Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 15/11/2018

M. François Grosdidier attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au sujet des conséquences des défauts de paiement des factures d'eau sur les propriétaires de logements.

Certains syndicats intercommunaux des eaux ont pris pour habitude dans le cadre de l'habitat collectif privé, de se retourner en cas de défaut de paiement contre le propriétaire ou l'usufruitier de l'immeuble, alors même que chaque appartement est équipé d'un compteur individuel, propriété du distributeur d'eau qui procède à son entretien et son remplacement, et que le contrat de fourniture d'eau a été conclu entre le prestataire et chaque locataire. Dans ces cas, aucun contrat d'abonnement n'a été conclu entre le propriétaire ou l'usufruitier et le distributeur d'eau. L'immeuble n'est donc pas équipé d'un compteur général.

Les propriétaires et usufruitiers reçoivent régulièrement, lors du départ de leurs locataires, voire au cours de location, des factures d'eau des occupants ayant quitté les lieux ou encore en place mais demeurées impayées.

Même lors des périodes de vacance entre deux locations et en dehors du cas d'un impayé du dernier occupant, le distributeur peut adresser des factures aux propriétaires et usufruitiers en l'absence de toute consommation, alors qu'ils n'ont conclu aucun contrat d'abonnement des frais de distribution de l'eau et de collecte ou traitement des eaux usées.

Le distributeur continue donc à établir les factures au nom du propriétaire ou de l'usufruitier tant qu'un nouvel abonnement n'est pas souscrit.

Il lui demande de lui indiquer si une telle pratique est légale, notamment au regard des dispositions du code général des collectivités territoriales. Elle semble en tout cas incomparable avec les abonnements de fourniture de gaz et d'électricité pour lesquels de tels faits n'ont manifestement pas cours.

Il lui demande également si la pratique écrite de certains règlements de syndicats de distribution des eaux qui imposent que le propriétaire ou l'usufruitier, à défaut d'être titulaire de l'abonnement, subordonne l'entrée d'un occupant dans les lieux équipés d'un compteur à la souscription d'un abonnement d'eau, n'est pas abusive.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 13/06/2019

Le code général des collectivités territoriales (CGCT), dans son article R. 2224-19-8, stipule que « la facturation des sommes dues par les usagers est faite au nom du titulaire de l'abonnement à l'eau, à défaut au nom du propriétaire du fonds de commerce, à défaut au nom du propriétaire de l'immeuble. ». À défaut de locataire titulaire de l'abonnement, la facture d'eau peut donc être adressée au propriétaire dans le cas d'un logement collectif. Concernant « la pratique écrite de certains règlements de syndicats de distribution des eaux qui imposent que le propriétaire ou l'usufruitier, à défaut d'être titulaire de l'abonnement, subordonne l'entrée d'un occupant dans les lieux équipés d'un compteur à la souscription d'un abonnement d'eau », l'article L. 2224-12 du CGCT prévoit que « les communes et les groupements de collectivités territoriales, établissent, après avis de la commission consultative des services publics locaux, pour chaque service d'eau ou d'assainissement dont ils sont responsables, un règlement de service définissant, en fonction des conditions locales, les prestations assurées par le service ainsi que les obligations respectives de l'exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires ». Ce règlement de service doit être remis à chaque abonné, qui est la personne ayant souscrit le contrat d'abonnement d'eau. Ainsi, le règlement d'un service de distribution d'eau potable peut prévoir que les contrats d'abonnement sont obligatoirement souscrits par les personnes bénéficiaires du service, c'est-à-dire les propriétaires des immeubles ou les locataires titulaires d'un bail. Par ailleurs, plusieurs principes doivent être respectés s'agissant des droits et obligations du propriétaire et du locataire en matière de souscription d'un contrat d'abonnement d'eau. S'il s'agit d'une habitation individuelle ou d'un immeuble collectif ayant fait l'objet d'une procédure d'individualisation des contrats d'abonnement, ces derniers sont obligatoirement conclus avec l'occupant du logement, en application de l'article 93 de la loi n° 2000-1208 solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000. Dans l'hypothèse où le bien est loué, c'est donc le locataire qui souscrit le contrat d'abonnement d'eau. En effet, conditionner l'abonnement du locataire au consentement écrit du propriétaire est illicite et refuser la demande d'abonnement qui émane du locataire et non du propriétaire constitue un refus de vente proscrit par l'article L. 122-1 du code de la consommation. En outre, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques interdit les demandes de caution ou de versement d'un dépôt de garantie sont interdites pour les abonnés domestiques, en vertu de l'article L. 2224-12-3 du CGCT. Autrement dit, en cas d'impayés, la facture reste due par l'abonné. S'il s'agit du locataire, c'est à lui qu'incombera le règlement de la dette, sous réserve d'un éventuel échéancier d'apurement ou d'une remise pour les personnes en difficulté. Afin de limiter les impacts financiers pour les services de distribution d'eau potable, en raison de difficultés de recouvrement des paiements, le recours aux aides (fonds de solidarité logement, aides directes des collectivités) et l'accompagnement des foyers dans les démarches permettant d'en bénéficier doivent être privilégiés en tant que voies préventives d'amélioration du recouvrement des factures. Enfin, le règlement de service ne peut pas prévoir d'obligation d'engagement co-contractuel du propriétaire : ainsi, la commune ne peut pas exiger du propriétaire qu'il s'engage contractuellement aux côtés du locataire au paiement des redevances qui, correspondant à une contrepartie directe sans avoir le caractère d'impôt, ne peuvent être mises qu'à la seule charge des usagers (tribunal de grande instance de Carpentras, Époux Bouzelmat contre commune de Gigondas - 9 juin 1999).

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