Question de M. DUPLOMB Laurent (Haute-Loire - Les Républicains) publiée le 14/11/2018

Question posée en séance publique le 13/11/2018

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, rappelez-vous la fameuse discussion entre Colbert et Mazarin :

Colbert. – Pour trouver de l'argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J'aimerais que M. le surintendant m'explique comment on s'y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu'au cou…

Mazarin. – Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu'on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l'État…

Colbert. – Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?

Mazarin. – On en crée d'autres.

Colbert. – Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu'ils ne le sont déjà.

Mazarin. – Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d'être riches et redoutant d'être pauvres ! C'est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C'est un réservoir inépuisable. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu'aujourd'hui le réservoir est épuisé ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 14/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2018

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Duplomb, nous ne sommes plus tout à fait à l'époque de Colbert et de Mazarin… (On le conteste sur des travées du groupe Les Républicains.) Peut-être y êtes-vous restés, je n'en sais rien…

M. Jacques Grosperrin. En tout cas, il y a un roi-soleil… (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François de Rugy, ministre d'État. Pour notre part, nous avons mis les choses sur la table et dit aux Français la vérité sur ce que nous ferions une fois élus. Moins taxer le travail, l'emploi, les entreprises, davantage taxer la pollution et les émissions de carbone : c'est ce que nous avions annoncé, c'est ce que nous avons fait.

Nous avons pris des mesures d'accompagnement des Français dans ce changement. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est vrai que, à l'époque de Mazarin et de Colbert, on ne devait guère se préoccuper du dérèglement climatique…

Nous avons ainsi permis à 250 000 Français de changer de voiture (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), grâce à une prime à l'achat de 1 000 ou de 2 000 euros. Pour ma part, je m'en félicite !

Un million de Français ont pu réaliser cette année des travaux en vue d'économiser l'énergie, grâce au crédit d'impôt ; je pense que c'est aussi une excellente chose.

Enfin, 3,6 millions de Français ont bénéficié du chèque énergie. Un tel dispositif est nécessaire pour passer ce cap difficile. (Nouvelles protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Cukierman. Pendant ce temps-là, les entreprises font des milliards de profits !

M. François de Rugy, ministre d'État. Monsieur le sénateur, puisque vous aimez les citations, je vais à mon tour vous en livrer une. Hier, j'étais au lycée Clemenceau de Nantes et j'ai donné aux élèves la définition du courage selon Georges Clemenceau (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) :

« Le courage, c'est d'aller tout droit devant soi. On doit en souffrir, on sera haï, détesté, méprisé. On recevra de la boue, on n'aura pas d'applaudissements, mais il faut savoir choisir entre les applaudissements d'aujourd'hui, qui sont d'un certain prix, et ceux qu'on se donne à soi-même, quand, avant d'entrer dans le néant, on peut se dire : j'ai donné à mon pays ce que je pouvais. » (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, n'entendez-vous pas le ras-le-bol des Français ? Ils payent plus pour le carburant, plus pour le gaz, plus pour la CSG, alors que, dans le même temps, votre gouvernement est incapable de contenir le déficit public, annoncé à près 100 milliards d'euros en 2019, et de maîtriser la dette, qui atteindra bientôt 100 % du PIB.

Votre gouvernement se permet néanmoins de donner des leçons à tout le monde : aux élus pour leur gestion, aux automobilistes pour leur conduite, à ceux qui fument des clopes et roulent au diesel, à ceux qui ne seraient pas assez écologistes ou progressistes !

Gardez-vous, monsieur le Premier ministre, de faire la même erreur que Marie-Antoinette, qui pendant la disette de 1789 avait conseillé à ceux qui n'avaient pas de pain de manger de la brioche ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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