Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 13/09/2018

Mme Nathalie Delattre interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les intentions du Gouvernement quant à l'avenir du dispositif d'exonération pour l'emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi agricoles (TO-DE).

Ce dispositif pourrait de fait prendre fin au 1er janvier 2019. En effet, l'allègement général de charges envisagé parallèlement à la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne compenserait pas une suppression de cette exonération.

Déjà fragilisés par les événements climatiques de ces derniers mois (gel, orage, grêle, tempête), des secteurs fortement employeurs de main d'œuvre occasionnelle seraient directement touchés par une telle mesure : viticulture, arboriculture, maraîchage, horticulture, production de semences... La compétitivité-coût de notre pays, déjà faible par rapport à la concurrence de nombreux pays voisins, serait mise à mal.

À titre d'exemple, dans le secteur viticole girondin, le montant d'exonérations de charges pour les travailleurs occasionnels représentait en 2017 plus de 23 millions d'euros.

L'impact financier de la mesure pourrait s'élever pour l'ensemble de l'agriculture à plus de 150 millions d'euros, si l'on considère la masse salariale saisonnière de 2016. La perte financière, pour un employeur par contrat saisonnier pour un mois et pour un salaire serait de 189 euros.

Sur cette base, la perte globale enregistrée pour les agriculteurs de la région Nouvelle-Aquitaine, qui enregistrait 175 930 contrats TO-DE en 2016, se chiffrerait à près de 33 millions d'euros par an.

Le secteur de la production viticole, qui offrait 12,6 millions d'heures de travail à la main-d'œuvre occasionnelle en 2015, enregistrerait alors une charge supplémentaire de près de 16 millions d'euros par an.

Elle lui demande si le Gouvernement envisage de compenser durablement cette perte qui menacerait la viabilité de nos productions agricoles et engagerait la France vers la décroissance d'un secteur d'activité qui emploie 14 % des actifs français.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le ministre – cher Didier Guillaume –, mes chers collègues, je souhaite vous parler aujourd'hui de l'avenir du dispositif d'exonération pour l'emploi des travailleurs occasionnels agricoles, le désormais fameux TODE.

Il y a quelques jours, monsieur le ministre, ici même, dans l'hémicycle du Sénat et au nom du groupe du RDSE, vous interpelliez très justement le Gouvernement, lui rappelant qu'en supprimant l'exonération des charges patronales sur les emplois saisonniers il signait la fin de l'agriculture, en particulier de la petite agriculture, ainsi que, ajouterai-je même, de la viticulture.

Vous souteniez que cette mesure était inacceptable, qu'elle constituait une erreur monumentale pour les 900 000 personnes concernées, qu'elle représenterait une augmentation de 1,40 euro par heure et par salarié au SMIC. Pour les agriculteurs, cette mesure entraînerait une chute de revenus d'environ 15 000 euros par an, soit, souvent, la totalité de leur rémunération.

Face à cela, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, préparé par l'équipe qui vous a précédé, a été présenté devant l'Assemblée nationale sans modification, sans que les engagements entendus çà et là lors de visites de terrain de ministres soient traduits concrètement par la présentation d'une nouvelle exonération permettant de réparer pareille injustice.

Devant cette promesse non tenue, une majorité de nos collègues députés ont adopté un amendement visant à rétablir le TODE, contre l'avis du Gouvernement.

Ma question est la suivante : quelle sortie de crise allez-vous proposer à la représentation nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ? Souhaitez-vous conserver le dispositif existant, l'adapter, ou bien en inventer un nouveau ?

Monsieur le ministre, les agriculteurs et les viticulteurs connaissent votre combat à leurs côtés depuis vingt-six ans que vous êtes élu. Ils espèrent beaucoup de vous ; ils espèrent que vous remporterez encore de nombreux combats pour eux, à commencer par celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la présidente, permettez-moi d'abord de souligner combien je suis heureux que ma première intervention au Parlement en tant que membre du Gouvernement ait lieu, ce matin, au Sénat.

Madame la sénatrice Delattre, vous évoquez un sujet très important, celui du TODE, rappelant mon intervention effectuée voilà quelque temps sur ces mêmes travées.

La suppression du TODE s'inscrit dans une ligne politique et économique générale voulue par le Président de la République, celle de la baisse des charges, notamment dans l'agriculture, celle d'une meilleure rémunération et celle de la fin du CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui sera compensée par des baisses de charges permanentes. Dans ce cadre, le milieu agricole est gagnant dans son ensemble : c'est une réalité.

De telles mesures sont en effet favorables au secteur agricole. Notamment, la réforme de la fiscalité agricole vise à mieux appréhender la variabilité des revenus. Les dispositions figurant dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, loi dite ÉGALIM, issue des travaux des états généraux de l'agriculture et qui sera très prochainement promulguée, permettront d'aller dans ce sens. C'est également le cas de la non-augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, et des modalités de remboursement qui en découlent.

Dans ce cadre, avec un paquet agricole que je qualifierai de positif, un bilan économique pour l'agriculture qui l'est tout autant, il reste un sujet, celui du TODE. C'est ce que j'avais exprimé, ici même, à l'occasion d'une question au Gouvernement : le Premier ministre a entendu ce qu'ont dit les agriculteurs, leurs représentants, ainsi que les parlementaires.

En effet, si, sur l'ensemble du dispositif, je soutiens totalement l'action de ce gouvernement en faveur d'une baisse des charges, d'une meilleure rémunération et d'une hausse des revenus, il reste que, pour les employeurs agricoles de travailleurs saisonniers, le compte n'y était pas. C'est la raison pour laquelle, après avoir entendu les uns et les autres, le Premier ministre m'a chargé de faire une proposition de compromis, pour sortir de cette situation.

J'ai donc déposé, au nom du Gouvernement, un amendement, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui sera étudié demain à l'Assemblée nationale. Il s'agit bien évidemment d'une proposition de compromis, car le Gouvernement ne peut accepter le rétablissement intégral du TODE. Par cet amendement, nous proposons une aide aux agriculteurs jusqu'à 1,1 SMIC, ce qui permettra de garantir une meilleure rémunération tout en mettant fin aux difficultés économiques que rencontrent en la matière un certain nombre d'exploitations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour répondre à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en trente et une secondes.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, nous allons suivre avec grand intérêt le débat qui aura lieu demain à l'Assemblée nationale et que nous ne manquerons pas d'avoir ici, au Sénat. Même avec un seuil fixé à 1,1 SMIC, il manque encore un peu d'argent. Vous savez à quel point la situation est aujourd'hui tendue dans les exploitations, d'où la nécessité de parvenir à un compromis raisonnable.

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