérations standardisées d'économies d'énergie ; l'ouverture du dispositif des CEE aux installations soumises au système d'échange de quotas d'émission (ETS). Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit de donner plus de visibilité au dispositif des CEE prolongé sur la décennie à venir, et de fixer, au début 2020, les objectifs de la cinquième et de la sixième période. Ceux-ci devront être ambitieux et refléter les objectifs européens et français en termes d'économies d'énergie. L'Ademe et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ont lancé deux études pour d'une part, évaluer le dispositif des CEE, et donc en tirer des pistes d'amélioration, et d'autre part, évaluer le gisement d'économies d'énergie, et donc fonder la construction des objectifs des périodes d'obligation CEE à venir. D'ici là, en réponse à une demande de plusieurs parties prenantes, la prolongation d'un an de la quatrième période du dispositif des CEE, avec une obligation totale d'au moins 2133 TWhcumac, a été soumise à la concertation de toutes les parties prenantes à l'occasion du comité de pilotage CEE du 22 février 2019. Celles-ci sont invitées à faire parvenir leurs contributions d'ici fin mars 2019.

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