Question de M. BOYER Jean-Marc (Puy-de-Dôme - Les Républicains) publiée le 12/10/2018

Question posée en séance publique le 11/10/2018

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis dix jours, les Français sont dans une attente insoutenable… (Rires.) Le remaniement gouvernemental apparaît plus compliqué que prévu. Contrairement aux propos de votre porte-parole, les Français s'intéressent à la vie politique. Nos citoyens sont impatients de découvrir la nouvelle composition du Gouvernement ; il y va de leur quotidien et de leur avenir.

De mémoire de parlementaire, depuis le début de la Ve République, une telle indécision et une telle confusion au plus haut niveau de l'État, c'est du jamais vu ! Que cachent tous ces atermoiements ? Autant de candidats sollicités, autant de refus de postes de ministres, surtout celui de l'intérieur, là encore, c'est du jamais vu ! La République en marche aurait-elle perdu son pouvoir d'hypnose et d'attraction ?

Derrière vos difficultés à attirer et à choisir des femmes et des hommes, chacun sent bien que se cachent de fortes dissensions entre vous-même et le Président de la République. Pouvez-vous nous rassurer et nous éclairer sur ce point ?

Vous avez subi en spectateur le départ de deux ministres d'État. C'est bien votre politique et celle du Président de la République qui ont été mises en cause. Ce ne sont pas des péripéties, surtout quand le ministre de l'intérieur fait une déclaration terrible sur la situation des banlieues : « Aujourd'hui, on vit côte à côte. […] Je crains que, demain, on ne vive face à face. »

Au-delà des mouvements de chaises musicales, quelle est votre ligne politique ? La sécurité, l'emploi, le pouvoir d'achat restent les préoccupations essentielles des Français. Saurez-vous tirer les leçons de vos échecs et vous remettre en cause ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 12/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je m'attendais à votre question et je ne suis déçu ni par son sujet ni par la façon dont vous la formulez. (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.)

C'est vrai, comme vous l'avez dit, les Français s'intéressent à la politique. On dit souvent qu'ils constituent un peuple éminemment politique, qu'ils se passionnent pour la chose publique et qu'ils aiment dire, parfois vivement, quelles sont leurs attentes, leurs aspirations et leur vision de l'avenir.

En revanche, je ne suis pas sûr, monsieur le sénateur, que, comme vous l'avez dit, les Français se passionnent pour les petites choses de la politique. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ladislas Poniatowski. Un ministre de l'intérieur, c'est une grande chose !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je suis certain au contraire qu'ils se passionnent pour le fond des sujets ; pour la façon dont nous envisageons l'avenir de la France ; pour la façon dont nous mettons en œuvre la libération des énergies et la capacité à augmenter notre croissance et notre potentiel de croissance ; pour la façon dont nous envisageons la transition écologique et énergétique ; pour la façon dont nous rendons notre pays plus attractif ; pour la façon dont nous allons transformer notre système de retraite.

Il ne vous a pas échappé – cette question me semble au moins aussi importante que celle que vous soulevez, monsieur le sénateur, même si je reconnais que nous puissions avoir une différence d'appréciation sur ce point – que, hier, Jean-Paul Delevoye a présenté les conclusions de la première phase de concertation sur la transformation de notre système de retraite.

M. Gérard Longuet. Mettez-le à l'intérieur !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces sujets sont éminemment politiques et passionnants.

S'agissant de la composition du Gouvernement, puisque je m'en voudrais de ne pas vous répondre, vous connaissez les dispositions de la Constitution aussi bien que moi, j'en suis certain. Le Premier ministre propose, le Président de la République décide et nomme les membres du Gouvernement. Le Premier ministre conduit l'action du Gouvernement. Nous sommes très exactement dans l'exécution des dispositions constitutionnelles.

J'ai beaucoup de respect pour les états d'âme, mais je considère que les ministres doivent se consacrer entièrement à leur tâche, à la direction de leur administration et à la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République.

M. Jackie Pierre. C'est pour cela que vous n'en trouvez pas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est ma façon d'envisager l'engagement politique, monsieur le sénateur, et je suis sûr qu'elle recueille l'unanimité sur ces travées.

Nous le savons tous, lorsque l'on a l'honneur d'exercer une tâche ministérielle, on se doit d'être à la hauteur de cet engagement.

Je vous le dis très tranquillement, monsieur le sénateur, et sans agressivité : vous avez mentionné dans votre question un certain nombre d'éléments qui sont purement et simplement des rumeurs.

M. Philippe Pemezec. Qui les alimente ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je puis comprendre que les réseaux sociaux, les entourages et parfois même la presse soient tentés de les colporter.

Je ne puis que constater l'existence de ces rumeurs, qui tantôt m'amusent, tantôt me consternent et m'affligent. Mais je crois que les Français, qui sont un peuple éminemment politique, ne sont intéressés ni par leur évocation ni par leur commentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le Premier ministre, vous restez droit dans vos bottes, sourd aux attentes des Français.

Le remaniement devait être un second souffle ; l'an II du « nouveau monde » va commencer avec un souffle coupé, voire asthmatique.

À en croire vos déclarations d'hier à l'Assemblée nationale, il n'y aurait « pas le début du commencement de la moitié d'une feuille de papier à cigarette » entre vous et le Président de la République, monsieur le Premier ministre. Voilà qui n'est pas rassurant : c'est exactement ce que François Mitterrand avait dit de sa relation avec Michel Rocard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le Premier ministre sourit.)

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