Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOCR) publiée le 26/07/2018

M. Roland Courteau expose à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation que les nombreuses acquisitions de terres agricoles par des étrangers suscitent interrogations et inquiétudes.
Ainsi, les fonds de gestion chinois, par le biais de sociétés, achètent à des exploitants en difficulté et à des prix très élevés, des milliers d'hectares dont les productions, en règle générale, sont destinées à l'exportation.
Force est de constater, d'une part, que les jeunes agriculteurs ne peuvent acheter de telles terres, compte tenu des prix offerts par ces sociétés et, d'autre part, que les stratégies de contournement de notre législation démontrent que nos outils de régulation sont inadaptés.
Il lui indique que si le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) a été conforté pour l'acquisition de la totalité des parts d'une société, cette disposition est contournée par le biais de cessions partielles.
Il lui demande donc quelles initiatives il entend engager pour remédier à de telles situations.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 20/09/2018

Les outils de régulation du foncier sont inadaptés face au développement des phénomènes de concentration conduits sous forme sociétaire quelle que soit la nationalité de la société se portant acquéreuse. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 (LAAAF) a permis aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer leur droit de préemption pour l'acquisition de la totalité des parts sociales d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles peuvent être aisément organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été récemment engagées pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration conduits sous forme d'exploitations agricoles mais elles se sont avérées infructueuses. En effet, une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles avait été déposée le 21 décembre 2016 visant à instaurer une plus grande transparence dans l'achat de terres par des sociétés et à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales ou aux actions en cas de cession partielle. Cette dernière disposition a cependant été censurée par le conseil constitutionnel dans une décision n°  2017-748 DC du 16 mars 2017. Pour appréhender de manière globale ce phénomène de fond, il est nécessaire d'en évaluer la portée à l'heure actuelle. La fédération nationale des SAFER a précisé dans son rapport d'analyse du marché des parts sociales (sociétés portant ou exploitant le foncier agricole) publié en mai 2018, que les acquisitions étrangères ont représenté, en 2017, 1,6 % du nombre de transactions et 9,2 % de la valeur du marché, soit 107 acquisitions pour 122 millions d'euros. Ces investissements sont majoritairement le fait d'investisseurs européens qui représentent 59 % du nombre de transactions et 85 % de la valeur du marché. Le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux a par ailleurs été chargé de formuler des recommandations en vue de compléter les mesures de la loi d'avenir du 13 octobre 2014 afin de proposer les modifications à apporter aux outils actuels de régulation et de portage du foncier pour accompagner le renouvellement des générations, améliorer les conditions de transmission de l'activité agricole et préciser le rôle des SAFER et afin qu'elles soient confortées dans l'exécution de leurs missions d'intérêt général. Tout en reconnaissant le caractère minoritaire des prises de contrôle par des sociétés basées à l'étranger, la mission confirme cependant, dans son rapport publié en mars 2017, le développement de la dissociation de la maîtrise des facteurs de production (par exemple : entre propriétaire terrien et exploitant…). La mission préconise la mise en œuvre d'un cadre juridique adapté au développement du fait sociétaire et une évaluation en continu de la politique foncière, qui auront vocation à faciliter l'installation des jeunes agriculteurs et la transmission de l'activité agricole avec un portage du foncier adapté. La réflexion sera également nourrie par les conclusions à venir de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le foncier agricole.

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