Question de M. BOULOUX Yves (Vienne - Les Républicains-A) publiée le 25/10/2018

M. Yves Bouloux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la sécurisation des bouteilles de gaz fabriquées en France. Celles-ci peuvent, en effet, représenter de réels dangers aux conséquences dramatiques. Au-delà des habitants, ce sont nos sapeurs-pompiers qui sont en première ligne puisque la conception de ces bouteilles peut entraîner des risques mortels lors d'interventions des soldats du feu. Au cours d'un incendie, elles peuvent exploser dans un délai inférieur à cinq minutes, dès lors qu'elles sont immergées dans les flammes. Une solution technique existe dans de nombreux pays européens mais elle n'a pas été mise en place en France. La législation semble y être plus contraignante que la directive 99/36/CE du 29 avril 1999 relative aux équipements sous pression transportables, c'est la raison pour laquelle elle n'est pas mise en œuvre. Il s'agit d'incorporer un système de soupape avec fusible qui permettrait une lente évacuation du gaz, excluant ainsi un phénomène d'explosion. Cette mesure pourrait être rendue obligatoire pour les fabricants par simple arrêté ministériel, il en a été ainsi il y a quelques années pour sécuriser les véhicules au GPL. Il en va de la vie de nos sapeurs-pompiers, et plus généralement de nos concitoyens.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles sont les orientations du Gouvernement à ce sujet et quelles mesures il entend prendre visant à limiter l'importance des conséquences humaines et matérielles face au risque élevé d'explosion de ces bouteilles de gaz.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

M. Yves Bouloux. Qu'ils soient professionnels ou volontaires, les sapeurs-pompiers français sont un exemple de dévouement, toujours prêts à affronter tous les périls pour secourir nos concitoyens. Pour autant, rien ne peut justifier de les exposer à des menaces mortelles qui devraient être assez facilement évitées.

En 1999, un sapeur-pompier s'est vu arracher une jambe par l'explosion d'une voiture au gaz de pétrole liquéfié, le GPL. Les enseignements de ce drame en ont été tirés : les véhicules ont été sécurisés grâce à une soupape permettant une lente évacuation du gaz. Cependant, aucune réglementation n'est imposée sur les bouteilles de gaz classiques, GPL ou propane, que l'on trouve partout en France.

Pourtant, quand ces bouteilles sont impliquées dans un incendie, ce qui est fréquent, elles sont un facteur terriblement aggravant. En effet, elles explosent dans un délai inférieur à cinq minutes lorsqu'elles sont immergées dans les flammes. Il s'ensuit une élévation de la température et un violent accroissement de la pression, entraînant des projections de fragments de tôle en effets missiles à des distances supérieures à 80 mètres.

Les conséquences sur la période 2010–2017 sont effroyables : décès d'un sapeur-pompier professionnel, neuf personnes grièvement blessées, essentiellement sapeurs-pompiers ; sinistres avec impossibilité d'attaque pour les soldats du feu et dégâts considérables.

Il paraît donc impératif d'agir au plus vite, à l'instar de la réglementation des véhicules GPL – cela n'a pris que deux mois –, afin d'éviter de nouveaux drames humains et d'énormes préjudices matériels.

Heureusement, les bouteilles de nouvelle génération ne posent pas de problème. Mais il s'agit pour le très important stock de bouteilles d'acier de remplacer l'ancien dispositif par un couple soupape-fusible, ce qui pourrait se faire raisonnablement dans un délai de cinq à huit ans.

De nombreux pays européens ont décidé de sécuriser leur parc de bouteilles de gaz, sur le type de dispositif que je viens d'exposer : le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Suède, la Finlande, le Danemark… Ces États ont pris la mesure de l'enjeu. C'est une évidence : la France doit s'engager au plus vite sur ce chemin, pour la sécurité de la population, en particulier celle des sapeurs-pompiers.

Quelles mesures précises le Gouvernement envisage-t-il sur ce sujet ? Et dans quel délai ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Bouloux, le Gouvernement partage votre souci d'améliorer les conditions d'intervention des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et de sécuriser au maximum les conditions d'intervention de ceux-ci.

Dans ce cadre, vous avez bien voulu solliciter notre attention sur la sécurisation du parc français de bouteilles de gaz, en soulignant plus particulièrement le danger que constitue l'exposition aux flammes de ces mêmes bouteilles. Certains représentants des sapeurs-pompiers, vous l'avez rappelé, estiment en effet qu'elles devraient être obligatoirement munies de soupapes. Le sujet est extrêmement contraint en droit. Je souhaite vous apporter quelques éléments.

Les bouteilles conformes à la directive que vous mentionnez sont en libre circulation dans l'Union européenne, qui n'impose ni n'interdit pas les soupapes. Il ne peut donc pas y avoir de surtransposition pour ces bouteilles.

Néanmoins, l'utilisation du parc historique, qui représente aujourd'hui encore la majorité des bouteilles en France, reste possible. Ce parc n'est pas équipé de soupapes susceptibles d'avoir un effet favorable pour l'exposition des sapeurs-pompiers en cas d'incendie. Mais les bouteilles sont équipées d'un limiteur de débit incompatible, dans l'état actuel des techniques, avec la soupape, qui permet de maîtriser le risque lié à des chutes de la bouteille sur le robinet.

À la suite de contacts avec les sapeurs-pompiers, le Gouvernement a décidé de confier à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, une étude relative aux comportements des bouteilles en acier de GPL soumises au feu.

Cette étude, qui s'appuiera sur les essais déjà réalisés, y compris par les sapeurs-pompiers eux-mêmes, permettra de développer un modèle théorique de prédiction du comportement d'une bouteille de GPL en acier prise dans un feu et de déterminer les avantages et inconvénients des différents dispositifs de sécurité envisagés. Dans ce cadre, il conviendra de mener une analyse de risques portant sur l'ensemble du cycle de vie de la bouteille, pour ne pas se limiter à la seule prise en compte du risque d'exposition au feu. Je pense par exemple au stockage en extérieur à des températures plus ou moins élevées ou encore aux conditions de transport.

Les résultats de cette étude permettront d'argumenter une proposition qui visera à rechercher l'appui d'une majorité des États membres de l'Union pour modifier si nécessaire – vous semblez penser que cela l'est – la réglementation européenne couvrant la conception de ces bouteilles de gaz du parc historique.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, pour répondre à M. le secrétaire d'État, en vingt secondes.

M. Yves Bouloux. Monsieur le secrétaire d'État, je vous entends. Mais de grâce : faisons vite et épargnons d'autres vies ! Certains sapeurs-pompiers ont malheureusement pâti de cette problématique, qu'il faut prendre en compte très rapidement.

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