Question de M. CALVET François (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) publiée le 06/12/2018

M. François Calvet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la décision de la cour administrative d'appel de Marseille, en date du 14 septembre 2018, qui a rejeté les recours déposés par le ministère de l'environnement et la société « La Provencale », le 3 mai 2016, suite au jugement du tribunal administratif de Montpellier, au motif que l'activité économique et l'emploi ne constituent pas une raison d'intérêt public majeur.

Pour rappel de procédure, les juges administratifs avaient annulé un arrêté préfectoral, du 3 février 2015, d'autorisation d'exploitation de la carrière de marbre blanc à Vingrau et Tautavel basée dans les Pyrénées-Orientales.

Pourtant, conformément aux dispositions du c du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'arrêté précité répondait parfaitement : d'une part, aux exigences environnementales - impact paysager, mesures compensatoires : en octobre 2013, une étude d'impact sur l'environnement avait d'ailleurs été déclarée recevable par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ; d'autre part, à l'existence d'un intérêt public majeur (création et développement d'emplois, besoins industriels de ce gisement…).

De plus, il relève que la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE66) s'est bornée dans son recours en annulation à déclarer que la raison impérative d'intérêt public majeur n'était pas fondée, sans donner d'arguments et sans détailler en quoi l'exploitation de ladite carrière ne répondait pas aux critères de dérogation susvisés.

De même, la fédération précitée ne détaille en rien les espèces qui seraient touchées par l'exploitation de la carrière.

Or, la particularité de cette carrière n'est plus à démontrer, notamment par la qualité exceptionnelle de son marbre blanc très pur nécessitant un savoir-faire spécifique. Surtout, l'importance économique de l'usine d'Espira, portée par la société familiale « La Provencale », a permis le développement de plus de quatre-vingts emplois stables dans un département fortement touché par le chômage et le peu d'activité industrielle.

La cessation de l'exploitation de cette carrière constituerait un mauvais signal et aggraverait la précarité économique de cette région.

En conséquence, il lui demande s'il est prêt à poursuivre devant le Conseil d'État la défense de l'exploitation de la carrière de Vingrau, comme l'avait fait en 2016 son prédécesseur, qui avait défendu l'activité de ladite carrière par l'application de la loi susvisée et conforter ainsi en l'espèce l'existence réelle et impérative d'un intérêt public majeur.

- page 6103


Réponse du Ministère auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports publiée le 23/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019

M. François Calvet. Madame la ministre, ma question concerne l'arrêt en date du 14 septembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les recours déposés par le ministère de l'environnement et par la société La Provençale contre l'annulation de l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation de la carrière de marbre blanc de Tautavel et de Vingrau.

Pourtant, conformément aux dispositions du c du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'arrêté précité répondait parfaitement, d'une part, aux exigences environnementales, impact paysager, mesures compensatoires – en octobre 2003, d'ailleurs, une étude d'impact sur l'environnement avait été déclarée recevable par la DREAL, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, et, d'autre part, à l'existence d'un intérêt public majeur : création et développement d'emplois, besoins industriels auxquels répond ce gisement.

De plus, le juge relève que l'association FRENE 66 s'est bornée, dans son recours en annulation, à déclarer que la raison impérative d'intérêt public majeur n'était pas fondée, sans donner aucun argument et sans détailler en quoi l'exploitation de ladite carrière ne répondait pas aux critères de dérogations susvisés.

De même, l'association précitée ne détaille en rien quelles seraient les espèces impactées par l'exploitation de la carrière.

Or la particularité de cette carrière n'est plus à démontrer ; la qualité exceptionnelle de son marbre blanc, très pur, nécessite notamment un savoir-faire spécifique.

Surtout, l'importance économique de l'usine d'Espira-de-l'Agly, portée par la société familiale La Provençale, a permis de développer plus de 80 emplois stables dans un département fortement affecté par le chômage et le manque d'activité industrielle.

La cessation de l'exploitation de cette carrière constituerait un mauvais signal et aggraverait la précarité économique de cette région.

En conséquence, le ministre de la transition écologique et solidaire est-il prêt à poursuivre devant le Conseil d'État la défense de l'exploitation de la carrière de Vingrau, comme l'avait fait en 2016 son prédécesseur, Mme Ségolène Royal, qui avait défendu l'activité de ladite carrière par l'application de la loi susvisée, confortant ainsi, en l'espèce, l'existence réelle et impérative d'un intérêt public majeur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Calvet, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.

Par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 mars 2014, la société Provençale SA a été autorisée à reprendre et à étendre l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de roches massives, située sur les territoires communaux de Tautavel et de Vingrau.

Les travaux d'exploitation de cette carrière ayant pour conséquence l'atteinte à des habitats ou à des spécimens d'espèces protégées ou leur destruction, une demande de dérogation a donc été déposée par la société Provençale SA.

Cet arrêté a fait l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif de Montpellier, qui l'a annulé par un jugement du 3 mai 2016.

Par un arrêt rendu le 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que le ministre d'État avait interjeté contre ce jugement.

La cour a jugé que la dérogation accordée ne pouvait être regardée comme justifiée par l'un des motifs énoncés à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, à savoir celui qui est relatif à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur.

L'examen de la condition liée à l'existence d'une « raison impérative d'intérêt public majeur » doit se fonder sur une « mise en balance » entre l'intérêt public du projet considéré et l'objectif de conservation des habitats naturels et de la faune sauvage, visé par la directive Habitats.

Le ministère considère que l'exploitation de la carrière répond bien à un intérêt public majeur.

En effet, en premier lieu, ce projet répond à la nécessité de favoriser l'approvisionnement durable en matières premières en provenance de sources européennes et à des impératifs socio-économiques liés au maintien et à la création d'emplois.

En second lieu, l'arrêté accordant la dérogation impose des mesures compensatoires ambitieuses, dont le contenu garantit le maintien dans un bon état de conservation des espèces concernées.

La dérogation autorisée par arrêté préfectoral me semble donc bien justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur.

C'est la raison pour laquelle le ministre d'État a décidé de former, à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, un pourvoi en cassation – je vous le confirme.

- page 162

Page mise à jour le