Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 25/10/2018

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le risque que représente la modification des critères de l'appellation d'origine protégée (AOP) camembert de Normandie. Il est en effet question de porter atteinte au processus de production du camembert de Normandie en recourant à la pasteurisation. Cet abaissement du cahier des charges de l'AOP camembert de Normandie suscite de réelles inquiétudes en termes de qualité du produit et de répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de production. En substituant la pasteurisation au moulage à la louche, le risque est grand de créer une distorsion de concurrence au sein de la filière. Et pour cause : favoriser un procédé de fabrication moins cher et standardisé revient à tirer à la baisse la rémunération des petits producteurs, les futurs camemberts AOP pasteurisés étant vendus à moindre prix dans la grande distribution. Déjà, le niveau moyen de valorisation du lait AOP ne s'élève qu'à 50 % en Normandie. Il faut prendre à garde à ne pas reproduire les erreurs de filières voisines qui, en introduisant la pasteurisation dans leur processus de production, ont contribué à la disparition d'un grand nombre de producteurs.

Elle lui demande donc de maintenir l'AOP camembert de Normandie dans sa formule actuelle.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, certains symboles forgent durablement la réputation d'un territoire et contribuent à son rayonnement, en France comme à l'étranger.

Le camembert est sûrement, avec le Neufchâtel, le Livarot et le Pont-l'évêque, l'élément le plus emblématique de la gastronomie normande, de nos traditions et des savoir-faire de nos artisans fromagers et de ceux de nos producteurs. Inimitable, et à ce titre soumis à une appellation d'origine protégée, ou AOP, depuis 1983, le véritable camembert de Normandie est composé de lait cru et moulé à la louche.

En tant que sénatrice de la Seine-Maritime et élue normande, j'ai été très surprise d'apprendre qu'il était question de modifier les critères de cette AOP en introduisant un nouveau procédé de fabrication : la pasteurisation.

L'introduction d'une telle méthode reviendrait à revoir à la baisse le cahier des charges de notre AOP, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de qualité du produit fini.

Avoir recours à la pasteurisation entraînerait également un bouleversement dans la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de production.

En effet, en substituant la pasteurisation au moulage à la louche, le risque est grand de créer une distorsion de concurrence au sein de la filière même. Et pour cause : favoriser un procédé de fabrication moins cher et standardisé revient à tirer à la baisse la rémunération des petits producteurs, les futurs camemberts AOP pasteurisés étant vendus à moindre prix dans la grande distribution.

Déjà, le niveau moyen de valorisation du lait AOP ne s'élève qu'à 50 % en Normandie. À terme, seuls les consommateurs les plus aisés pourront se permettre d'acheter un véritable camembert AOP produit par un réseau spécialisé haut de gamme.

Il faut prendre garde à ne pas reproduire les erreurs de filières voisines qui, en introduisant la pasteurisation dans leur processus de production, ont contribué à la disparition d'un grand nombre de producteurs. Il serait regrettable de corrompre une recette qui perdure de génération en génération depuis la Révolution française, au profit de seuls intérêts financiers.

Les multinationales qui appellent à l'industrialisation et à la standardisation le font pour exercer une domination plus grande encore sur nos producteurs et réduire les coûts par des suppressions d'emplois. Or la démarche de l'AOP est tout autre et doit, d'une part, favoriser une concurrence saine et, d'autre part, garantir un certain niveau d'exigence.

Les critères de l'appellation nous permettent de préserver notre produit dans sa noblesse sans pour autant nuire à la croissance de la filière.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, de tout faire pour maintenir l'AOP camembert de Normandie dans sa formule actuelle, et je vous en remercie.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je sais ce sujet important pour votre territoire. Aussi, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Didier Guillaume, retenu à Bruxelles pour le Conseil Agriculture de l'Union européenne.

Votre question porte sur la modification des critères de l'appellation d'origine protégée – AOP – camembert de Normandie.

Le 21 février dernier, l'ensemble des acteurs de la filière du camembert de Normandie AOP et du camembert « fabriqué en Normandie » a conclu un accord, après des années de discussions et de travaux.

Cet accord vise, à terme, à la disparition de la mention « fabriqué en Normandie » qui créait de la confusion chez les consommateurs. Il ne s'agit pas d'abaisser les exigences du cahier des charges actuel.

Bien au contraire, cet accord vise à accompagner la montée en gamme et l'évolution des pratiques de tous les opérateurs, actuels et futurs, de l'AOP.

Il s'agira notamment d'augmenter la part des vaches normandes dans les troupeaux, de renforcer la place du pâturage et de l'herbe dans l'alimentation des animaux ou encore d'introduire des dispositions relatives au bien-être animal.

Ces pratiques pourront être différenciées grâce à deux gammes distinctes de camembert de Normandie. Cette segmentation permettra, d'une part, aux opérateurs de faire le choix de produire l'une ou l'autre et, d'autre part, aux consommateurs d'éviter la confusion entre elles.

Le Gouvernement va s'attacher à suivre très précisément et régulièrement les travaux relatifs à l'évolution du futur cahier des charges de l'AOP. Il sera particulièrement vigilant à ce que les termes de l'accord soient respectés et à ce que les travaux aboutissent bien à une montée en gamme pour l'ensemble de la filière.

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