Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - CRCE-R) publiée le 22/11/2018

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le financement des collectivités locales.

Alors que la réforme de la taxe d'habitation va priver les collectivités locales de 26 milliards d'euros de recettes en fiscalité propre, alors que la dotation globale de fonctionnement a diminué de 25 % en quatre ans, alors que l'État confie toujours davantage de compétences aux collectivités locales sans transfert de ressources, la situation financière des collectivités devient intenable.

Il en résulte un accroissement de la fracture territoriale à travers un appauvrissement des territoires ruraux et périphériques où les services publics disparaissent.

Il en résulte également une chute dramatique de l'investissement public dans notre pays, assuré à 70 % par les collectivités locales, entraînant une dégradation alarmante des infrastructures et un retard massif des investissements d'avenir, notamment dans la transition écologique.

À ce jour aucune formule n'a été arrêtée pour compenser la suppression de la taxe d'habitation laissant les élus locaux dans le flou et l'incertitude les plus complets. Cette situation ne saurait perdurer davantage.

Le Gouvernement a promis de compenser chaque euro de la taxe d'habitation, sans qu'il ait encore été précisé comment. Mais, surtout, quand bien même cette promesse serait tenue, le plus probable est que tout ou partie de la compensation se fasse sous forme de dotation de l'État ce qui aurait pour effet d'accroître la dépendance des collectivités vis-à-vis de l'État en réduisant leur autonomie fiscale et financière.

Ce manque de confiance envers les élus locaux est dommageable. Depuis quarante ans, avec les étapes successives de décentralisation, notre pays fait, à raison, confiance aux territoires pour être les laboratoires de l'innovation démocratique, sociale, écologique et économique. Le Gouvernement ne doit pas porter un coup d'arrêt au dynamisme des territoires.

Il l'invite donc à bien vouloir indiquer les intentions du Gouvernement pour assurer le financement des collectivités locales. Il lui suggère une piste de solution, en transférant au collectivités les recettes de la dynamique contribution climat-énergie (CCE), aujourd'hui gaspillées dans le financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Une telle disposition représenterait en outre une mesure forte de cohérence politique. Il semblerait en effet logique de flécher la fiscalité du carbone vers la transition écologique via les collectivités locales qui sont en en première ligne pour en assurer le financement et la mise en œuvre.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 13/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2019

M. Guillaume Gontard. Madame la secrétaire d'État, compte tenu de l'actualité des derniers mois – je pense aux « gilets jaunes » –, ma question a évolué par rapport à la version que j'avais initialement déposée le 22 novembre dernier. Je n'évoquerai finalement ici que la contribution climat-énergie, la CCE.

Alors que le mouvement des « gilets jaunes » surprenait tout le monde par son ampleur, le Sénat, décidément bien plus en prise avec le pays que le Gouvernement, avait proposé durant l'examen du budget pour 2019 de flécher une partie de la CCE vers les territoires engagés dans la transition énergétique.

Il avait bien compris que l'une des demandes fortes de nos concitoyens était la mise en œuvre d'une fiscalité juste et cohérente. En effet, comme l'exprime le mouvement des « gilets jaunes » et comme en témoigne la colère de l'ensemble de nos concitoyens, une fiscalité écologique ne peut porter ce nom que si elle sert directement et intégralement à financer la transition écologique et énergétique et non à renflouer les caisses de l'État, grevées par la baisse de la fiscalité du patrimoine ou des entreprises.

Le Gouvernement n'a pas entendu cette position de bon sens et s'est contenté de suspendre la hausse de la CCE pour tenter, sans grand succès, d'éteindre la grogne sociale. Ce faisant, il néglige encore les territoires, qui sont les laboratoires de l'innovation démocratique, sociale, écologique et économique, et qui réalisent 70 % des investissements publics. Leur situation financière devient pourtant intenable.

Nous avons donc favorablement accueilli le propos du ministre de la transition écologique et solidaire qui, le 22 janvier dernier, à l'occasion des Assises européennes de la transition énergétique, entrouvrait la porte au transfert d'une partie de la CCE aux collectivités.

Pour ce faire, il semblait reprendre un amendement du Sénat et flécher une partie de la CCE vers les collectivités qui diminueraient leurs émissions de gaz à effet de serre en mettant en œuvre un plan climat-air-énergie territorial, un PCAET.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement ? Entend-il confirmer ce premier pas et apporter un début de réponse à une revendication portée par nombre d'élus locaux et par leurs associations représentatives ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Gontard, la loi de finances pour 2018 a institué un dégrèvement de taxe d'habitation qui, associé aux exonérations existantes, permettra à environ 80 % des foyers fiscaux de ne plus payer cet impôt en 2020. Dès 2019, ces contribuables bénéficieront d'une réduction de 65 % du montant de leur cotisation.

Cette mesure, qui traduit un engagement du Président de la République, représente un gain de pouvoir d'achat important et durable pour plusieurs dizaines de millions de foyers fiscaux. Elle a été adoptée en respectant les principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales : ces dernières continuent aujourd'hui de disposer d'un plein pouvoir de taux et d'assiette sur la taxe d'habitation.

Néanmoins, le mécanisme est amené à évoluer.

L'année 2019 sera celle d'une refonte de la fiscalité locale, dont le contenu et le calendrier dépendront notamment du grand débat national, souhaité par le Gouvernement, avec l'ensemble de nos concitoyens.

À terme, plus aucun foyer fiscal n'a vocation à payer une taxe d'habitation sur sa résidence principale.

Pour compenser la perte de recettes pour les collectivités territoriales induite par cette mesure, le Gouvernement proposera une refonte complète de la fiscalité locale, qui reposera sur les principes suivants.

La perte de la taxe d'habitation pour les communes et les EPCI à fiscalité propre sera compensée par l'octroi d'une ressource conforme au respect de leur autonomie financière. L'une des pistes avancées par le Gouvernement consisterait à la compenser principalement en transférant aux communes la taxe foncière aujourd'hui perçue par les départements et en octroyant aux EPCI à fiscalité propre une fraction d'impôt national dynamique.

J'ajoute que le niveau de cette ressource sera établi en référence au dernier montant perçu avant l'entrée en vigueur de la réforme. Les collectivités territoriales continueront de disposer des ressources fiscales nécessaires à l'exercice de leurs compétences.

En tout état de cause, une telle refonte de la fiscalité locale s'inscrit dans le cadre du débat et de la concertation souhaités par le Président de la République avec l'ensemble des citoyens, des élus locaux et de leurs associations représentatives.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Guillaume Gontard. Vous n'avez pas du tout répondu à ma question, madame la secrétaire d'État. Je parlais de la contribution climat-énergie. À la suite des derniers propos tenus par M. François de Rugy, je souhaitais savoir comment cette contribution allait être fléchée vers les collectivités.

Vous le savez, ce sont les collectivités qui feront la transition énergétique et écologique. Il va bien falloir trouver un système pour financer les innovations dans les territoires.

J'espère que vous aurez l'occasion de me répondre sur ce sujet.

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