Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - Les Républicains-A) publiée le 11/10/2018

M. François Bonhomme attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes de sécurité soulevés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.

Il rappelle que l'arrêté du 27 octobre 2017 fixant la liste des zones interdites à la prise de vues aériennes par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur liste les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France parmi lesquelles figurent notamment soixante-huit prisons.

La prise de vues aériennes de l'un de ces sites est ainsi passible d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

Il s'étonne cependant que, près d'un an après la publication dudit arrêté, une cinquantaine de prisons demeurent encore visibles. C'est notamment le cas de la maison centrale de Réau, en Seine-et-Marne, tristement célèbre depuis l'évasion d'un détenu en juillet 2018.

Cette absence de floutage s'expliquerait par le caractère non rétroactif de l'arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s'appliquerait qu'aux photos prises depuis 2017.

Il rappelle que l'accès à ces prises de vues aériennes dites « sensibles » pose de véritables problèmes en matière de sécurité. Il demeure en effet tout à fait possible d'utiliser ces prises de vue afin d'organiser des évasions.

Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la défense belge a ainsi annoncé en octobre 2018 sa volonté d'attaquer Google en justice.

Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les mesures envisagées par le Gouvernement afin de s'assurer que Google garantisse le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons, afin de garantir la sécurité des prisons françaises.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

M. François Bonhomme. Ma question porte sur les problèmes de sécurité soulevés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.

Pour rappel, l'arrêté du 27 octobre 2017 fixe la liste des zones interdites à la prise de vues aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur. Parmi les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France figurent 68 prisons. La prise de vues aériennes de l'un de ces sites est ainsi passible d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Toutefois, près d'un an après la publication de cet arrêté, une cinquantaine de prisons, dont certaines accueillent des individus dangereux, resteraient visibles.

C'était il y a un mois encore le cas de la maison centrale de Réau, que tout le monde connaît malheureusement aujourd'hui. Voilà un mois, Google expliquait cette absence de floutage par le caractère non rétroactif de l'arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s'appliquerait qu'aux photos prises depuis 2017.

Or chacun sait que l'accès à ces prises de vues aériennes dites « sensibles » pose de véritables problèmes de sécurité. Cela peut par exemple être utilisé pour préparer et organiser des évasions.

Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la défense belge a annoncé, au mois d'octobre dernier, sa volonté d'attaquer Google en justice.

Madame la garde des sceaux, le 16 octobre dernier, Google vous a annoncé par voie postale le démarrage du floutage des vues aériennes de prisons françaises visibles sur Google Maps et Google Earth, sans pour autant spécifier les prisons concernées. Dans le même temps, Google s'engageait à vous tenir informée de l'évolution du processus toutes les trois semaines.

Pourriez-vous nous préciser le programme de déploiement du floutage ? Où en sommes-nous ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous pour vous assurer que Google respecte effectivement le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons, afin de garantir leur sécurité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bonhomme, le 31 juillet dernier, j'ai effectivement transmis un courrier à la direction de Google France en lui demandant de prendre les dispositions techniques nécessaires pour garantir le retrait ou le floutage des vues aériennes sur Google Earth et Google Maps des établissements pénitentiaires listés en annexe des arrêtés pris les 27 janvier et 27 octobre 2017.

La direction de Google France m'a répondu par deux courriers, le premier du 14 août et le second du 8 octobre ; vous y avez fait allusion. Google France m'a signalé que tout était mis en œuvre pour finaliser le floutage de l'ensemble des lieux visés par les arrêtés pris en 2017 d'ici au début du mois de décembre 2018. Nous pourrons donc très prochainement mesurer la portée de l'engagement qui a été pris par Google France. Mais je sais que cela commence d'ores et déjà à être effectif.

En parallèle, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale conduit actuellement des travaux qui rassemblent les experts juridiques des ministères, directions générales et agences concernés pour adapter les dispositions juridiques encadrant la prise de vue aérienne et par satellite des sites sensibles. Ce groupe de travail, auquel participe le ministère de la justice, a pour objectif de refondre le cadre juridique de la captation d'images et de leur diffusion, afin de préserver les zones sensibles, considérées comme des points d'importance vitale et stratégique. Il vise l'ensemble des fournisseurs, bien au-delà donc des seuls services qui sont proposés par Google. Ses travaux sont menés sur la base des propositions émises par la Direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense, du ministère des armées, dans son rapport du 4 juin 2018, consacré à ce sujet.

Sans attendre, le ministère de la justice, par arrêté du 12 octobre 2018, a enrichi la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne pour couvrir tous les établissements les plus sensibles, portant le total de trente-huit à quatre-vingt-neuf sites. Les travaux de recensement des coordonnées GPS des autres sites se poursuivent, afin que l'ensemble des établissements pénitentiaires soient pris en compte en 2019.

Comme vous le voyez, c'est une action globale qui est menée pour assurer l'efficacité des mesures de sécurité que nous prenons pour l'ensemble de nos établissements pénitentiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour répondre à Mme la garde des sceaux, en vingt-cinq secondes.

M. François Bonhomme. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, dont je prends acte, comme de vos intentions. Je regrette néanmoins la faible réactivité de Google par rapport à vos injonctions. Malheureusement, le mal est fait : les captures d'écran ont eu lieu et des actions sont peut-être en préparation sur la base de ces données photographiques. Pour l'avenir, j'ai bien noté que vous souhaitiez faire évoluer le cadre juridique relatif aux prises de vues aériennes.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. François Bonhomme. C'est nécessaire, car les choses ne peuvent pas rester en l'état, la situation étant insécure pour les maisons d'arrêt.

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