Question de M. IACOVELLI Xavier (Hauts-de-Seine - SOCR) publiée le 11/10/2018

M. Xavier Iacovelli attire l'attention de M. le Premier ministre sur la non-conformité au droit international du dispositif gouvernemental de lutte contre le commerce parallèle de tabac. Ce commerce aggrave le poids du tabagisme en favorisant la circulation de tabac peu cher, ceci se traduisant par une perte fiscale pour la France de 3 milliards d'euros par an. À l'heure où le Gouvernement exige des efforts de tous les Français, cela représente un manque a gagner fiscal important.
Il est d'autant plus utile d'agir que toutes les études montrent que l'essentiel du tabac qui compose le commerce parallèle sort des usines des cigarettiers.
L'outil juridique existe désormais. Il s'agit du protocole de l'organisation mondiale de la santé (OMS) "pour éliminer le commerce illicite de tabac" entré en vigueur le 25 septembre 2018. Le Gouvernement vient de le publier au journal officiel le 2 octobre. Le Président de la République s'était engagé à l'appliquer le 19 mars 2017.
Ce protocole de l'OMS exige que les États mettent en place une traçabilité des produits du tabac strictement indépendante des cigarettiers, ce qui semble logique puisqu'ils sont soupçonnés de nourrir le commerce parallèle.
Pourtant le Gouvernement semble avoir fait un autre choix. Le ministre de l'action et des comptes publics a présenté dans le projet de loi lutte contre la fraude un dispositif qui donne aux cigarettiers la possibilité de gérer eux-mêmes cette traçabilité, ce qui à la fois est contraire au protocole de l'OMS et à la promesse du Président de la République et fait des cigarettiers des "contrôleurs-contrôlés" ce que condamne aussi la cour des comptes.
Il lui demande ce qu'il compte faire à ce sujet.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 31/01/2019

La lutte contre les trafics liés au tabac est une priorité que le ministre de l'action et des comptes publics a assigné à son administration, la douane. Pour en accentuer l'efficacité, le Gouvernement travaille à la mise en œuvre de dispositifs de traçabilité du tabac. La France a pris deux engagements internationaux en la matière : le premier dans le cadre de l'organisation mondiale de la santé (OMS) et le deuxième dans le cadre de l'Union européenne. Elle respectera ses deux engagements. Ces deux dispositifs, quoique présentant quelques différences, poursuivent un objectif commun : rendre obligatoire, pour l'ensemble des industriels et des opérateurs intervenant dans la chaîne de distribution des produits de tabac, un système de traçabilité supervisé par l'État afin d'améliorer la lutte contre les trafics. Ces dispositifs sont ainsi compatibles dans leur esprit comme en droit. Ainsi le dispositif européen prévoit qu'il soit opéré de manière indépendante de l'industrie du tabac. Les fabricants et les importateurs de produits du tabac concluent un contrat de stockage de données avec un hébergeur de premier niveau qui est indépendant. L'installation de stockage de données doit être physiquement située sur le territoire de l'Union. Le générateur d'identifiants uniques qui sera choisi par la France sera totalement indépendant de l'industrie du tabac. La Commission exerce un réel pouvoir de contrôle sur les contrats conclus avec les hébergeurs et valide les générateurs d'identifiants uniques sélectionnés par les États membres. Ainsi des contrats et des opérateurs ont déjà été rejetés par la Commission. Par ailleurs, le dispositif européen prévoit un dispositif anti-contrefaçon qui va au-delà de ce qui est prévu par le protocole de l'OMS. Il est donc inexact d'affirmer que l'industrie du tabac gère elle-même le dispositif de traçabilité. De son côté, le dispositif que les parties au protocole de l'OMS ont ratifié est en cours de définition dans le cadre de leurs travaux. Lui aussi prévoit la mise en œuvre, par chaque partie, de systèmes nationaux ou régionaux de traçabilité opérée de manière indépendante de l'industrie du tabac conformément à l'article 8-12 du Protocole. Un point focal mondial permettra l'échange d'informations entre Parties, ce qui est une novation par rapport au dispositif européen. Le cadre juridique qui a été introduit dans la loi de lutte contre la fraude vise notamment à organiser les règles de fonctionnement du système de traçabilité, dont la désignation du générateur d'identifiant unique et le contrat pour l'hébergement des données. S'il est fortement marqué par le système européen qui est le premier à être totalement défini, y compris dans ses dispositions d'application, et qui doit être transposé en droit interne avant mai 2019, il pourra néanmoins servir de cadre largement commun aux deux dispositifs.

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