Question de Mme LHERBIER Brigitte (Nord - Les Républicains) publiée le 18/10/2018

Mme Brigitte Lherbier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la sécurité dans les établissements pénitentiaires.
La mission de sécurité de l'administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons en prévenant les évasions, les mutineries, les violences, les dégradations ou les suicides. Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité, et nous oblige à une vigilance accrue.

L'agression de trois surveillants à Vendin-le-Viel en janvier 2018, par un détenu condamné pour terrorisme, fût à l'origine d'un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Les surveillants ont alerté sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l'exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux surveillants pénitentiaires.

Faute de nouvelles prisons, la surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires.

Selon un rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, la justice française, en termes de budget, se classait, en 2014, 14e sur 28 en Europe, avec 72 euros par habitant et par an. C'est deux fois moins qu'en Allemagne (146 euros) et loin du haut du classement où figurent le Royaume-Uni (155 euros) et le Luxembourg (179 euros).

Le contexte terroriste, la surpopulation carcérale et le mécontentement des surveillants ne peuvent que nuire à la mission de sécurité de l'administration pénitentiaire.

La lutte contre la radicalisation, les violences, les évasions ou les suicides en prison ne pourra passer que par l'amélioration des conditions de travail des surveillants, davantage de recrutements, et la construction de nouvelles prisons prenant en compte la problématique des détenus radicalisés.

C'est pourquoi, elle lui demande si le ministère de la justice va enfin avoir enfin les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de tous dans nos prisons.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

Mme Brigitte Lherbier. Pas un mois ne passe sans que la sécurité de nos établissements pénitentiaires soit évoquée dans les médias, au Parlement ou par vous-même, madame le garde des sceaux.

La mission de sécurité de l'administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons en prévenant les évasions, les mutineries, les violences, les dégradations ou les suicides. Sa mission est aussi de prévoir la réinsertion des condamnés à leur sortie pour éviter la récidive.

Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité et nous oblige à une vigilance accrue.

L'agression de trois surveillants à Vendin-le-Vieil en janvier dernier, par un détenu condamné pour terrorisme, fut à l'origine d'un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Il nous faut à toutes fins qu'il ne se redéclenche pas.

Les surveillants, à qui je voudrais rendre hommage, nous ont alertés très souvent sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l'exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux collègues.

La surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires. L'été a été difficile dans de nombreux endroits de France. Il faisait très chaud dans les maisons d'arrêt, au sens propre comme au sens figuré.

La semaine dernière, je suis allée visiter la prison de la Santé avec quelques collègues sénateurs : les syndicats de surveillants nous ont exprimé de nouveau leur mécontentement et leurs craintes. Ils dénoncent surtout le manque de reconnaissance face aux difficultés des missions qu'ils exercent.

Une nouvelle promotion de surveillants devrait assurer l'ouverture de la prison de la Santé : beaucoup de ces personnes venues de l'outre-mer n'ont toujours pas trouvé de logements décents à prix raisonnable afin de pouvoir s'installer à Paris.

Certains surveillants stagiaires ont trouvé des solutions d'hébergement précaire, notamment dans les foyers de jeunes travailleurs. D'autres sont toujours en cours de recherche. Tous réclament des lieux de détente, de sport, pour évacuer la pression quotidienne et pour s'entraîner physiquement. C'est bien le moins que l'on puisse leur offrir quand on sait le nombre de menaces de représailles qu'ils subissent chaque jour. Le sénateur François Grosdidier, lors des travaux de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, l'avait souligné dans son rapport. À chaque visite de maison d'arrêt – Lille-Sequedin, Fresnes, etc. –, nous sentons la tension et les craintes professionnelles, qui pèsent dans la vie de chacun. Je tenais à vous en faire part, madame le garde des sceaux. Je sais que vous n'ignorez rien de cette situation, mais le Sénat prête une attention toute particulière à ces problèmes.

Contexte terroriste, surpopulation carcérale et mécontentement des surveillants : ces trois ingrédients forment un cocktail explosif qui ne peut que nuire à la mission de sécurité de l'administration pénitentiaire.

Madame le garde des sceaux, les orientations voulues par votre ministère ne nous semblent pas suffisamment prendre en compte ces trois facteurs d'insécurité. Votre ministère va-t-il aller plus loin ? Avez-vous les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de nos établissements ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, il me faudrait plus d'une heure pour répondre à votre question tant l'ensemble des mesures que nous avons adoptées afin d'assurer la sécurité de nos établissements pénitentiaires est large et tant la « reconnaissance » – je reprends à mon compte ce terme que vous avez utilis頖 que nous devons aux personnels de l'administration pénitentiaire est grande.

Je citerai quelques chiffres. Le budget de l'administration pénitentiaire s'élève à 3,8 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit 2,5 milliards d'euros pour les dépenses de personnel, en hausse de 95 millions d'euros, et 1,2 milliard d'euros pour les autres dépenses.

Globalement, ce budget est en progression de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. C'est une augmentation qui correspond à la fois à une hausse des dépenses de personnel de 3,9 % et à une hausse de près de 10 % pour les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Sans aller plus avant dans l'énoncé des chiffres, car vous pourriez vous lasser, je veux vous assurer que la sécurisation des établissements pénitentiaires est un point majeur : nous y consacrons un effort important de plus de 50 millions d'euros en 2019. Au-delà, nous accordons également une grande importance aux personnels pénitentiaires pour lesquels – je le redis – j'éprouve une véritable reconnaissance en raison de leurs conditions de travail très difficiles.

Nous avons fait un effort du point de vue indemnitaire : nous avons augmenté la prime de sujétion spéciale, la PSS, de plus de 2 % ; nous avons également augmenté le taux de base de l'indemnité pour charge pénitentiaire, qui est passée de 1 000 à 1 400 euros par an ; nous avons accru la prime des dimanches et jours fériés, qui est passée de 26 euros à 36 euros ; nous avons mis en place une prime de fidélisation pour les établissements les plus difficiles ou dans les zones de particulière cherté du coût de la vie – c'est le cas en banlieue parisienne où nous donnerons 8 000 euros pour six ans de fidélité à un établissement, 4 000 euros seront versés dès la première année.

Nous avons consenti un effort important en termes d'équipement, avec de nouveaux matériels de protection, des passe-menottes, etc.

Nous avons fait un effort en termes de renseignement pénitentiaire et en termes de régimes de détention, avec la mise en place d'un système d'étanchéité pour les détenus les plus dangereux, les détenus terroristes.

Toutes ces mesures s'inscrivent dans un plan pénitentiaire global, qui prévoit, à hauteur de plus de 1,7 milliard d'euros, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, dont 7 000 seront livrées en 2022 et 8 000 seront commencées avant 2022. Cet ensemble de mesures nous permet de répondre à l'inquiétude dont vous faisiez état, madame la sénatrice, et dont je mesure la réalité.

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