Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SOCR) publiée le 08/11/2018

M. Patrice Joly attire l'attention de Mme la ministre du travail à la suite de l'annonce de l'agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) de la suppression de plus de 1 500 postes et dans le contexte de la menace de fermeture de trente-huit sites dont le centre de Nevers dans le cadre du plan de restructuration pour 2019-2020.
Sur le territoire nivernais, l'AFPA occupe une fonction essentielle en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire, c'est-à-dire des formations liées à la transformation d'une ressource importante du département, le bois (à la fois chêne et douglas) avec des formations en charpente, menuiserie et des formations dans la mécanique et la métallurgie avec des formations de soudeurs, de réparation-moteur, de machinisme agricole.
Cette annonce provoque donc de nombreuses incompréhensions et craintes surtout que pour le seul centre de Nevers ce sont dix-sept contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression et soixante-deux équivalents temps plein à l'échelle de la région Bourgogne-Franche-Comté.
La fermeture de l'AFPA Nevers est donc sans conteste un nouveau coup dur pour un territoire rural qui voit chaque jour la fermeture de services publics et assiste impuissant à un démantèlement par l'État de son maillage territorial.
C'est pourquoi il lui demande de se saisir d'urgence de ce dossier et souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour pérenniser cette structure essentielle à la formation professionnelle et aux demandeurs d'emploi de la zone concernée.

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Réponse du Ministère du travail publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

M. Patrice Joly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, a annoncé la suppression de plus de 1 500 postes et la menace de fermeture de 38 sites, dont le centre de Nevers, dans le cadre de son plan de restructuration 2019–2020.

Depuis plusieurs années, l'AFPA fait face à des difficultés structurelles résultant d'une profonde évolution de son modèle économique à laquelle elle avait été insuffisamment préparée et accompagnée. Certes, la perte d'exploitation est encore de l'ordre de 70 millions d'euros cette année, mais en réduction significative par rapport aux années précédentes.

Cette situation est d'abord due à la décentralisation, et surtout à une concurrence sauvage via des appels d'offres menée depuis six ans. L'AFPA a ainsi perdu 20 % de ses heures de formation.

Face à une situation critique, en 2012, un premier plan de redressement de l'AFPA avait été élaboré, comprenant un engagement de l'État, à la fois, pour la poursuite de ses activités et pour sa restructuration.

Sur le territoire nivernais, l'AFPA occupe une fonction essentielle en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire. Il s'agit de formations liées, d'une part, à la transformation d'une ressource importante du département, le bois – charpente, menuiserie, etc. –, et, d'autre part, à la mécanique ainsi qu'à la métallurgie avec des formations de soudeurs, de réparation-moteur, de machinisme agricole…

Ces formations nécessitent un plateau technique lourd, ce qui explique que le coût de ces formations soit difficilement couvert par les prix demandés.

Les témoignages sont nombreux pour souligner que l'AFPA est une chance, notamment pour les personnes éloignées du marché du travail qui reprennent ainsi pied et construisent un parcours de réinsertion.

Cette suppression impacterait une large zone de recrutement s'étendant non seulement à la Nièvre mais également à l'Allier et au Cher. Vous comprendrez aisément qu'elle provoque de nombreuses incompréhensions et craintes. Ainsi, pour le seul centre de Nevers, ce sont 17 contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression.

La fermeture de l'AFPA Nevers est donc sans conteste un nouveau coup dur pour notre territoire rural, qui voit chaque jour la fermeture des services publics et assiste impuissant à un démantèlement par l'État de son maillage territorial.

C'est pourquoi tous les élus du territoire, le conseil départemental en tête, vous demandent la mise en place d'une concertation avec tous les acteurs – élus, chambres de commerce, des métiers et de l'artisanat… – pour envisager de pérenniser cette structure essentielle à la formation professionnelle et aux demandeurs d'emploi de la zone concernée. Une structure dans laquelle l'État, je vous le rappelle, doit assumer toute sa responsabilité puisqu'il représente la moitié de son conseil d'administration.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Patrice Joly, la situation de l'AFPA est celle d'un opérateur historique du service public de l'emploi dont le modèle économique et les missions n'ont pas été fortement repensés depuis la décentralisation de la formation professionnelle en 2004 et l'ouverture à la concurrence en 2008, laquelle a profondément modifié la situation de l'AFPA.

Vous l'avez rappelé, la décentralisation et l'ouverture à la concurrence par appels d'offres de la part des régions a entraîné pour l'AFPA, sur le plan national, une perte d'environ 20 % de recettes et d'heures de formation chaque année. Or c'est le droit des régions de procéder de cette façon.

Nous sommes donc obligés de tirer les conséquences d'une absence d'anticipation et de résolution des précédents gouvernements qui, depuis dix ans, se sont refusé à prendre les mesures nécessaires pour sauver l'AFPA, mais avec des missions apportant une véritable plus-value dans le paysage de la formation. Le résultat est sans appel : plus de 723 millions d'euros de pertes cumulées entre 2012 et 2016, et plus de 70 millions de pertes d'exploitation cette année.

Chaque année, les pertes d'exploitation, que l'État est obligé de combler, représentent entre 60 et 100 millions d'euros. Ainsi faut-il, pour certains sites qui n'accueillent que très peu de stagiaires, maintenir une structure qui s'avère être décourageante pour tous, y compris pour les salariés.

Ne rien faire et laisser en l'état le premier organisme public de formation professionnelle serait irresponsable. C'est pour cela que nous avons décidé de confier à l'AFPA des missions d'intérêt général, qui correspondent véritablement à une logique de service public de la formation. Je pense à la formation des réfugiés, dans le cadre du programme Hébergement Orientation Parcours vers l'emploi, dit programme HOPE, et aux préparations « compétences » dans le cadre du Plan d'investissement dans les compétences. Pour cela, un projet de plan de réorganisation, que l'État soutient, a été proposé le 18 octobre dernier par la nouvelle gouvernance de l'AFPA. Ce projet est en cours de consultation auprès des représentants des salariés au niveau tant national que local. Il y a en effet deux sujets, l'un social, l'autre territorial.

Cette consultation doit pouvoir se poursuivre jusqu'à son terme normal, en 2019, afin qu'une solution puisse être trouvée pour chacun des salariés dont le poste sera concerné par le plan de réorganisation.

Vous l'avez rappelé, environ 1 500 postes sont concernés, mais cela comprend 600 départs à la retraite. Il y aura, par ailleurs, 600 créations de postes, qui représenteront autant d'opportunités de reconversions internes.

Pour ce qui concerne le plan territorial, le modèle doit être refondé pour répondre aux besoins des bassins d'emploi, comme vous l'avez souligné.

L'AFPA n'a pas vocation à disparaître dans le Nivernais, en Bourgogne-Franche-Comté ou ailleurs. Mais là où des centres ferment, pour que l'AFPA ait un avenir, une nouvelle offre innovante et mobile doit être déployée au plus près des attentes des salariés et des demandeurs d'emploi.

Il ne s'agit pas de choisir entre le « tout AFPA » ou le « zéro AFPA ». L'Agence peut travailler en réseau et de façon mobile : voilà aussi ce qui se prépare, et c'est important si l'on veut que l'ensemble des territoires soient couverts par une offre de proximité.

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