Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 27/09/2018

M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable à la mise en décharge et à l'incinération des déchets actuellement en préparation. Cette réforme prévoit une augmentation qui ferait passer les recettes de la TGAP déchets d'environ 450 millions d'euros en 2017 à un niveau compris entre 800 millions et 1,4 milliard d'euros en 2025. Or, cette hausse serait particulièrement pénalisante pour les collectivités en charge du service public de gestion des déchets ménagers, qui paient cette taxe sur la part des déchets résiduels qu'elles doivent envoyer en installation de stockage ou de traitement thermique. Il semble que l'objectif de cette réforme soit de contribuer au développement de l'économie circulaire, en augmentant le coût de l'élimination par rapport au recyclage. Néanmoins, elle ne tient pas compte de plusieurs éléments. Tout d'abord, un tiers des déchets ménagers (soit 150 kg par habitant par an) est aujourd'hui impossible à recycler ; les collectivités n'ont d'autre solution que d'éliminer ces déchets et sont taxées pour cela. La réforme proposée supprime par ailleurs ou diminue fortement toutes les réfactions qui existent aujourd'hui et permettent d'encourager des solutions plus vertueuses, comme la valorisation énergétique des déchets. Cette réforme ne prévoit pas non plus de volet incitatif visant à encourager les collectivités qui mettent en place des politiques pour réduire les déchets résiduels : le taux payé est le même quel que soit le niveau de performance. Enfin, les recettes de la TGAP sont aujourd'hui versées au budget de l'État, et ne contribuent que très faiblement à financer les politiques territoriales d'économie circulaire. Alors que le Gouvernement demande aux collectivités de réduire drastiquement leurs dépenses, la hausse de la TGAP déchets augmentera en outre, de façon inévitable, le coût du service public de gestion des déchets ménagers et entraînera donc une hausse des impôts locaux. Il lui demande donc dans quelle mesure peuvent être envisagées une exonération de TGAP pour les 150 kg par habitant par an correspondant au gisement des déchets ménagers non recyclables, la création d'un bonus de TGAP pour les collectivités performantes en matière d'économie circulaire, l'exonération totale de TGAP pour les unités de valorisation énergétique atteignant les critères d'efficacité énergétique européens leur donnant le statut de valorisation et non d'élimination, et l'affectation des recettes de la TGAP déchets au fonds économie circulaire de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), avec une plus grande participation des collectivités à la gouvernance de ce fonds.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 10/01/2019

La feuille de route de l'économie circulaire, présentée le 23 avril dernier après plus de six mois de concertation avec l'ensemble des parties prenantes, comporte 50 mesures pour atteindre deux objectifs principaux : la division par deux de la mise en décharge des déchets et le recyclage de 100 % des plastiques d'ici 2025. Ces mesures et l'engagement de chacun des acteurs n'auront toutefois un effet que si les logiques économiques et financières sous-jacentes sont cohérentes. Or aujourd'hui, les signaux économiques ne sont pas au bon niveau pour atteindre nos objectifs. Les taxes sur la mise en décharge et l'incinération ont fait l'objet d'une réforme en 2016, mais celle-ci reste en-deçà de ce qui est nécessaire pour avoir un réel effet sur les investissements et bien en-deçà de la fiscalité pratiquée par nos partenaires européens. Si nous n'allons pas plus loin, la mise en décharge, dont l'acceptabilité environnementale et sociétale devient de plus en plus limitée, restera plus compétitive que le recyclage. Dans ce contexte, le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, une réforme globale de la fiscalité déchets visant à rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur mise en décharge ou leur incinération, conformément aux engagements de campagne du président de la République. Ces propositions sont le fruit de discussions engagées à l'automne 2017, d'abord dans le cadre d'un atelier d'élaboration de la feuille de route de l'économie circulaire dédié aux instruments économiques et financiers, puis dans un cadre bilatéral avec des élus et les associations de collectivités à la suite de la présentation de la feuille de route en conférence nationale des territoires en mai dernier. Elles s'inscrivent dans un équilibre global qui permet de répartir la pression fiscale de façon cohérente avec les objectifs visés, comme beaucoup de nos partenaires européens l'ont fait avec succès, et de donner le temps aux acteurs de s'y adapter. Cette réforme repose ainsi sur une trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) revue à partir de 2021 telle que le coût moyen de l'élimination des déchets devienne supérieur au coût moyen de leur recyclage. En parallèle, la proposition prévoit de donner de nouvelles capacités financières aux collectivités pour investir et pour s'adapter en allégeant la pression fiscale sur les activités de tri, de recyclage et de prévention des déchets : - le taux de la TVA pour les opérations de prévention, de collecte, de tri et de valorisation matière effectuées dans le cadre du service public de gestion des déchets sera réduit à 5,5 % à compter de 2021 ; - pour accompagner les collectivités locales dans le déploiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative, les frais de gestion perçus par l'État seront diminués de 8 % à 3 % pendant cinq ans pour les collectivités qui mettent en place la TEOM incitative. En effet, selon le rapport de 2015 du comité interministériel de modernisation de l'action publique sur la gestion des déchets par les collectivités locales, cette mesure permettrait à elle seule de diminuer de près de 6 % la production de déchets ménagers et assimilés en 2025 par rapport à 2011, dont une baisse de près de 14 % des ordures ménagères résiduelles. En complément, d'autres mesures de la feuille de route pour l'économie circulaire, de nature non fiscale, visent à réduire la quantité de déchets que les collectivités doivent prendre en charge. En particulier, la création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur (REP), que le Gouvernement souhaite mettre en place dès 2020, aura pour effet d'étendre le principe pollueur-payeur à de nouveaux produits et de transférer la charge de certains déchets des collectivités vers les producteurs de ces produits. De même, la refondation du système REP permettra d'améliorer l'éco-conception des produits grâce à un système d'éco-modulation pouvant atteindre plus de 10 % du prix du produit, et de diminuer les quantités de produits non recyclables mis sur le marché français. Les éco-organismes seront pilotés de façon resserrée sur la base d'objectifs de collecte, de réutilisation et de recyclage, assortis de sanctions financières significatives en cas de non atteinte. La mise en œuvre d'abattements complémentaires de la TGAP pour la valorisation énergétique à haut rendement des refus de tri provenant de centres de tri performants pourra également être examinée lors des débats parlementaires. Pour les collectivités, l'impact financier de cette réforme de la fiscalité dépendra des performances et des efforts en matière de gestion des déchets. L'objectif du Gouvernement est que les collectivités qui s'engagent dans une démarche ambitieuse en faveur de l'économie circulaire voient leurs charges baisser. Le Gouvernement remettra chaque année à partir de 2022 un rapport au Parlement sur l'évolution des charges des collectivités liées à la mise en œuvre de la feuille de route économie circulaire (en prenant en compte l'ensemble des mesures, fiscales et non fiscales) et ajustera en conséquence les moyens affectés par l'État au soutien à des projets en faveur de l'économie circulaire en cas de hausse.

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