Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 04/10/2018

M. Alain Joyandet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la suppression des allègements de charges pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi dans le secteur agricole. Depuis plus de 20 ans, les productions agricoles nécessitant beaucoup de main-d'œuvre, comme l'horticulture, le maraîchage, l'arboriculture ou encore la viticulture, perdent en compétitivité par rapport à l'Allemagne, à l'Espagne, à l'Italie, aux Pays-Bas ou à la Pologne. Le résultat est clair : les exportations reculent et les importations augmentent. L'explication principale de cette perte de compétitivité tient au coût du travail : salaire horaire et charges sociales. Contrairement à ses concurrents européens, la France a mis en place un salaire minimum élevé accompagné d'un niveau de protection sociale élevé, dont le financement repose principalement sur la masse salariale. Ainsi, pour un salarié agricole, le salaire minimum horaire est de 9,88 euros (dont 22 % de charges salariales) et le taux de cotisation patronale est de 42 %, soit un coût horaire total d'environ 13,88 euros. Afin d'atténuer les écarts de compétitivité par rapport à ses concurrents européens, la France a mis en place plusieurs dispositifs visant à alléger le coût du travail, reposant sur un système d'exonérations de charges patronales (Fillon) et un crédit d'impôt (CICE). Au total, à ce jour, le poids effectif de charges patronales restant à payer pour un employeur utilisant l'allègement Fillon et le CICE est de 8,87 % (pour un salarié au SMIC) et de 3,66 % pour un employeur utilisant le TO/DE (allègement de charges pour les travailleurs occasionnels / demandeurs d'emploi) et le CICE. Pourtant, malgré ces dispositifs, la France demeure, avec le Danemark et la Belgique, le pays où le coût du travail est le plus élevé. Le Gouvernement a souhaité transformer le CICE en allègement pérenne de charges sociales, pour des raisons de simplification (unification des dispositifs) et de lisibilité des dispositifs (fin du décalage de trésorerie). Le futur allègement général de charges sociales cumulera les allègements Fillon avec le CICE. Le Gouvernement prévoit également d'y ajouter un allègement supplémentaire de quatre points au niveau du SMIC. Si le projet du Gouvernement vise à apporter une amélioration pour les employeurs qui utilisaient l'allègement Fillon et le CICE, le taux résiduel de charges patronales passant alors de 8,87 % à 5,54 % (pour un salarié au niveau du SMIC), en revanche les employeurs de salariés saisonniers qui utilisaient le TO/DE et le CICE seraient fortement pénalisés. En effet, le Gouvernement a également annoncé la suppression du TO/DE, car il ne souhaite plus de dispositif spécifique sectoriel. Pour les employeurs utilisant le TO/DE et le CICE, il s'agit d'une dégradation, car leur taux résiduel de charges patronales passera de 3,66 % à 5,54 % (par ailleurs le TO/DE est beaucoup moins dégressif que le nouvel allègement). La perte (pour un salarié au SMIC à temps plein) est de 189 euros par mois ! Pour les organisations de la profession agricole, cela représente une perte de 144 millions d'euros à l'échelle de la France pour les employeurs de travailleurs saisonniers. Compte tenu de l'importance du maintien d'une exonération spécifique pour les employeurs de saisonniers, il semble crucial de conserver une exonération spécifique aux travailleurs saisonniers et son adaptation pour compenser effectivement les six points de perte du CICE. Cette demande s'inscrit dans la droite ligne du programme du président de la République, qui s'était engagé à conduire l'agriculture française « vers la convergence sociale et fiscale au niveau européen ». Aussi, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour soutenir les professionnels concernés et répondre aux difficultés énoncées ci-dessus.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 21/02/2019

Afin de renforcer la compétitivité des entreprises, et conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a acté la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allègement pérenne de charges et renforcé la réduction générale des cotisations sociales avec une exonération maximale au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC). Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2019, le Gouvernement a ainsi significativement renforcé les allègements généraux des charges sociales sur les bas salaires. L'agriculture française est globalement largement bénéficiaire de ces dispositions, entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2019, qui la rendront plus compétitive dans son ensemble. Dans ce contexte général, il avait été envisagé de réduire les exonérations sur les salariés occasionnels à travers la suppression du dispositif TO-DE à compter du 1er janvier 2019. Mais le débat parlementaire, avec un Gouvernement à l'écoute, a été l'occasion de revenir sur cette disposition. Il a donc été décidé de maintenir la compensation pour les employeurs de main d'œuvre, avec la mise en place d'un plateau allant jusqu'à 1,20 SMIC en 2019 et 2020. Au final, en 2019, pour la Ferme France, ce sera un gain de 47 M€ pour l'ensemble des exploitants agricoles employeurs de main-d'œuvre permanente et occasionnelle. Cette période transitoire permettra aux réformes structurelles favorables aux entreprises agricoles de produire leurs effets. Il est particulièrement important de regarder l'environnement global s'appliquant aux exploitations agricoles : la réforme du CICE ne doit pas être lue de manière indépendante des autres réformes entreprises par le Gouvernement. Le Gouvernement a ainsi engagé, en lien avec les parlementaires et les acteurs économiques, un travail approfondi pour améliorer la fiscalité agricole, dont la réforme est portée dans le projet de loi de finances pour 2019. L'objectif est de donner aux agriculteurs les outils leur permettant d'améliorer la résilience face aux aléas et la compétitivité de leurs entreprises. Parmi ces outils, la mise en place d'une épargne de précaution, particulièrement souple d'utilisation, devrait être largement utilisée par les filières connaissant des fluctuations importantes de revenus d'une année sur l'autre, parmi lesquelles la viticulture et les cultures spécialisées. Ce mécanisme, concret et très attendu, permet aux exploitants, les bonnes années, de déduire de leur revenu imposable des sommes conséquentes (plafond de 150 000 €), qu'ils pourront réintroduire dans leur compte de résultat lors des mauvaises années, sur une période de dix ans. Pour permettre à notre agriculture d'être toujours plus compétitive, en tenant compte de la diversité de l'agriculture française et des différences entre les États membres de l'Union européenne, l'enjeu est de combiner efficacement : la baisse transversale des charges et le renforcement des allègements généraux, qui soutiennent la compétitivité-prix ; les outils fiscaux qui permettent aux entreprises de gérer la volatilité des prix ; les soutiens à la valorisation des productions (augmentation de la valeur ajoutée et montée en gamme) prévus dans le cadre des suites des états généraux de l'alimentation et du grand plan d'investissement.

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