Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 08/11/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les crimes commis à l'encontre des Yézidis par des djihadistes français.
La fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et l'organisation kurde irakienne Kinyat ont publié le 25 octobre 2018 un rapport intitulé « Irak — crimes sexuels contre la communauté yézidie : le rôle des djihadistes étrangers de Daesh ». En août 2014, le groupe État islamique investit la région du mont Sinjar, forçant des dizaines de milliers de Yézidis à fuir et réduisant des milliers d'entre eux en esclavage. Femmes et enfants sont vendus sur des marchés, voire sur internet.
Ce rapport établit l'implication de Français, entre 2014 et 2017. En effet, des témoignages de survivantes concordent pour rapporter des faits d'esclavage, de torture et de viol, tandis que les enfants étaient, eux, soumis au programme d'endoctrinement du groupe État islamique.
La FIDH estime que de telles exactions sont « constitutives de génocide et de crimes contre l'humanité » et invite la justice française à enquêter sur ces crimes.
En conséquence, il lui demande comment elle compte garantir l'accès des victimes yézidies à la justice.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 07/02/2019

La France s'est fortement mobilisée en faveur des victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Elle est activement engagée dans la lutte contre l'impunité des crimes commis en Syrie et en Irak, quels qu'en soient les auteurs, notamment en vue de traduire en justice les auteurs des crimes commis à l'encontre de la communauté yézidie. La destruction des minorités fait partie intégrante du projet totalitaire de Daech et fait l'objet d'une vigilance particulière. Au niveau international, la France a organisé, le 8 septembre 2015, la Conférence internationale sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient, à l'occasion de laquelle a été adopté le « Plan d'action de Paris », dont un des trois volets est dédié à la lutte contre l'impunité des crimes commis par Daech. La France a apporté son soutien à la mise en place par les Nations unies de mécanismes d'enquête spécifiques sur les crimes commis en Syrie et en Irak, notamment la Commission d'enquête internationale sur la Syrie (« Commission Pinheiro »), le Mécanisme international d'enquête indépendant et impartial sur la Syrie (IIIM) et l'Équipe d'enquête des Nations unies chargée de collecter et de conserver les éléments de preuves d'actes commis par Daech en Irak susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes de génocide. Ces éléments de preuve ont vocation à être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires en Irak ainsi que par des pays tiers, avec l'accord des autorités irakiennes. La France encourage également l'Irak à devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et à intégrer à sa législation les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Au plan national, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a créé, au sein du tribunal de grande instance de Paris, un pôle judiciaire spécialisé en matière de crimes contre l'humanité, génocides, crimes et délits de guerre. Le pôle crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre a été mis en place en janvier 2012. Composé d'une vingtaine de professionnels, magistrats du parquet, juges d'instruction, greffiers et assistants spécialisés, ce pôle s'est saisi de crimes commis en Syrie et en Irak. Actuellement trente-deux procédures sont en cours (vingt enquêtes préliminaires et douze informations judiciaires ; trente concernant la Syrie et deux concernant l'Irak). Conformément au Plan de Paris, un Fonds d'aide aux victimes de violences ethniques et religieuses a été mis en place par la France. Par son biais, plus de 20M€ ont d'ores et déjà été engagés par la France sur plus de soixante projets concrets, en Irak, en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie, y compris au bénéfice de la communauté yézidie. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères poursuit en outre son soutien aux projets de collecte de preuves des crimes commis à l'encontre de la communauté yézidie, en lien avec ses partenaires (dont la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme et le Parquet de Paris). Ainsi que le Président de la République l'a rappelé à l'occasion du Forum de Paris pour la Paix, la France – qui a co-parrainé le lancement du Fonds pour la reconstruction du Sinjar porté par la Prix Nobel de la paix, Mme Nadia Murad et dans les prochains mois accueillera une centaine de femmes yézidies isolées victimes des exactions de Daech – restera engagée en faveur de la justice et de la reconstruction de l'Irak.

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